Olivier Le Mouel, actuel conseiller en agroéquipement à la Fédération des cuma de Bretagne, côtoie quotidiennement des acheteurs de matériels agricoles. Quelques années auparavant, il était de l’autre côté de la barrière, technico-commercial dans une concession de matériels agricoles. Avant de devenir quelques années plus tard, enseignant en agroéquipement dans une Maison familiale. Une période pendant laquelle il s’est penché avec ses élèves sur l’évolution des prix des matériels agricoles. Où en sont les prix des tracteurs agricoles en 2024 ?
Prix des tracteurs agricoles : accalmie en 2024 après la flambée des prix ?
« Les cuma m’interpellent souvent sur les prix des matériels », relate le conseiller. Il y a de quoi, en effet. Le prix des tracteurs agricoles, matériels « phares » de l’exploitation, évolue en 2024 autour de 1 000, voire 1 200 € le cheval ! Après une hausse exacerbée des prix en 2022, le début de l’année marque une pause. Ce qui ne signifie pas pour autant une baisse des prix… Aujourd’hui, les carnets de commandes sont moins remplis. Les délais d’attente entre la commande et la livraison se raccourcissent. Les acheteurs prennent davantage leur temps pour signer le bon de commande.
Des acheteurs plus frileux
En effet, le contexte économique est incertain pour certaines filières. Ce n’est pas sans conséquence sur le prix des matériels, en partie corrélé avec celui des matières premières agricoles, comme les céréales. Cela se vérifie sur le terrain, atteste Olivier Le Mouel. Signe du ralentissement des achats : « Entre 2022 et 2023, le volume de prêts Agilor sollicités par les cuma dans le Morbihan est passé de 8,3 M€ en 2022 à 6,3 M€. Soit une différence de 2 M€, en parallèle des financements alternatifs qui ont pu être souscrits ». Sur ce sujet, l’animateur de la fédération insiste sur le besoin de souplesse dans les emprunts souscrits : absence de pénalité en cas de remboursement anticipé et à l’inverse, possibilité d’étalement de prêt en cas de trésorerie compliquée. Point positif : parallèlement à l’accalmie des prix des matériels, le conseiller en agroéquipement constate l’amorçage, bienvenu, d’une baisse des taux d’intérêt.
Deux catégorie d’acheteurs se distinguent selon lui. Ceux qui sont « piqués » par la marque. Et les autres, plus ouverts à la concurrence. Certains acheteurs succombent toujours à la recherche, indicible, de plaisir. Le plan de relance est également pointé du doigt comme facteur de suréquipement. Avec des taux de subvention très incitatifs, jusqu’à 40 % du prix de vente, quelques agriculteurs ont voulu se saisir de cette « opportunité » (pas toujours justifiée) pour investir. Autre écueil : les acheteurs ne rédigent pas suffisamment de cahiers des charges, appuie Olivier Le Mouel. Et ils acquièrent des options dont ils n’ont pas toujours l’utilité : « Combien d’agriculteurs sont en situation de valoriser l’autoguidage hydraulique dont est équipé leur tracteur de 150 ch, qui reste dans une cour d’exploitation ? », s’interroge-t-il.
Des niveaux de remise différents d’un concessionnaire à l’autre
Certains concessionnaires ont surfé sur ce marché très porteur du machinisme agricole, en argumentant sur la déductibilité des charges fiscales et sociales. Dans la fixation des prix de vente, des facteurs objectifs existent, comme la prise en compte des frais de préparation du matériel et de livraison. Cependant sur un même matériel, le taux de marge réalisé sera différent d’un distributeur à l’autre. En effet, tous ne partent pas sur un pied d’égalité : « Les concessionnaires n’auront pas toujours le même niveau de remise en fonction du nombre d’unités vendues », décrit l’animateur de la fédération. D’autre part, le niveau d’exclusivité dont bénéficient certains distributeurs peut aussi les placer dans une position dominante pour imposer leurs tarifs.
Les charges de structure peuvent varier également d’une entreprise à l’autre. Quelques concessionnaires bien en vue ont aménagé des lieux de vente stylés, avec show-room. Leur intention est de conforter une image de marque et de capter l’intérêt des agriculteurs acheteurs. Alors que d’autres misent en priorité sur la proximité du client, en assurant une implantation de leurs bases dans une zone de chalandage éloignée de 35, 40 minutes maxi de leurs clients. Ils parient davantage sur la dimension interpersonnelle dans les relations commerciales. L’agriculteur connaît le représentant, le magasinier, les mécanos… et il va pouvoir échanger avec eux.
La rentabilité des entreprises de distribution est basée aussi sur la facturation des pièces de rechange et du temps de mécanicien, qui frôle désormais les 75 €/h. Dans ces conditions, les offres d’extension de garanties et de contrats d’entretien pluriannuel trouvent un écho favorable chez les clients.
Les hausses de prix des tracteurs agricoles sont-elles rationnelles ?
Côté constructeurs enfin, les éléments d’explication avancés par les fabricants de matériels agricoles pour justifier les hausses peinent parfois à convaincre. On est loin, ces dernières années, des augmentations standard des prix des matériels, de l’ordre de 2 à 3 % par an ! L’effet perturbateur du covid, puis de la guerre en Ukraine sur le secteur des agroéquipements, est incontestable, analyse Olivier Le Mouel, qui a étudié les chiffres avec ses étudiants. Ces crises ont déstabilisé le marché des matières premières. Le prix des composants tout comme celui de l’acier a doublé en l’espace de deux à trois ans.
L’industrie métallurgique, mais aussi le marché de l’énergie, ont été bousculés. Les cours du gaz et de l’électricité font du yo-yo. Les frais d’acheminement ont grimpé aussi de 8 à 10 %. S’y rajoute l’augmentation des coûts salariaux. Bilan : en sortie usine, les charges de fabrication du matériel pèsent 25 % de plus, en deux ans. De plus, plusieurs familles de matériels intègrent davantage de nouvelles technologies, que les constructeurs cherchent à amortir économiquement.
Mais en plus de ces facteurs haussiers, la forte demande en matériels agricoles a eu pour effet mécanique d’alimenter ce cycle d’augmentation. D’une certaine manière, les acheteurs ont « consenti » à ces hausses stratosphériques de prix des matériels, au-delà bien souvent du raisonnable.
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