Moissons en Occitanie : l’eau fait et défait les rendements

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Moissons en Occitanie : l’eau fait et défait les rendements

Moisson de l'orge en 2022 dans le Gers.

En blé tendre, dans les cuma d'Occitanie sondées par Entraid, les rendements vont du simple au double, de 40 à, très localement, plus de 80 quintaux par hectare. Une variabilité alimentée par une grande tendance dans ce secteur : l'impact de l'eau à toutes les étapes du cycle des céréales.

Les moissons sont bien avancées en Occitanie. La plupart des responsables de cuma interrogés font remonter des rendements corrects malgré une année climatique complexe. La tendance globale est au soulagement pour les échéances de court-terme. Et à l’inquiétude sur le moyen-terme : l’impact du climat, notamment de l’eau, s’est encore fait sentir cette année. La réaction des sols aux pénuries ou trop-plein d’eau renforce encore cet impact sur les rendements. Les précipitations chaotiques tout au long de l’année auront eu deux autres grandes conséquences en 2024 dans le Sud-Ouest : des reports de semis en faveur des cultures de printemps, et des cultures bio assez impactées par les adventices. En cause? L’impossibilité de rentrer dans les parcelles en raison d’épisodes de pluies très rapprochés.

Moissons en Occitanie : l’eau qui manque, l’eau qui noie

Mais sur cette question de l’eau, dans le Sud-Ouest de la France, se dessine une nette frontière entre la ligne de partage des eaux entre la Méditerranée et l’Atlantique. La première marquée par la pénurie, et l’autre par le trop-plein. Côté Méditerranée, « le maître-mot c’est l’hétérogénéité cette année », résume Yves Dors, directeur de la cuma de Villalier dans l’Aude. « Nous n’avons pas récolté de pois. Les seuls qui avaient été semés l’ont été en bio, et ont été envahi par l’herbe. Nous avons récolté environ 200 ha d’orge. On tourne en moyenne à 5 à 6 tonnes par hectare en conventionnel, ce n’est pas trop mal. Les PS sont bons. En bio, on tourne autour de 2 tonnes par hectare. Là aussi, les adventices ont été difficiles à maîtriser cette année. Les conditions de récolte ont été très bonnes, on a terminé autour de la première semaine de juillet. »

Actuellement, les chauffeurs de la cuma, aux commandes de deux Claas Tucano 320, munies de coupes repliables de 4,5 m récoltent les blés durs, sur 400 à 500 ha.

« On ne sait plus quoi planter »

« En conventionnel, c’est joli, on est en moyenne autour de 3 t/ha. En bio, ça culmine à 1 tonne », note Yves Dors. « Et nous allons ensuite récolter les méteils, sur 150 ou 200 ha, généralement en bio. Clairement cette année, ce qui fait le rendement, c’est la variable eau. Nous en avons beaucoup manqué encore cette année. Il a juste plu un peu au printemps. »

« Les céréales ne sont plus réellement rentables dans notre secteur. On ne sait plus quoi planter. Certains plantent des arbres. On est dans un changement de climat très inquiétant », analyse-t-il.

« Les moissons en Occitanie vont vite cette année ! »

Sur l’autre versant de la ligne de partage des eaux, côté Atlantique, à la cuma de Roquecor dans le Tarn-et-Garonne, Gilles Taillade indique que la moisson cette année a été plutôt perturbée par le trop-plein précipitations.

« Sur les orges d’hiver et de printemps, ça s’est bien passé. On a commencé début juillet, avec des averses qui ont malgré tout compliqué l’enchaînement des chantiers. Les chauffeurs récoltent désormais les blés, avec des rendements autour de 60 quintaux par hectare, voire plus. En revanche, il faut compter 15 quintaux de moins à l’hectare avec les ray-grass », tempère-t-il.

Son de cloche moins optimiste chez Christophe Sicart, de la cuma tarn-et-garonnaise de Saint-Julien, mi-juillet, sur les orges : « Cette semaine, on finit les pailles. On a commencé les orges il y a au moins trois semaines. Cela ne s’est pas avéré bon du tout. Sur 150 hectares, les rendements s’étalent de 20 à 45 quintaux/ha en conventionnel. Il a beaucoup trop plu ! »

Chez Gérard Marchesi, de la cuma de Montjoi, dans le même département, termine avec l’équipe les moissons à la même époque, mi-juillet. « On a moins de surfaces à moissonner que d’habitude, avec des rendements moyens. »

Il estime que la baisse des surfaces a atteint 30 à 35 %, en raison de l’impossibilité de trouver des fenêtres météo adéquates pour semer. « Les adhérents ont donc reporté leurs semis, sur des tournesols, maïs, sorgho, » note-t-il.

Moissons 2024 en Occitanie : des rendements en orge d’hiver vraiment moyens

Gérard Marchesi précise : « Les rendements des orges d’hiver sont vraiment moyens, de l’ordre de 45 quintaux par hectare à peine. Typiquement, dans les fonds de vallées, on a fait moins, autour de 30-35 quintaux, et davantage à mi-côteaux et sur les plateaux. »

« On s’en sort mieux en blé tendre », mais là encore, la dichotomie entre les sols asphyxiants et les autres a fait la différence : « Sur les plateaux les rendements atteignent 70 quintaux par hectare, et dans les vallées on est davantage autour de 40. C’est vraiment la qualité des terres et leur comportement vis à vis de l’eau qui a joué: dans les boulbènes (terres sablo-argileuse autour de la Garonne et du Tarn, généralement hydromorphes, de type luvisols), les blés étaient clairs: il manquait des pieds. »

Les cultures de report, tournesols, maïs, sorgho, n’échappent pas aux aléas non plus cette année: « dans certains cas on a par exemple de très jolis tournesols, et dans d’autres secteurs il a fallu semer trois fois à cause des limaces, des palombes et de l’humidité ! »

« Pas mal vu le climat »

Chez Jean-Pierre Bernat, en Haute-Garonne, à mi-juillet, « les moissons ne sont pas terminées », mais le président de la cuma du Fousseret semble satisfait. « Nous avons commencé par 54 ha de colza, et nous étions très contents, avec un rendement moyen de 43 quintaux par hectare. »

« Pour les orges, sur une cinquantaine d’hectares, on tourne à 60 quintaux. C’est moins que l’année dernière, mais c’est pas mal vu le climat de l’année, » assure-t-il.

« Et dans les blés tendres, nous sommes en moyenne à 65 quintaux par hectare. Avec une très grande variabilité, en fonction de la profondeur des terres: mon voisin, qui a des terres très hétérogènes, a fait 45 quintaux sur certaines parcelles, 85 quintaux dans d’autres secteurs! Les bio, quant à eux, ont été impactés en raison d’invasions de ray-grass et de rumex. »

Dans le Gers, le grand écart

Dans le département voisin du Gers, certaines cuma ont été très affectées par les report de semis vers les cultures de printemps.  C’est par exemple le cas de la cuma de Battage de Barcelonne du Gers, où Jean-Pierre Laffitte n’a qu’un mot : misérable. « Nous avons récolté 3ha d’orge il y a trois semaines, 15 hectares de féverole il y a une semaine et il nous reste 8ha de blé à faire. Les orges ont été très moyennes et la féverole minable. »

A la cuma gersoise de La Lieuze, où les adhérents sont en bio, Didier Villemur indique qu’à mi-juillet, les moissons ne sont pas encore terminées. « On a fini l’orge, on est dans les blés, il nous manque les lentilles et le lin, » précise-t-il.

Et il est plutôt satisfait : « les orges nous ont permis d’atteindre 32 à 34 quintaux par hectare, bruts, en bio, ce qui est dans la moyenne apparemment cette année. Idem pour le blé tendre, où on atteint 25 quintaux par hectare, avec lesquels on atteint 11 ou 11,5 en protéine. Et des poids spécifiques de 76 à 78. »

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