L’agriculture de précision est une notion qui mûrit et se concrétise, comme on a pu le constater à l’occasion de deux conférences lors du dernier Innovagri. « La Chambre d’agriculture du Centre s’est très tôt intéressée à l’agriculture de précision », explique Sylvain Deseau, conseiller en agroéquipement dans le Loiret. Au départ, il s’agissait surtout de cartes de rendement. Mais tout le monde a vite butté sur leur interprétation. La Chambre d’agriculture a néanmoins poursuivi, s’appuyant à la fois sur quelques les agriculteurs pionniers et sur la proximité de constructeurs en pointes dans ce domaine, comme John Deere ou Kverneland. « Pour nos élus, l’agriculture de précision représente un moyen de s’extraire par le haut des contraintes réglementaires et environnementales, et de véhiculer une image positive de l’agriculture ».
Rester maître de ses décisions
L’organisme reprend à son compte les 5 étapes de l’agriculture « mesurée », définie par Gilbert Grenier, enseignant à Bordeaux Sciences Agro : mesurer et géolocaliser, analyser et calculer, décider, appliquer, et enfin tracer/comparer/partager. Et pour la troisième, « l’agriculteur doit rester maître de ses décisions », estime Sylvain Deseau.
D’abord le sol
Dans les jours qui viennent, les Chambres d’agriculture vont lancer un ensemble de services baptisé Solizy, qui s’appuie sur une démarche logique. D’abord cartographier le sol, en mesurant la conductivité à deux profondeurs différentes, et en réalisant des prélèvements à la tarière. « La connaissance fine des sols du département, acquise par notre pédologue, est un gros atout », souligne Sylvain Deseau. Ces informations vont permettre d’estimer le potentiel de rendement – et là les cartes de rendement ont leur rôle à jouer – pour moduler le deuxième apport d’azote sur blé. Elles servent aussi à positionner des prélèvements de reliquats azotés, et à quantifier la réserve utile, pour éventuellement moduler les apports d’eau d’irrigation.
Jusqu’au désherbage
Le service comprend également des propositions de modulation des apports de fumure de fond, selon l’historique des parcelles, et des apports d’azote sur blé et colza à partir d’images de drones interprétées par Airinov. Pour de prochaines étapes, la modulation de la densité de semis en blé et en maïs est également à l’étude dans le Loiret. Autre chantier prometteur : la cartographie des adventices pour réaliser des désherbages localisés. Le principe fonctionne aujourd’hui dans ce département avec le chardon sur maïs, betterave et chaume.
Maîtriser les matériels
Face aux questions que peuvent se poser les agriculteurs sur leur matériel, est-il compatible ou pas ? la chambre d’agriculture du Loiret fournit des cartes tests. Elle organise également des formations avec les concessionnaires afin que chacun puisse approfondir la prise en main de son propre équipement.
L’option prestation
Une telle démarche a pour avantage de donner aux agriculteurs des interlocuteurs ayant une vision globale et d’abord agronomique, et non pas une série de vendeurs isolés de matériels ou de services. En Bretagne, c’est un pool d’entrepreneurs de travaux agricoles, le réseau CLEO, qui se propose de devenir cet interlocuteur. Pierre-Henri Hamon, un de ses créateurs, explique notamment que dans son cas, c’est le prestataire qui possède et maîtrise les matériels capables de moduler. Mais CLEO intervient aussi en amont, avec des agronomes pour le conseil et les essais en grandeur réelle, et une prestation de cartographie de sol. Ces entrepreneurs font notamment appel à la technologie SOYL, jugée simple à dé ployer.
Dans le sens de l’agro-écologie
Alors faut-il voir l’agriculture de précision comme une échappée vers la haute-technologie, qui s’opposerait à une agro-écologie plus naturelle ? « Non, répond Gilbert Grenier. L’agro-écologie est notamment synonyme de réduction des intrants et d’augmentation de la fertilité, ce qui demande de revenir aux fondamentaux de l’agronomie. En face, l’agriculture de précision cherche à apporter la bonne dose au bon endroit et au bon moment. En prenant en compte la variabilité des sols, elle permets de mieux répondre aux exigences de l’agro-écologie ».