La pousse de l’herbe 2022 « serait très représentative d’une année avec aléas climatiques dans le futur. » Au forum-débat de Mécaélevage 2023, la conclusion de Benoît Possémé, conseiller en production fourragère à la Chambre d’agriculture de Bretagne, concrétise les prédictions climatiques. Pour la région, celles-ci tablent en effet sur une intensification des aléas, en fréquence, comme en ampleur. Certes, l’élevage devra s’adapter au climat. Mais l’expert résume : ce sera « plus à une modification de sa répartition qu’à une diminution du rendement annuel de l’herbe. »
L’élevage s’adapte au climat
En moyenne, les creux estivaux de la production fourragère seront plus marqués. Le pic printanier gagnera en précocité, tandis que Cyril Get, éleveur à Iffendic, apporte un témoignage rassurant à propos de la pousse d’arrière-saison : « Les repousses d’automne, j’en suis plutôt content. Le trèfle repart bien. Ça donne des bons taux », explique le producteur de lait. Marine Futsch, référente technique en fourrage pour Innoval, conforte : « Cette herbe contient une proportion de feuilles intéressante. Elle propose une valeur alimentaire plutôt bonne. »
En Bretagne, l’herbe ne poussera pas moins, mais différemment
Cyril Get priorise le pâturage, et mise sur le printemps pour constituer ses stocks. Pour autant il s’autorise des récoltes d’enrubannage avec les surplus d’automne, comme ce fut le cas en fin de saison dernière. Le 25 mai à Mécaélevage, le témoin mettait même en avant une satisfaction vis-à-vis de cette expérience. « J’ai eu un peu peur, mais les balles n’ont pas bougé. » Or, cette question de leur conservation constitue une limite de ces récoltes. « La difficulté à cette période est d’obtenir les taux de matière sèche suffisants. On conseille de ne pas les conserver très longtemps. Par exemple, ne pas aller au-delà de 45 jours pour des enrubannés », développe Marine Futsch.
La bonne carte cuma est un atout
Côté cultures annuelles, la stratégie pour adapter l’élevage au climat repose sur des méteils moissonnés et de l’ensilage d’épi de maïs. « Il y a deux ans, pour pallier le manque d’herbe, j’ai ensilé la moitié des méteils. L’an dernier, j’ai ensilé le maïs en plante entière. » L’agriculteur se montre ainsi flexible dans ses choix, à l’instar de la cuma à laquelle il adhère, et qui, depuis 2016, propose un service d’affouragement en vert.
« Nous voulions que ce soit une activité souple, que les adhérents solliciteraient en fonction de leur besoin », se souvient Vincent Guérin. Devenu agriculteur, il était à l’époque chef d’équipe à la cuma Agribocage. L’achat simultané de l’autochargeuse et de la faucheuse frontale devait faciliter le lancement d’un service de fauche en grande largeur. « Il y avait ce projet pour un groupe de fauche. » En même temps, la coopérative saisissait une opportunité : « Cet automne-là, les ray-grass d’Italie avaient bien poussé. Des adhérents qui n’avaient pas de solution d’affouragement avaient cette demande. »
Le changement du climat pousse celui des organisations de cuma
Le changement du climat rejaillit ainsi jusque dans le fonctionnement de la coopérative, qui en 2022, tirait une nouvelle fois un enseignement de la situation. « Jusqu’ici, j’enregistrais les réservations par téléphone pour les ensilages de printemps », narre Vincent Guérin. Mais les fenêtres se raccourcissant, le groupe a instauré la tenue d’une réunion de planning hebdomadaire.
Retour dans la prairie où, face à la variabilité du climat, Olivia Tremblay (Agrobio 56) expose l’intérêt de panacher les espèces et les variétés. Si pour elle, « il ne faut pas s’en passer », le ray-grass anglais montre néanmoins des limites en conditions sèches et chaudes. « À 25°C, il stoppe sa croissance. Il laisse des trous. Il faut trouver des espèces qui prennent le relais à ce moment-là. »
La prairie est un système complexe, capable de s’adapter
Outre ce genre de choix techniques, Benoît Possémé insiste sur un autre paramètre qui confère de la robustesse au système fourrager : pour faire face aux aléas, il faut suffisamment de stock, par rapport à l’ampleur du cheptel. Ainsi limiter cette dernière est une hypothèse. À cette fin, « on peut par exemple déléguer l’élevage des génisses. »
Agir sur la consommation est une des logiques que Sébastien Baron a mises en œuvre, à Allaire, dans un secteur plutôt séchant du Morbihan. « En novembre dernier, nous avons scindé notre troupeau. » D’un troupeau de 70 vaches traites matin et soir, l’élevage, qui a eu l’opportunité de réhabiliter un second site, compte désormais deux blocs distincts. L’un, de 35 vaches, comme l’autre, de 45, sont conduits en monotraite. Avec plus de surface accessible, l’objectif était de réduire les coûts et « moins démarrer le tracteur. En même temps cela participe à atténuer notre impact sur le changement climatique. »
Elevage et climat : les solutions d’adaptation sont efficaces à plusieurs
En parallèle, l’éleveur morbihannais partage son expérience de pâturage d’un sorgho d’interculture et ses retours positifs du semis des prairies sous couvert. Ainsi, il illustre les propos du conseiller de la chambre d’agriculture : « Le levier pour que l’élevage s’adapte au climat est de combiner les solutions. C’est comme une boîte à outils. Seule, une clef de 12 ne suffit pas. »
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