Charles-Henri Collin : un président de cuma charismatique

Partager sur
Abonnés

Charles-Henri Collin : un président de cuma charismatique

Charles-Henri Collin, président de cuma et éleveur d'esprit d'équipe.

Depuis dix ans, Charles-Henri Collin fait évoluer la cuma. Il a beaucoup de responsabilités. Manager impliqué à 100  %, charismatique et inspirant, il raconte comment, avec son équipe, il est passé d’un groupe dynamique à l'hyperactivité.

Pourquoi cette histoire ? Sur le premier plateau du Doubs, au milieu des prairies verdoyantes (trop pour un mois de janvier ?), s’est formé un groupe d’éleveurs, producteurs de Comté qui semble détonner… Dynamiques, novateurs dans leurs techniques, mais avec surtout l’envie d‘avancer ensemble. En rencontrant le président de la cuma des Deux Forts, le plus bavard, on apprend à quel point la nouvelle génération a su, tout en douceur, imposer leur nouvelle vision de la cuma. Empathie, rigueur et rires, il fallait absolument qu’on vous raconte.

Un défi

Grand, brun, bavard, blagueur, Charles-Henri Collin, la trentaine, a déjà une belle expérience du travail en groupe. Il a consacré dix ans à l’évolution de sa cuma en s’emparant du rôle de président dès son installation à 24 ans. « J’ai peut-être parfois été trop dur », réalise l’éleveur du Doubs, en pleine introspection. Depuis qu’il a quitté la présidence de la cuma des Deux Forts, Charles-Henri Collin prend conscience du chemin qu’a parcouru le groupe, mais aussi des moyens qu’il a dû mettre en œuvre pour y parvenir.

Tout s’est amorcé en 2012, quand ce jeune éleveur a repris une partie de l’exploitation familiale. Agé de 24 ans, il est plein d’allant. Il veut agrandir son exploitation tout en continuant de produire du lait pour le Comté et embaucher un salarié. Dans le coin de sa tête, il a envie de réduire ses usages de produits phyto et faire évoluer ses techniques de cultures.

Un président de cuma porteur de projets

Il a également de grands projets pour sa cuma, avec l’achat de petits matériels pour fédérer le groupe, mais aussi d’outils plus innovants. Mais se retrouve confronté à la dizaine d’agriculteurs en rythme de croisière.

« Ça ne me convenait pas, se souvient l’agriculteur. Mais avec la reprise, je ne pouvais pas investir seul dans du matériel et ça n’avait pas de sens, alors j’ai dû faire avec le groupe. » Et la différence de générations…

Très vite, le jeune homme s’impose. Un an plus tard, après avoir pris de l’assurance dans son métier, le bureau lui confie la responsabilité de président de la cuma. « J’aime le matériel, mais je préfère les chiffres », s’amuse t-il à répéter, calculatrice toujours à la main. « En ayant un jeune dans la cuma, aussi motivé, ils ont pu facilement me donner la main. J’ai considéré cela comme un défi. »

Être président de cuma, c’est aussi passer des savons !

Petit à petit, seule, la cuma est passée d’un niveau dynamique à très dynamique. « Mon passage à la cuma aura parfois été dur pour certain, reconnaît-il. J’ai dû passer des savons, mais c’était pour assurer la pérennité du groupe. On a durci le règlement, c’était la seule manière de remettre d’aplomb la cuma financièrement. » Ainsi, les années suivantes, les impayés se comblent petit à petit, le règlement intérieur se veut plus rigoureux et les engagements sont remis à plat. « Mais nous n’avons rien imposé, nous avons proposé, tient à préciser l’agriculteur. Nous avons simplement mis de la rigueur et des limites pour pouvoir poursuivre nos activités. » Et le groupe a adhéré au discours, à sa manière de faire. « Sans cela, ça aurait été impossible », reconnaît-il. Au fil des ans, le président de la cuma ainsi que le groupe ont évolué.

Une organisation « à la jeune »

C’est à ce moment-là que Charles-Henri Collin et le bureau décident de donner un nouvel élan à la cuma des Deux Forts. « J’étais là pour rendre service aux adhérents, alors ils ont appris à travailler un peu différemment. Au lieu de dire « je veux tel matériel, ils ont appris à demander », illustre l’ancien président de la cuma. Son mot d’ordre : efficacité.

Depuis, les réunions ont également pris une autre tournure. Fini les soirées à rallonges où aucune décision n’est prise. « J’ai demandé à ce que lorsqu’on renouvelle un matériel, chaque utilisateur soit au moins présent, explique-t-il. On ramène les devis et on se prépare à toutes les éventualités. À l’issue de la rencontre, la décision est actée. Mais en aucun cas, on oblige les personnes à investir. » Peut-être une question de génération. Mais le jeune fonceur a lui aussi grandi.

« Je voulais voir du changement, je me suis énormément impliqué dans cette cuma, reconnaît-il. En dix ans, j’ai appris à écouter les autres et à raisonner. Ça m’a forgé le caractère. »

Ainsi, en dix ans, la cuma a évolué de 10 à 52 adhérents. Forcément, une cuma qui fonctionne bien, c’est attrayant. Le groupe compte 39 matériels. Les activités vont de l’épandage aux bennes, outils de travail du sol, broyeurs et télescopique. D’où l’importance aussi de bien organiser le travail. Et de renouveler le matériel régulièrement.

Être patient

« Tout le monde n’a pas compris au début, mais c’est toujours plus facile de mutualiser du matériel quand tout est bien géré, estime l’agriculteur qui ne voit pas d’inconvénient à partager du matériel. Économiquement, le matériel ne coûte rien, si tout est bien optimisé. Dans mon cas, je paye chaque année 5 500 € pour avoir accès à un matériel d’une valeur de 600 000 €.  » Toujours la calculette. Car la cuma ne lésine pas sur le matériel. Les adhérents ont choisi de bien s’équiper. « On ne discute quasiment plus des options, sourit Charles-Henri Collin. On est même un peu suréquipé afin de gérer les coups de bourre. »

« Ça crée toujours des tensions. Surtout au moment de l’épandage, quand les fenêtres d’action sont étroites », ajoute-t-il.

La cuma a bien évoqué la construction d’un bâtiment en commun, mais la topographie de la région ne facilite pas la décision. « Nous sommes éloignés d’une vingtaine de kilomètres, mais en montagne et avec une vallée à traverser, fait remarquer le jeune agriculteur. Pour le moment, les outils sont plutôt bien répartis géographiquement pour qu’il n’y ait ni trop de kilomètres à parcourir, ni de perte de temps pour les adhérents. » Ancré dans son territoire, berceau du Comté, il a bien en tête les difficultés mais aussi les opportunités qu’il lui apporte.

Passage de flambeau

Comme un manager, Charles-Henri Collin, a dû s’impliquer avec son équipe dans certains sujets. « Président, c’est faire du social, résume ce cartésien. Ce n’est pas toujours facile, nos exploitations sont différentes, chacun a ses besoins. Le but est que chacun y trouve son compte. Pas de régler les conflits. Mais il faut montrer que nous sommes disponibles pour eux. » Pour l’anecdote, un jour, à 15  h, la batterie de son téléphone était vide….

Depuis, il préfère les chiffres et a passé la main pour devenir trésorier. « J’ai laissé la place à « Chouchoune », un peu grognon mais passionné de matériel, blague le jeune homme. Il fallait laisser la place après dix ans de responsabilités. Je l’ai accompagné les premiers mois et maintenant, il se débrouille très bien avec le poste. J’ai montré qu’on pouvait le faire, aux autres maintenant de poursuivre. » La cuma souhaite poursuivre son évolution, rassembler ses adhérents autour de petits matériels utiles à tous. Mais aussi accueillir les agriculteurs désireux de partager cette aventure.

Le président de la cuma délègue et motive

Avec 39 matériels, difficile de penser à tout. Charles-Henri Collin l’a très vite compris et n’a pas hésité à déléguer. Comme dans son exploitation où il a un salarié, ou plutôt, comme il préfère dire, « mon second ».

Il s’attache à montrer l’exemple, mais s’inspire aussi de l’énergie et des idées des autres. « Avoir des personnes impliquées autour de soi remotive à certains moments », reconnaît-il. À 35 ans, ce grand bavard a bien changé. Parti d’un défi, il réussit à donner un nouvel élan à la cuma des Deux Forts. Au fur et à mesure des situations, des prises de responsabilités, Jean-Charles Collin est devenu aussi, plus mature. Les projets fusent toujours dans sa tête  : renouveler, calculer, se challenger, mais aussi se questionner, Charles-Henri Collin serait-il sur la voie de la sagesse ?

Ce qui a changé en 10 ans à la cuma

  • En 2012, 10 adhérents, activité d’épandage
  • En 2024, 52 adhérents, 39 matériels, 115  000 € de chiffre d’affaires

Les difficultés rencontrées par Charles-Henri Collin

  • Instaurer de nouvelles règles
  • Mettre en place plus de rigueur

Leitmotiv

  • Créer un groupe uni, prêt à évoluer, motivé.
  • Un groupe qui a envie de partager son matériel dans un souci de productivité, mais aussi d’échanges et d’écoute mutuelles.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com