La rédaction d’Entraid vous emmène à travers une série de 15 articles à la découverte de la production laitière Nouvelle Zélande. Un voyage d’étude rendu possible grâce à notre partenaire Agrilys spécialisé dans l’organisation de voyage d’étude professionnel à l’étranger. Suivez notre journaliste en visite sur une exploitation laitière Nouvelle Zélande. Cliquez sur le lien suivant pour voir le sommaire et l’intégralité des articles traitant de l’élevage laitier.
Développer la production laitière avec un sharemilker : schéma d’organisation qui peut expliquer le développement de son exploitation laitière Nouvelle Zélande
Avec leur approche de spécialisation extrême, les acteurs de la production de lait néo-zélandaise en sont arrivés à une spécialisation du facteur humain au sein même du système d’exploitation. Celui qui finance peut être différent de celui qui décide et celui qui travaille et fait travailler peut encore être un autre. Le propriétaire de l’élevage laitier peut donc ne jamais avoir à approcher une vache (et c’est parfois un objectif).
Pour cela, certains ont un sharemilker. Derrière ce titre, se cache un moyen de placer des jeunes gens dynamiques et motivés dans le rôle d’éleveur. Eux, sont portés par l’objectif de capitaliser progressivement jusqu’à pouvoir acheter eux-mêmes leur ferme. « Etre sharemilker permet de progresser très rapidement », explique un éleveur qui a démarré sharemilker de son père. « On gère son troupeau comme on veut. C’est très intéressant ». Ce schéma d’organisation des exploitations a sans doute sa part de responsabilité dans le spectaculaire développement de la production laitière.
Transmettre progressivement le patrimoine
Chez Ted et Sue Rollinson, dans le Canterbury, les 380ha sont irrigués grâce à six pivots. Après avoir vendu la ferme familiale du nord de l’île, le couple s’est installé ici, dans la plaine la plus productive du pays. « Nous avons converti l’exploitation céréalière au lait, aplani les paddocks avec une pente pour l’irrigation », initiée par submersion grâce au réseau de canaux.
Depuis, les rampes permettent de maîtriser les volumes nécessaires à l’arrosage des prairies, grâce à 8km de canalisations et un investissement de 5MNZ$. « Nous mettons 20mm tous les 3 à 5 jours de septembre à avril, selon les années ». Ted Rollinson affirme que grâce à l’irrigation, « nous avons le contrôle sur le lessivage de l’azote ». Sans parler du rendement annuel : 20tMS/ha. Au quotidien, c’est le sharemilker qui gère l’irrigation. Le jeune homme dirige aussi l’équipe de sept salariés directement au contact des animaux. Aujourd’hui, l’exploitation laitière compte 1450 vaches traites dans un roto de 70 places. Qu’il est loin le troupeau de six vaches avec lequel le père de Ted avait démarré en 1936!
Leur décision de contracter avec un tiers pour diriger leur ferme, Ted et Sue l’ont prise il y a une dizaine d’années. « C’était une grande décision, nous voulions prendre du recul par rapport au travail de l’exploitation. Nous avions le choix entre vendre la ferme ou installer un sharemilker », se souvient Ted. Outre les responsabilités et charges qu’il supporte (voir encadré), le sharemilker doit produire au-delà d’un volume minimum déterminé. Il reçoit en contrepartie la moitié du profit réalisé par la ferme.
Sharemilker : un statut en perte de vitesse dans le pays
Aujourd’hui, environ un troupeau sur cinq voit intervenir un sharemilker dans son schéma. « Il y en a de moins en moins parce qu’ils sont en difficultés lorsque les prix sont bas et qu’ils n’ont pas la terre en assurance », relève Matthew Newman, responsable du service économie de DairyNZ (recherche et conseil aux éleveurs). Ils n’accèdent pas non plus aux revenus que représentent les dividendes des parts sociales Fonterra détenues par les propriétaires coopérateurs. « Ce schéma devient difficile pour acquérir des fermes qui valent de l’ordre de 7MNZ$ », avec un coût du foncier aux environs de 35.000NZ$/ha. La carrière de l’éleveur pouvait se dérouler ainsi : salarié, sharemilker à 20%, jusqu’à 50/50 sharemilker, avant de pouvoir s’installer et être propriétaire des terres, avec plusieurs changements de fermes dans son parcours.
Répartition des rôles chez Ted Rollinson
Les charges et responsabilités du sharemilker de la ferme Rollinson | - Il apporte le cheptel - Il embauche (avec un nombre de salariés minimum déterminé) - Il paie : o Les salaires o L’énergie (électricité) o Les aliments achetés o 50 % de la fertilisation azotée sur les surfaces additionnelles o 50 % du fermage sur les surfaces additionnelles (vaches taries et hors plateforme) o L’ensilage est réalisé par le shareholder qui facture sa prestation à son sharemilker (temps et matériel). |
Les charges du shareholder (Ted et Sue Rollinson) | - Il paie : o 50 % de la fertilisation azotée sur les surfaces additionnelles. o Les taxes, les assurances. o La fertilisation de fond. o Les améliorations foncières. o Il détient la terre et les parts sociales Fonterra (et en reçoit les dividendes). |
Chez les Rollinson, le 50/50 sharemilker a cette fonction depuis 9ans. Il se montre satisfait de sa situation, de ses relations de travail avec son shareholder (propriétaire). Mais il espère s’installer sur une ferme voisine à l’échéance d’un an. Il est notamment suspendu à la décision des banques qui ont des exigences croissantes, au fur et à mesure qu’il augmente son propre capital.
Les propriétaires se voient bien continuer avec la même personne, envisageant de lui proposer un nouveau contrat pour six ans. Dans leur idée, ce pourrait même être lui qui reprenne la ferme après leur décès. « Nous avons trois enfants. Tous ont des parts dans des exploitations laitières mais aucun ne pourra reprendre seul cette ferme qui est trop grande. Soit ils la garderont ensemble avec un sharemilker, soit elle sera vendue », ce qui pourrait aussi se faire par Ted et Sue eux-mêmes s’ils en éprouvent le besoin un jour.
Le système sans bâtiment, avec de l’herbe Situé dans le Canterburry, la région «la plus productive du pays», la ferme des Rollinson est totalement herbagère. Il n’y a pas de maïs, «car c’est ce qui coûte le plus cher», coupe l’éleveur. «Il faut, cultiver, récolter, stocker… il y a de la perte», surtout dans un système sans bâtiment d’élevage. Or, construire n’est pas au programme pour Ted Rollinson car «avoir un bâtiment ne permet pas de rester en-dessous du coût de production critique». Chez lui, le coût de production s’affiche en deçà de 4NZ$/kgMS et des références nationales. Le maïs sert à «faire du stock quand l’herbe ne pousse pas. Donc quand on irrigue, le maïs n’a pas de sens». |
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