La tonne à lisier ne suffit plus

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La tonne à lisier ne suffit plus

Un compromis route/champs pas satisfaisant.

De plus en plus d’agriculteurs et d’observateurs relèvent les limites du système actuel gros tracteur et grosse tonne pour l’épandage du lisier. Et si on faisait autrement ?

L’épandage de lisier est très majoritairement réalisé aujourd’hui par des tonnes classiques, qui effectuent le transport et l’épandage. Or, il existe aujourd’hui des alternatives au système gros tracteur et grosse tonne à lisier, comme l’a montré le débat organisé à MécaElevage (23 juin à Yffiniac). Son titre : « La tonne à lisier ne suffit plus ». En effet, le matériel et la main d’œuvre coûtent cher, et les parcelles s’éloignent. Pour répondre aux demandes des éleveurs, les cuma comme les autres acteurs investissent dans des tonnes d’une capacité de plus en plus grande, qui demandent des tracteurs de plus en plus puissants, essentiellement pour la phase de transport.

Beaucoup de temps sur la route

« Pour 5 minutes d’épandage, on en passe 40 à 45 sur le route, observe ainsi Stéphane Nogues, président de la cuma La Rouillacaise (Côtes d’Armor) ». Sans toujours en être conscient, on dépasse régulièrement les limites légales de poids sur la route : « Beaucoup d’ensembles affichent 50 à 60 tonnes, alors que le code de la route met la limite à 40 tonnes, prévient Pierre Havard ,directeur de la Station des Cormiers. En cas d’accident, c’est la correctionnelle assurée pour le chauffeur et pour le donneur d’ordres ».

joskin tetrax

Quatre grandes roues côte à côte : une configuration intéressante aux yeux de Stéphane Nogues (Joskin Tetrax).

Pas logique

Stéphane Nogues confirme, et observe : « Nous déplaçons sur la route des éléments comme le bras de pompage, qui ne sert qu’à la ferme, et comme la rampe ou l’enfouisseur, qui ne servent qu’au champ. Comme me l’a dit en plaisantant un constructeur lors d’un salon en Allemagne : quand la trémie de votre moiss’-batt’ est vide, il ne vous vous viendrait pas à l’idée d’aller vider à la coop avec la machine, c’est pourtant ce que vous faites avec vos tonnes à lisier ». Schématiquement, pour déplacer les 25 tonnes de lisier d’une grosse tonne, on met en œuvre le même poids en acier. Une bien faible efficacité.

Des équipages trop lourds

Conséquence agronomique : on met en péril la santé des sols avec des charges à l’essieu grandissantes, atteignant facilement 13, voire 15-16 tonnes. « Les pneus d’aujourd’hui sont très larges, explique Pierre Havard, de sorte que la terre reste prisonnière dessous au lieu de chasser sur les côtés. Les contraintes créées par la charge se propagent en profondeur et réduisent la porosité du sol. Visuellement, c’est propre mais en dessous, si le sol est humide, les conséquences sur les rendements peuvent se faire ressentir pendant des années ».

Réduire à la source

« Echanger des parcelles ou du lisier, pour éviter le flux improductif de ces tonnes qui se croisent sur la route, serait la première solution », estime Pierre Havard. Mais il n’en sous-estime pas la difficulté. Réticences psychologiques pour tout ce qui touche le foncier, même si les mentalités peuvent évoluer : « Les nouvelles générations vont chercher à regrouper leurs parcelles », espère Jérémy Labbé, jeune éleveur de porcs.
Barrières administratives pour tout ce qui engage les plans d’épandage, et là c’est plus dur à faire bouger.

vredo

Un automoteur spécialisé complété par un transport séparé : pourquoi pas, à condition de rester dans des poids raisonnables au champ.

citerne à lisier

Un exemple de citerne ultra-légère destinée au transport entre ferme et bord de champ.

Un gain de 10000 €

La cuma du Sillon (Morbihan) a par exemple travaillé à un projet d’échanges de lisier, d’ailleurs reconnu GIEE. Comme l’explique Dominique Guého, directeur de la fdcuma : « Un éleveur de porcs qui est obligé d’exporter du lisier l’aurait épandu chez un éleveur laitier voisin qui, lui, achète de l’engrais minéral. En réduisant les trajets, il aurait économisé environ 10 000 euros par an rien qu’en logistique. Mais avec le dispositif des installations classées, c’est impossible ».

Dans les tuyaux

Autre piste en amont suggérée par Pierre Havard : créer des fosses relais près d’îlots parcellaires éloignés, pour réduire ou décaler le transport du lisier, installer des canalisations sur certains trajets très « fréquentés » : « Un tel investissement s’amortit sur longtemps et bénéfice de frais de maintenance très limités. Les collectivités locales pourraient d’ailleurs aider au passage de tuyaux sous les routes, elles y gagneraient sur le budget entretien des voiries ». De fait, certains éleveurs utilisent aujourd’hui des réseaux d’irrigation pour conduire de lisier de la ferme aux parcelles. Une solution d’autant plus accessible techniquement que le lisier est fluide, pourquoi pas passé au préalable dans un séparateur de phases.

Epandage sans tonne

Epandage sans tonne : une solution dans les parcellaires favorables.

Des matériels différents

Du côté des matériels, des solutions existent, et d’abord l’épandage sans tonne. La cuma La bonne Entente (Maine et Loire) a ainsi investi dans un automoteur avec rampe à pendillards, et dérouleur enrouleur de tuyau. « Il permet aux adhérents une plus large utilisation des lisiers, sur blé au printemps et même sur maïs en végétation », explique Gérard Poujol, animateur à l’Union des cuma. Il précise que la mise en place du chantier demande environ 2 heures. La technique se prête donc mieux aux grandes parcelles. Epandage sans tonne également à la cuma de Plurien (Côtes d’Armor), avec une rampe sur tracteur et un tuyau traînant au sol. « Sur blé, il n’y a pas photo, constate Jérémy Labbé, un des adhérents, même si le coût est deux fois plus élevé. On ne voit pas où le tracteur est passé alors qu’avec une tonne ce serait un carnage ».

Ravitaillement et caisson

La cuma dispose de 900 m de tuyau, mais elle a aussi une solution de chantier dissocié pour les parcelles éloignées, que présente Emmanuel Omnès, responsable de l’équipe de salariés : « Nous avons une benne à grain rendue étanche et équipée d’un bras tourelle. Elle est alimentée par une ou deux tonnes et fait le tampon avec la pompe ».

Transport à part

Dissocier le transport de l’épandage constitue une solution séduisante, que Stéphane Nogues a pu observer au salon Agritechnica : « Imaginez une machine dans un champ qui n’arrête jamais d’épandre, de capacité moyenne, mais équipée pour ne pas tasser. Et sur la route, on se contente de tonnes simples, sans poids inutile, avec des pneus routiers ». Il faudrait pour cela brasser un plus grand volume de lisier et mobiliser deux ou trois chauffeurs.

A plusieurs cuma

« En mutualisant les moyens, via l’inter-cuma par exemple, une telle logistique paraît transposable. S’organiser c’est dans les gênes des cuma ». Pierre Havard est confiant : « Les cuma sont capables de s’organiser et de planifier des chantiers comme l’ensilage, elles doivent pouvoir le faire aussi pour l’épandage ». Même s’il faut prendre en compte plus de paramètres, quand l’épandage intervient au printemps sur des sols tout juste ressuyés, et qu’il s’insère dans une suite de travaux de préparation de sol et de semis.

 

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De g. à dr., Emmanuel Omnès, responsable de l’équipe des salariés de la cuma de Plurien (Côtes d’Armor), Gérard Poujol, animateur cuma dans le Maine et Loire, pour la cuma La Bonne Entente, Jérémy Labbé, éleveur de porcs et administrateur de la cuma de Plurien, Pierre Havard, responsable de la Station des Cormiers, de la Chambre d’agriculture de Bretagne, et Stéphane Nogues, président de cuma et de la fédération des cuma Bretagne Ille Armor.

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