Carbone et fertilisation : miser sur la précision… et le vivant !

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Carbone et fertilisation : miser sur la précision… et le vivant !

Le Français Toopi Organics, qui obtenu fin 2022 une autorisation de mise sur le marché pour son engrais biostimulant à base d'urine humaine.

Pour séquestrer du carbone dans les sols, sous forme de matière organique, il faut de l'azote. Or, l'apport de fertilisation azotée en trop grandes quantités, au mauvais moment ou dans des conditions non optimales conduit à l'émission de protoxyde d'azote… une bombe climatique, dotée d'un pouvoir réchauffant 265 fois supérieur à celui du CO2, sur cent ans. Comment faire ? 

Difficile de se passer de fertilisation azotée dans les sols agricoles. Pour préserver les rendements, bien sûr, mais aussi pour stocker du carbone atmosphérique. Et cela en raison de l’importance du rapport massique carbone sur azote (C/N) qui régit le potentiel d’humification des matières organiques. Quels facteurs aboutissent à la transformation de l’azote apporté aux sols en protoxyde d’azote ? Il s’agit des phénomènes de nitrification et de dénitrification, déclenchés lorsque trois éléments sont réunis: du carbone, des nitrates en excès et un manque d’oxygène.

Conséquence de la fertilisation azotée : des émissions difficiles à contenir

Ces réactions ont lieu de la manière la plus directe, lors des apports de matières azotées sur les sols agricoles. Il s’agit d’engrais azotés, de déjections lors des pâtures, d’engrais et d’amendements organiques. Ces dernier constituent environ 60 % des émissions agricoles, lesquelles constituent 90 % des émissions totales de protoxyde d’azote.

Dans un second temps, les émissions de nitrates lixiviés, et d’ammoniac volatilisé peuvent également faire l’objet de nitrification/dénitrification, menant à d’autres émissions de N2O (environ 33 %)

Enfin, la troisième source provient du stockage des déjections des élevages (environ 7 % du total des émissions), qui peuvent être réduits par des systèmes de « croûtes » ou des dispositifs de couverture.

Mais globalement, sur les sols, « ces émissions restent liées à des mécanismes difficiles à contenir […] liés à la chimie et la biologie, résument les auteurs du Rapport Secten du Citepa 2022*. Peu de solutions techniques sont actuellement disponibles pour limiter les émissions de N2O des sols, qui sont très dépendantes des conditions pédoclimatiques, les plus fortes émissions ayant lieu après les épandages d’azote et après des épisodes pluvieux ».

Épandages : la précision déjà bien avancée

Les techniques de fertilisation pour éviter ces phénomènes sont en effet connues. Ils mènent tout droit aux principes de l’agriculture de précision. La bonne dose, au bon endroit, au bon moment, au fur et à mesure des besoins de la plante. Et dans les meilleures conditions pour qu’elle assimile l’azote au maximum sans lessivage.

Cela engendre pour l’agriculteur la nécessité de raisonner sa fertilisation de A à Z. Le tout dans un cadre réglementaire qui devrait se durcir. Car, même si  les experts du rapport Secten reconnaissent que « l’optimisation de la fertilisation azotée en lien avec les préconisations d’apports adaptés aux besoins des cultures est déjà bien avancée », les épandages azotés sont aussi dans le viseur pour les émissions de particules fines qu’ils provoquent.

La loi Prepa devrait par exemple mener à une réduction drastique des buses à palettes en 2025. Ainsi qu’à une réduction de ces émissions de 25 % à l’horizon 2025. « Avec une préconisation principale : l’enfouissement rapide derrière épandage. Actuellement, il ne s’agit que de recommandations, dans le cadre du volontariat. Les agriculteurs ont intérêt à jouer le jeu, pour éviter plus tard, une réglementation brutale et subie », analyse Hervé Masserot, animateur agroéquipement de la fdcuma de Mayenne dans un article de la FRcuma Ouest.

Côté recherche, suite à des méta-analyses poussées des coûts et bénéfices de la fertilisation azotée, des voix s’élèvent pour réclamer la construction de systèmes crédits d’azote, à l’image des crédits carbone.

Cultiver l’azote biologique par la fertilisation

Un autre panel de solutions de fertilisation consiste à « cultiver » l’azote biologique, moins lessivable, plus stable, et surtout directement assimilable par les plantes. C’est tout aussi technique, mais sans doute plus souple que l’épandage de précision. Surtout, ces deux approches peuvent fonctionner en complémentarité.

Là encore, les solutions sont connues et rejoignent les préceptes de l’agriculture de conservation des sols : l’implantation de légumineuses dans les couverts, pour leur capacité à fixer dans leurs racines l’azote atmosphérique, sous forme de nodules ; la diminution du travail du sol et la réduction des intrants de synthèse de manière à favoriser la vie biologique des sols, vers de terre en tête.

Marcel Bouché, spécialiste des populations de vers de terre anéciques, rappelle dans son ouvrage  » Des vers de terre et des hommes » (Éditions Actes Sud), que la tonne de vers de terre que comporte un hectare de terre en bonne santé excrète plus de 550 kg par an d’azote. Lequel migre, en quarante jours, du ver de terre à la plante sous une forme directement assimilable.

vers de terre fertilisation

La tonne de vers de terre que comporte un hectare de terre en bonne santé excrète plus de 550kg par an d’azote.

Crottes et pipi valent à nouveau de l’or

La production d’engrais azotés, via la réaction de synthèse de l’ammoniac par la réaction de Haber-Bosch, requiert des quantités de combustibles fossiles phénoménales. Et elle émet des quantités non moins importantes de gaz à effet de serre. À titre de repère, elle nécessite 5 % de la consommation mondiale annuelle de gaz naturel. Elle produit également 1 à 2 % des émissions totales de CO2 mondiales. La recherche va bon train, qu’il s’agisse de catalyseurs pour déclencher la réaction dans des conditions de températures et/ou de pression moins élevées. Ou encore sur la possibilité d’utiliser de l’énergie « verte », comme de l’hydrogène d’origine solaire chez Yara.

Nouvelles technologies pour engrais spéciaux

D’autres entreprises dans le monde se lancent dans un créneau particulier remis au goût du jour. La valorisation des urines et fèces humaines sous forme d’engrais. Souvent sous l’étendard de l’économie circulaire. C’est le cas du Français Toopi Organics. La société a obtenu fin 2022 une autorisation de mise sur le marché pour son engrais biostimulant. Un engrais à base d’urine humaine. D’autres, comme le Norvégien Cambi, le Canadien Lystek ou l’Américain DCWater, travaillent avec la technologie d’hydrolyse thermique. Elle sert pour le traitement des eaux vannes et produisent des engrais « spéciaux ».

Intéressant de noter qu’en Chine, la collecte du « sol de nuit » (le contenu des pots de chambres) était obligatoire dès le XVIIIe siècle. Le but : le transformer en engrais pour nourrir les populations des villes . Dans le Japon médiéval, aux sols peu fertiles, la collecte de ces effluents particuliers (qui étaient un étalon or) était un droit des seigneurs sur leurs serfs.

collecteur d'excrément

Aquarelle chinoise, collecteur de « sol de nuit ». Crédit : Wellcome Library, London. Wellcome Images.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

* Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique, (Citepa), Rapport Secten 2002, Inventaire Floreal

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