Le coût d’un tracteur est de plus en plus élevé. Mais les utilisateurs tendent aussi à acheter toujours plus de puissance, ce qui amplifie l’effet budget. Or, dans les comptes des exploitations agricoles, la traction figure au premier plan. Il est donc très légitime de chercher à optimiser le tracteur et les investissements, qu’on soit d’ailleurs en individuel ou en cuma.
Optimiser son tracteur pour gagner en productivité
Julien Hérault, expert indépendant en agroéquipement, constate un besoin grandissant en productivité du travail chez les agriculteurs, que ce soit pour mieux gagner leur vie, pour dégager des temps de repos légitime ou jongler avec les caprices de la météo. Il faut également rappeler que l’agrandissement des exploitations tend à leur adjoindre au fil du temps des parcelles plus souvent éloignées que contiguës à l’emprise d’origine.
Les déplacements s’en trouvent accrus. « Mais il faut d’abord bien dimensionner le tracteur et valoriser sa puissance », ce qui passe, selon Julien Hérault, par des outils attelés, eux aussi, optimisés. Il note qu’il y a plus à gagner dans ce type de démarche que dans le choix de tel ou tel modèle de tracteur ou de telle ou telle option.
Outil porté ou semi-porté ?
Il relève qu’aujourd’hui, les agriculteurs privilégient souvent les outils portés, moins chers à largeur de travail égale. Malheureusement, ces matériels nécessitent généralement de sur-investir dans le tracteur, uniquement pour disposer d’une puissance de relevage suffisante. L’alternative du tracteur moins puissant, et donc moins cher, associé à des outils semi-portés, mérite donc d’être mise en balance.
Du poids pour tracter… mais pas trop pour optimiser le tracteur
Julien Hérault clarifie une autre notion, celle de la capacité de traction. « Pour tracter, il faut d’abord du poids. On cite souvent le repère de 50 kilos par cheval de puissance, pour les tracteurs. Il faut savoir qu’un bulldozer affiche 100 kilos par cheval ». Mais, il ajoute aussitôt une mise en garde : « Cela n’est vrai que pour les faibles vitesses de travail, jusqu’à environ 8 kilomètres heure. En effet, plus on avance vite, plus la résistance au roulement augmente, et donc la consommation de carburant ».
Pour travailler à 12 km/h, un tracteur lourd s’avère trop gourmand. Ainsi, le poids optimal est trouvé quand le tracteur patine un peu, entre 10 et 15% en étant à pleine charge du moteur. En dessous, il est trop lourd et perd du carburant rien que pour son propre déplacement. Au-dessus, il perd du temps à trop patiner. Et pour bien occuper le tracteur, il vaut mieux employer des outils plus larges en allant moins vite, plutôt qu’augmenter la vitesse d’avancement. On y gagne également en confort pour le chauffeur et en usure pour les outils. Ceci étant posé, il faut bien sûr que le résultat agronomique demeure satisfaisant. Un déchaumeur à disques a, par exemple, besoin de vitesse pour réaliser un travail de qualité.
Optimiser le tracteur : travaux à faible ou grande vitesse ?
En résumé : un tracteur lourd est pertinent pour réaliser majoritairement du travail du sol à vitesse modérée. C’est là que, à puissance égale dans une marque donnée, on va plutôt préférer le 6 cylindres au 4 cylindres, ou bien le petit modèle de la gamme lourde au gros modèle de la gamme légère. Quant à lui, un tracteur léger convient mieux pour effectuer une majorité de chantiers à vitesse élevée. Il faudra juste le lester pour le labour ou le décompactage.
Sol dur ou sol meuble ?
Cet antagonisme entre la capacité de traction et les pertes par roulement se retrouve quand on parle pneumatiques. En effet, après le poids, la capacité de traction dépend aussi de la répartition des masses entre les essieux, et de la surface de contact des pneus avec le sol, liée à la pression de gonflage. Dans un sol meuble, un pneu radial à la bonne pression s’écrase un peu, s’enfonce moins et finalement tracte mieux. Mais attention, prévient Julien Hérault : « Un pneu faiblement gonflé n’a pas d’intérêt sur sol dur ». En effet, il n’accroche pas mieux tout en souffrant d’une plus grande résistance au roulement, liée à sa déformation. C’est également vrai, explique-t-il, pour les chenilles. Elles sont moins pertinentes sur sol dur.
Charger le moteur au maximum pour optimiser le tracteur
Le second point essentiel à viser pour optimiser la traction est pour Julien Hérault le taux de charge du moteur du tracteur. Autrement dit l’exploiter au maximum, à la limite « le mettre à genoux ». L’observation de la consommation de carburant fournit un indice intéressant. « Un moteur chargé à cent pour cent consomme zéro virgule vingt-deux litres par heure et par cheval. Si vous êtes à zéro virgule onze sur l’année, soit un taux de charge moyen de cinquante pour cent, c’est déjà bien ». En effet, il est impossible d’être à 100%, tant est grande la diversité des activités d’un tracteur courant. On ne peut pas non plus disposer d’un parc d’outils optimisés en toutes conditions pour charger le tracteur au maximum.
Eric Canteneur, conseiller à l’Union des Cuma des Pays de la Loire et spécialiste des tests de tracteur au banc, ajoute une indication pratique. « Un moteur est chargé quand le régime chute de cent tours par minute entre le régime à vide et le régime au travail ». Julien Hérault rappelle à ce propos qu’il est possible, dans une certaine mesure, de réduire le régime du moteur pour mieux le charger. Si ce régime suffit pour délivrer la puissance demandée, qu’il n’y a pas la contrainte d’un outil animé, et qu’on ne craint pas de caler, pourquoi pas ? C’est d’ailleurs ce que réalisent les automatismes de gestion de la transmission et du moteur présents sur les tracteurs avec variation continue.
Ces transmissions n’ont toutefois rien de magique. Il est en particulier impératif de bien les paramétrer, prévient Eric Canteneur. Il a déjà vu des cylindres glacés sur un tracteur dont la transmission était mal configurée par le chauffeur.
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Le diagnostic dans les cuma : de la puissance mal valorisée
Dans les cuma de l’ouest, il reste de la marge pour optimiser les couples tracteur-outil, selon les conseillers en machinisme.
Résumé d’un échange entre conseillers en agroéquipement du grand Ouest sur l’optimisation des équipages tracteurs outils.
La puissance des tracteurs tend à augmenter plus vite que la largeur des outils, notamment parce que les cuma restent sur des outils portés, jugés plus maniables. Nous observons des usures anormales sur des déchaumeurs à disques, liés à une vitesse de travail excessive, elle-même permise par un excédent de puissance par rapport à la largeur de l’outil. Quand on doit acquérir un seul tracteur pour des travaux aux exigences très diverses, il y a forcément un compromis à trouver.
Les tracteurs ne disposent généralement que d’une seule masse frontale, choisie parmi les plus lourdes possibles. De ce fait, elle s’avère trop lourde pour une partie des chantiers. Les tracteurs ne sont pas toujours vendus avec la monte de pneus la plus adaptée au type d’utilisation. La pression des pneus n’est pas ajustée autant qu’il le faudrait. C’est en partie lié à l’absence d’un tableau de gonflage facilement disponible ou connu des utilisateurs. En fait, il existe aujourd’hui des applications multi-marques pour smartphone, donnant tous ces tableaux. Elles ne sont pas assez connues.
Il y a malgré tout des utilisateurs plus pointus et attentifs que la moyenne, qui cherchent à optimiser les couples tracteur outil. Ainsi, une partie des salariés de cuma a plus qu’avant le réflexe d’adapter le lestage aux besoins.
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