Sa devise en dit long : « Sols vivants… Sols performants ! » Installé à La Présentation, aux abords de Montréal dans la province du Québec, Jocelyn Michon est l’ancien président du club ‘Action Semis Direct’ et fut l’initiateur de la certification ‘terre vivante’. Sa stratégie : la régénération des sols via le drainage, le semis direct, les cultures de couvertures et les vers de terre, pour améliorer ses productions.
-40°C l’hiver
Jocelyn Michon possède 236 ha (dont un bloc de 145 ha) : 40% en soja, 40% en maïs et 20% en légumes pour Bonduelle (pois et haricots). Le blé ne fait pas partie des productions, car il implique « beaucoup de contraintes en termes de phytosanitaires et est moins rentables que les légumes. » Les sols sont diversifiés, de sablonneux à argileux. La vraie difficulté du secteur réside dans son climat : les hivers sont (très) froids et humides, avec des températures descendant jusqu’à -40°C et beaucoup de glace dans les sols. En outre, l’hiver 2018/2019 a été particulièrement compliqué, avec de nombreuses parcelles le long du fleuve Saint Laurent encore sous l’eau au mois de juin.
Sur l’exploitation de Jocelyn Michel, cet hiver et printemps compliqués ont retardé les semis. « Nous déclenchons les semis selon l’humidité, explique l’agriculteur, la limite directe étant la quantité de terre sur les roues de fermeture du semoir » (impact sur la profondeur et la régularité du semis). Les pois ont par exemple été semés en « conditions limites » le 28 mai.
3 000 $ par hectare
« Le fait que nous observions des sols gorgés d’eau à chaque printemps démontre une mauvaise structure des sols, analyse Jocelyn Michon. Plus on compacte les sols avec des passages de grosses machines, plus l’eau a tendance à ruisseler, au lieu de pénétrer, en emportant avec elle les sédiments. »
Partant de ce constat, il investit dans une remise en état des sols avant de cultiver toute parcelle qu’il achète ou qu’il loue. Une stratégie qui implique également un travail avec les agriculteurs qui lui louent des terres, « on ne peut pas raisonner à l’année, car il y a des coûts à amortir, il faut une entente minimale sur 10 ans. »
Réduire l’évaporation et l’érosion
Pendant cette première année où les terres ne sont pas cultivées, elles sont drainées, puis nivelées, et les fossés nettoyés. Le coût par hectare est estimé à 3 000 dollars canadiens (environ 2 000 €/ha) dont 2 000 pour le drainage. Jocelyn Michon met ensuite en place un couvert végétal et la parcelle est cultivée le printemps suivant.
Les cultures sont implantées en semis direct, et Jocelyn Michon leur associe également des couverts végétaux. « Avoir un sol bien couvert, c’est réduire l’évaporation et mieux protéger les sols contre l’érosion. » Sa rotation est organisée en cinq ans :
- soja associé à un seigle ;
- maïs associé à un seigle ;
- soja associé à un seigle ;
- légumes associés à un mélange graminées-légumineuses-crucifères ;
- maïs associé à un seigle.
Entre la 4e et la 5e année, un apport de fumier est réalisé. Le seigle est la culture de couverture préférée de Jocelyn Michon, il est implanté en pleine terre pour le soja et entre les rangs de maïs. Il a aussi testé le semis à la volée pour les seigles, mais les résultats n’étaient pas jugés satisfaisants.
80% au test du slip
Et les résultats sont là ! D’une part pour les sols, « on remarque tout d’abord visuellement une belle uniformité en surface, et dans le sol, les vers de terre sont revenus, ce qui permet notamment à l’eau de mieux circuler. » Jocelyn Michon a par ailleurs soumis ses parcelles au « test du slip » en l’enfouissant à 10 cm dans une parcelle de maïs. Au bout de 2 mois, le taux de dégradation atteint 80% ! Un très bon résultat en comparaison des 20% observés via un test similaire chez un de ses voisins en conventionnel.
Des sols en bonne santé qui, couplés aux couverts, donnent de bons rendements. Sur les 15 dernières années, il obtient un rendement moyen de 13,2 t/ha en maïs (14,3 t / ha au max) et 4,2 t/ha en soja (5 t/ha au max). L’indicateur de performance le plus important selon Jocelyn Michon est la quantité de produit obtenu par kilo d’azote apporté à la parcelle, car « c’est ce qui montre la réelle performance du sol. » Et avec 95 kg de grains de maïs produits par kilo d’azote apporté, contre 56 kg en moyenne dans le secteur, il peut être satisfait !
3% de matière organique
Au-delà de l’efficacité agronomique, « l’autre gros intérêt du semis direct, ce sont les économies qu’il engendre » par rapport au système conventionnel. En prenant en compte le parc de matériels moins important, les économies de main-d’œuvre associée, de carburant et de fertilisation, Jocelyn Michon a calculé un gain de 74 000 dollars canadiens par an pour les 315 ha qu’il travaille (environ 50 000 €) ! De bons résultats économiques qui lui ont permis d’investir, « cela a payé tous les bâtiments de l’exploitation et les machines depuis 1999. »
Jocelyn Michon continue de surveiller l’état de ses sols et réalise tous les 5 ans des échantillonnages pour les mesure de pH (les meilleurs sols affichent un pH compris entre 6,5 et 6,8). Le taux de matière organique moyen à l’échelle de l’exploitation est de 3%. « Et 3% suffisent lorsqu’il s’agit de matières organiques vivantes », insiste l’agriculteur.
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