Lors de la présentation de sa série Q5 (230 à 305 ch) en septembre 2022, Valtra affichait de fortes ambitions et voulait en faire un produit de conquête. Un tracteur capable de bouleverser la hiérarchie établie sur le marché. La question était donc, peut-il battre la référence des ventes sur ce créneau de puissance, le John Deere 6R ? Pour le savoir, nous avons décidé d’opposer ces deux tracteurs le temps d’un essai. Alors, Valtra Q305 ou John Deere 6R 250, que choisir ? Pour les départager, trois critères essentiels pour ce type de tracteurs : la motorisation, la polyvalence, les équipements et services associés.
1 / Moteur : match nul
A / Moteur français de 6,8 litres ou 6 cylindres finlandais de 7,4 litres ?
Si les deux tracteurs trônent aux sommets de leurs gammes respectives, ils reçoivent toutefois des moteurs 6 cylindres qui diffèrent en plusieurs points. D’une part la cylindrée : 6,8 litres pour le John Deere contre 7,4 litres pour le Valtra. D’autre part, la délivrance des 300 ch qui se fait avec ou sans surpuissance : le John Deere 6R 250 bénéficie d’une surpuissance de 25 ch pour les phases de transport et les travaux à la prise de force, quand Valtra a fait le choix de ne pas opter pour ce système sur le fleuron de sa série (surpuissance de 20 ch sur les autres modèles de Q5).
Ensuite, la technologie turbo varie également. John Deere monte en série deux turbos : un premier à géométrie variable qui souffle dans un second fixe. Plus classiquement, le moteur du tracteur Valtra dispose d’un turbo à géométrie variable. Enfin, côté normes antipollution, les deux organes répondent bien entendu au Stage V. Pour John Deere, cela passe par l’association d’une vanne EGR et d’un catalyseur SCR associé à un DOC et à un FAP. Chez Valtra, le moteur est plus simple structurellement en se passant de vanne EGR. En revanche, les deux modèles ont un échappement situé dans le prolongement du montant avant droit de la cabine pour préserver la visibilité.
B / Valtra Q305 ou John Deere 6R 250 : passage au banc de puissance
Pour vérifier leurs performances, nous avons demandé à Sport System de passer ces deux tracteurs au banc de puissance.
Les deux moteurs développent bien la puissance promise, avec 300 ch au programme (en prenant en compte les 10 % de perte liée à la mesure à la PdF). Les deux moteurs délivrent leur puissance maximale quasiment au même régime, environ 1 850 tr/min. De plus, on remarque que les deux moteurs présentent un faible écart de régime entre celui du couple maximal et celui de la puissance maximale. La réserve de couple du 6 cylindres John Deere est de 9,7 % et celle du 6 cylindres AGCO Power de 11,7 %. Le Valtra se révèle un peu plus coupleux que le John Deere, une légère différence qui s’explique notamment par la cylindrée supérieure.
Quid de la consommation ? Sport System n’a pas pu réaliser de mesure de consommation spécifique lors du passage au banc. Toutefois, lors de l’essai, nous avons relevé une consommation légèrement inférieure pour le John Deere : 12,4 l/h contre 12,9 l/h.
Conclusion : l’un est légèrement plus coupleux, l’autre consomme un peu moins. Match nul sur cette partie.
2 / Polyvalence et prestations routières : victoire du Valtra Q5
Pour évaluer les performances de ces deux tracteurs sur le terrain, nous en avons confié les clés à Ulrich Alphonse, agriculteur à Dampierre-en-Graçay (18). À la tête de son exploitation céréalière et de son Eta, il cultive chaque année plus de 1 000 ha. Actuellement, Ulrich Alphonse n’est ni client de John Deere, ni de Valtra. En outre, il dispose de deux tracteurs standards, un Claas Axion 920 et un Case IH Magnum 225, et de deux tracteurs à chenilles, un Challenger MT 765 C et un Claas 75E (Caterpillar).
Hormis les deux tracteurs chenillés destinés aux parcelles difficiles en termes d’adhérence (vallées grasses), Ulrich Alphonse recherche prioritairement « des tracteurs avec le plus de polyvalence possible. » Or, c’est précisément ce que promettent ces deux tracteurs de 300 ch de 10 tonnes : de la puissance disponible pour les travaux le nécessitant, tout en contenant leur poids pour optimiser la charge utile au transport (du lestage pouvant être ajouté au besoin pour les travaux lourds).
A / Une question de poids
Selon nos mesures, les deux tracteurs affichent sur la balance des poids à vide quasi-identiques (réservoirs pleins, sans lestage) situés juste en dessous des 10 tonnes. On notera un avantage inférieur à 100 kg en faveur du Q5. Les deux modèles sont homologués pour le même PTRA (44 tonnes), mais le Valtra Q305 offre un PTAC plus important : 16 tonnes (15 tonnes pour le 6R). Avantage donc au Valtra Q305.
Problème : malgré une durée d’essai de plus de 15 jours, la météo nous a interdit tout travail au champ. C’est donc uniquement au transport que notre agriculteur a tenté de départager le 6R et le Q5. Au programme : une benne deux essieux Agram Trailer T18 chargé de gravats et un parcours routier mêlant axes roulants, routes sinueuses et cotes.
Bien entendu, avec 300 ch sous le capot, la puissance n’a pas été un facteur limitant sur le parcours. Les deux tracteurs ont de la reprise et emmènent sans problème la benne chargée. « Le John Deere 6R semble avoir un peu plus de punch quand on attaque une montée. Cela s’explique peut-être par le déclenchement de la surpuissance qui donne cet effet boost. » Ensuite, « le Valtra Q5 s’est révélé plus sécurisant et plus stable dans les parties sinueuses. »
B / Valtra Q305 ou John Deere 6R 250 : avis d’agriculteur
« Au global, ce sont deux très bons tracteurs. D’ailleurs, ils se montrent tous les deux très confortables à emmener sur route. Les suspensions fonctionnent bien, et les cabines sont bien insonorisées. »
À noter, les deux marques n’ont pas fait les mêmes choix pour les suspensions. Ainsi, le Valtra Q305 dispose d’un pont avant suspendu pneumatique. En option, elle est complétée par la suspension de cabine pneumatique AutoComfort qui communique électroniquement avec la suspension de pont avant, pour adapter son amortissement aux déformations détectées par le pont avant. Sans cette option, la cabine de la série Q5 est suspendue mécaniquement. Chez John Deere, le pont avant est suspendu hydrauliquement. À savoir, cette suspension TLS Plus se synchronise avec l’attelage pour « compenser les sauts de puissance dans les conditions de traction lourde », explique la marque.
Conclusion : les deux tracteurs se marquent à la culotte sur cette épreuve : les deux sont équivalents en terme de confort sur route, le John Deere 6R est un peu plus punchy, quand le Valtra Q5 se révèle plus stable. La charge utile plus importante sur le Valtra, gage de polyvalence, lui apporte donc la victoire sur cette partie.
3 / Equipements et services : victoire du John Deere 6R
A / Comparaison des postes de conduite
Autant le dire tout de suite, ces deux tracteurs sont clairement orientés haut de gamme et offrent des équipements complets. Les différences se jouent sur des détails.
Commençons par les cabines. Si l’accès au poste de conduite est plus confortable sur le Valtra, la faute à un escalier trop étroit et trop vertical sur le John Deere, une fois à bord, c’est le John Deere qui offre le plus d’espace au ressenti d’Ulrich Alphonse. John Deere annonce un volume de cabine de 3,33 m³ (donnée non communiquée par Valtra). À noter, la cabine du Q5 est à cinq montants, mais notre essayeur n’a pas noté d’impact sur la visibilité (bonne sur les deux modèles).
Concernant le confort, là aussi d’un bon niveau sur les deux tracteurs, Ulrich Alphonse retient une meilleure insonorisation dans le John Deere et des qualités d’assise similaire dans les deux machines. En revanche, le Valtra s’est montré plus simple à prendre en main. « Le SmartTouch est un point fort du Q5. » Toutefois, notre agriculteur préférera la cabine du 6R pour « un ressenti de qualité global. À bord, on est clairement assis dans un tracteur premium. »
B / Des services à prendre en compte
Ensuite, le 6R 250 comme le Q305 propose de grosses capacités hydrauliques. Le John Deere 6R 250 dispose d’un circuit hydraulique délivrant 195 l/min pour alimenter jusqu’à neuf distributeurs. La capacité d’huile exportable est de 47 l (80 l en option avec réservoir additionnel). Pour sa part, le Valtra Q305 offre jusqu’à 205 l/min pour alimenter jusqu’à neuf distributeurs. La capacité d’huile exportable est de 75 l/min.
Par ailleurs, les fonctions électroniques ne permettent pas de différencier les deux modèles. En effet, autoguidage, gestion automatique des demi-tours, télémétrie et communication Isobus figurent au programme dans les deux cas.
Du côté des prises de force, le 6R 250 offre trois régimes à l’AR (540-540eco-1000 tr/min ou 540eco-1000-1000eco tr/min) et un régime à l’AV (1 000 tr/min). Le Q5 en propose deux à l’AR (540eco-1000 tr/min ou 1 000-1000eco tr/min) et un régime à l’AV (1 000 tr/min).
Enfin, le John Deere 6R 250 offre l’avantage d’un intervalle de vidange plus long (750 contre 600 heures) et la possibilité de bénéficier d’une garantie allant jusqu’à 8 ans ou 8 000 heures (5 ans ou 6 000 heures maximum sur le Q5).
Conclusion : le John Deere 6R 250 et le Valtra Q305 offrent des équipements haut de gamme similaires, mais l’américain propose une garantie et des intervalles d’entretien plus longs. Victoire du 6R 250 sur cette partie.
4 / Valtra Q305 ou John Deere 6R 250 : le bilan
L’impossibilité d’aller au champ demeure frustrante au moment de conclure. En effet, avec leurs empattements de 2,90 m (John Deere) et 3,05 m (Valtra), leurs pneumatiques VF de grandes dimensions et leurs 300 ch, ces deux tracteurs avaient des arguments à faire valoir.
Concernant les points forts, les deux tracteurs sont (très) confortables, puissants, polyvalents et offrent des équipements complets. Le Valtra Q305 y ajoute des commandes plus ergonomiques et plus simples à prendre en main, le John Deere une cabine plus spacieuse et mieux insonorisée.
A découvrir : la vidéo de l’essai comparatif entre le John Deere 6R et le Valtra Q5.
En conclusion, le Valtra Q5 se montre un concurrent sérieux du John Deere 6R. Les niveaux de prestations se révèlent similaires et le nouveau venu sur le marché dispose de solides arguments techniques. Les arguments rationnels se joueront sur des détails. Reste à prendre en compte la partie « non rationnelle » de l’achat d’un tracteur agricole. Et là, il y aura deux types d’agriculteurs : d’une part ceux qui préféreront le côté premium du John Deere, d’autre part ceux qui se laisseront séduire par le côté dynamique et personnalisable du Valtra. À chacun de faire son choix. Pour Ulrich Alphonse, ce serait le John Deere 6R 250 : « Ce sont deux très bons tracteurs aux prestations finalement très proches. Mais je choisirais sans doute le 6R pour la valeur de revente. »
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :