Modulation : plus simple pour les intrants

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Modulation : plus simple pour les intrants

Ajuster les pratiques à la variabilité du sol (©Richard Semik/Adobe Stock).

Les cartes de conductivité, de biomasse ou de rendement fournissent des éléments probants pour moduler la densité de semis et les fertilisant, avec des matériels de cuma de dernière génération. Témoignages dans les Landes, le Bas-Rhin et la Haute-Garonne.

La modulation de la fertilisation azotée commence à se populariser. Depuis plusieurs années, les cuma investissent dans des épandeurs compatibles Isobus, capables de mettre en œuvre les cartes de fertilisation de leurs adhérents. Une deuxième vague d’équipement se présente depuis peu avec le déploiement de semoirs monograines à entraînement électrique, eux aussi ouverts à la cartographie. Sachant qu’en parallèle les tracteurs des cuma bénéficient de plus en plus d’une console Isobus, sur laquelle il n’y a plus qu’à débloquer une licence pour moduler.

Des sols visiblement hétérogènes

Mathieu Dupouy, jeune agriculteur dans les Landes, bénéficie de ces nouvelles technologies de modulation, étant adhérent pour 95 % de sa mécanisation à la cuma L’Espoir. Cette dernière possède une moissonneuse Claas Trion pouvant faire des cartes de rendement, ainsi qu’un distributeur d’engrais et un semoir monograine Kverneland pouvant moduler. Il cultive du maïs, du tournesol, du soja et des céréales sur 72 ha de terres vallonnées, limono-argileuses. « Avant le remembrement, le parcellaire ici était très morcelé. Entre cet historique et le relief, les sols sont assez hétérogènes ». Or, le réseau cuma offre ici une prestation de cartographie de la conductivité des sols, au travers de l’association Top Machines 640.

Mathieu Dupouy

Mathieu Dupouy aime faire des essais en vue d’améliorer sa marge.

Moduler la semence et l’engrais

« Après une discussion avec Santiago Mass, qui travaille sur le sujet, j’ai décidé de faire un essai. Je pense en effet qu’il y aurait un intérêt à moduler la densité de semis et les apports d’azote et de potasse. » La carte de conductivité a été complétée par un quadrillage d’analyses de sol, et de mesures de reliquats azotés, pour finalement dessiner cinq zones bien différentes au sein de la parcelle analysée.

carte de conductivité

La carte de conductivité réalisée chez Mathieu Dupouy.

reliquat d'azote

Les cinq zones délimitées pour réaliser la modulation (avec ici la mesure du reliquat d’azote).

Précisons que ce travail est suivi par la fédération des cuma, l’Institut Adour et Agroleague. Les hétérogénéités de sol s’expliquent par plusieurs facteurs, et notamment la texture, différente entre le haut et le bas des pentes, le taux de matière organique, lié à l’histoire et la réserve utile. Ainsi, d’un îlot à l’autre, le taux d’argile varie par exemple de 11 % à 17 %. La teneur en phosphore de 51 à 176 ppm. Côté rendement, la fourchette s’étend de 110 à 160 q/ha. Il y a donc de quoi réfléchir, et agir. Ainsi, lors des applications modulées, la dose d’azote au deuxième apport s’est-elle située entre 168 et 235 kg/ha. La densité de semis du maïs a pour sa part varié de 81 000 à 88 000 grains/ha.

Finalement c’est la marge qui compte

Pour Mathieu Dupouy, se lancer dans cette approche est naturel. « Nous sommes six jeunes dans la cuma et l’informatique ne nous fait pas peur. D’autre part, le prix de la technologie a baissé et en cuma, le matériel nécessaire est abordable. » Dans un premier temps, il observe : « Je considère chacune des cinq zones comme une parcelle avec son propre plan de fumure. Là où c’est irrigué, je vais plutôt chercher à augmenter le rendement. En sec, plutôt viser à réduire les charges. Les cartes de rendement vont me permettre de juger du résultat. Mais ensuite, il faudra plusieurs années de recul pour connaître l’essentiel, à savoir la marge économique ».

Bientôt les cartes

À quelques kilomètres de là, la cuma Gedo s’apprête aussi à cartographier les sols des adhérents, mais selon d’autres critères. Elle vient de mettre en route un semoir Agrisem Chief équipé en conséquence, avec la technologie Precision Planting. « Sur les huit éléments, explique Denis Lauretet, le président, quatre possèdent un capteur au niveau de la languette qui rappuie les grains au fond du sillon. Elle mesure l’humidité, la température et le taux de matière organique. Mais cette année, nous nous sommes concentrés sur la mise en route du semis proprement dit. Nous verrons l’an prochain pour aller plus loin. »

prélèvement de sol

Des analyses de sol classiques complètent le plus souvent les cartes issues de capteurs ou de satellites (©Precision Planting).

Cet organe appelé SmartFirmer permet par exemple de moduler le réglage de la profondeur de semis en temps réel, selon l’humidité présente. Naturellement, il cartographie aussi les valeurs relevées pour une consultation après le chantier.

capteur SmartFirmer Precision Planting

La languette de rappui des grains possède des capteurs qui caractérisent le sol.

Des cartes de biomasse faciles d’accès

À l’opposé de là, dans le Bas-Rhin, la cuma de la Rosée connaît aussi ses premiers essais. « En 2023, raconte Damien Fritsch, nous avons bénéficié de cartes de biomasse fournies par Pionner pour moduler la densité de semis sur une quinzaine d’hectares de maïs. Sur le secteur où nous avons pu réaliser une carte de rendement, le résultat était a priori positif. » Il s’agissait d’un cumul de cartes de biomasse sur une longue période. En 2024, les adhérents intéressés ont bénéficié de cartes plus précises car obtenues uniquement sur maïs, bien que portant sur seulement 5 ans. « Nous avons pu moduler sur vingt-sept hectares, avec un écart d’environ dix mille grains entre les zones à faible potentiel et celle à fort potentiel. Mais cela reste un pari car une densité élevée n’est valorisée que si le maïs reçoit suffisamment d’eau au moment où il en a besoin ».

Damien Fritsch

Damien Fritsch et ses collègues de la cuma de la Rosée sont motivés malgré quelques complications techniques.

Dépannages difficiles

Dans cette cuma, les terres s’avèrent assez homogènes. « Les gros écarts se voient entre le milieu et le pourtour des parcelles, selon Damien Fristsch. Avec les épandeurs centrifuges, on a tendance à sous fertiliser les pourtours. » Grâce au matériel disponible dans le groupe, les adhérents peuvent aussi moduler l’azote sur le blé. Il reste toutefois des progrès à réaliser : « Les concessionnaires manquent encore de connaissances pour nous accompagner avec les cartes, les logiciels et les consoles. Et même l’adhérent qui maîtrise la console a du mal à dépanner un collègue juste par téléphone. Quand une saison est tendue comme en 2024, on perd facilement du temps et on se démotive. »

Une sur-densité justifiée

Cédric Marque, adhérent de la cuma de Boulogne-sur-Gesse (Haute-Garonne), a également modulé la densité de semis de son maïs et de son tournesol à partir de cartes de biomasse, en 2023. Pour le maïs, il est ainsi passé de 72 000 grains/ha dans les zones caillouteuses à 95 000 dans les zones profondes. « Je n’ai pas fait de carte de rendement, mais j’ai constaté à l’œil que les épis des zones à densité élevée étaient aussi beaux. » Une sur-densité justifiée donc, qui a produit un supplément de récolte. En 2024, pas de modulation car un changement de matériel a suscité un problème de compatibilité, mais il y retournera en 2025. « Je vais travailler avec Be Api, qui me fournira des cartes de modulation plus précises, basées sur des analyses de sol. » Mais il reconnaît lui aussi que ces technologies peuvent buter sur un manque de compétences chez les revendeurs de matériels.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com

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