Vincent Chatellier de l’INRAE a analysé le processus de mise en place des aides directes versées aux exploitations agricoles, lors du colloque de la SFER début juin. Il a est revenu sur la baisse progressive des prix d’intervention des céréales décidée dans le cadre de la mise en oeuvre de la PAC 92. Puis, l’économiste a retracé les principales évolutions observées au cours des réformes successives de la PAC. Cette rétrospective montre que s’il y a bien eu des ajustements d’une PAC à l’autre, il n’y a pas eu depuis 1992, de ruptures radicales susceptibles de bousculer les équilibres en place.
Des aides directes durement négociées
Agir brutalement sur les règles d’attribution, c’est prendre en effet le risque de fragiliser certaines filières de production très dépendantes des aides ! L’Union européenne avance donc pas à pas, pour nouer de laborieux compromis :
- Création d’un 2ème pilier de la PAC en 1999.
- Introduction du découplage et mise en place de la conditionnalité des aides en 2003.
- En 2008, suppression progressive des quotas laitiers à partir de 2015 et homogénéisation du montant à l’hectare des DPU.
- Mise en œuvre de la convergence des aides découplées entre pays membres avec la réforme de la PAC 2014. Et instauration de 4 niveaux d’aides découplées (droit à paiement de base, paiement vert, paiement redistributif, et paiement additionnel pour les JA).
Bovins-viande : des aides PAC deux fois plus élevées que le revenu !
Ces changements dans la continuité, réduisent assez peu les écarts importants qui existent dans la ventilation des aides directes.
D’abord entre filières. En bovins viande, les aides directes¹ calculées en proportion du RCAI² sur la période 2010-2022, frôlent les 200 % ! La part des aides directes est un peu moins forte dans les système ovins caprins, à 154 %.
Elles représentent 60 % du revenu en grandes cultures.
En queue de peloton figurent, le maraîchage à 20 %, la viticulture à 10 % et les fleurs et l’horticulture à 8 %.
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De 5 000 à 30 000 € par UTA, toutes OTEX confondues
Parallèlement aux types de production, la surface de l’exploitation est déterminante dans l’attribution des aides directes.
Pour une exploitation laitière de moins de 50 ha, les aides directes s‘élèvent à un peu plus de 14 000 € par UTA³. Contre plus de 21 000 €/UTA pour une exploitation laitière de plus de 200 ha. Toutes OTEX confondues, les aides directes vont en moyenne de 5 000 € par UTA pour les exploitations inférieures à 50 ha, contre 30 000 € pour les plus de 200 ha.
Aides PAC : tous les agris à l’éco-régime
La dernière réforme mise en œuvre en 2023, pour une durée de 5 ans, a aussi quelques nouveautés. D’abord avec la mise en œuvre de plan stratégique nationaux « PSN », constituant une PAC plus à la carte. L’introduction de l’éco-régime conçu pour aider tous les agriculteurs qui s’engagent à mettre en place des pratiques agronomiques favorables à l’environnement et au climat.
Sur le terrain, quasiment tous les exploitants ont saisi la perche. « La quasi-totalité des agriculteurs français devraient avoir accès au niveau de base de l’éco-régime et plus de 80 % au niveau supérieur, sans changer leurs pratiques agricoles » observe Vincent Chatellier pour qui « la PAC 2023-2027 ne modifiera que marginalement l’inégale répartition des aides qui, parce que majoritairement versées à l’hectare, continueront à être biaisées en faveur des plus grandes exploitations en termes de SAU ». Une PAC qui n’est pas non plus à la hauteur du défi environnemental, selon l’économiste…
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- Faut-il maintenir des aides surfaciques ?
- Des aides pour réduire les émissions d’azote
- De nouvelles aides pour réduire les phytos
¹ Aides du premier et du deuxième pilier de la PAC , plus les aides financées sur les fonds nationaux et régionaux.
² Résultat courant avant impôt.
³ Unité de travail annuel.