Aminata se rapproche et l’appelle doucement, cette fois : « Mounir, c’est l’heure du déjeuner, tu te joins à nous ? » « OK, OK, je viens. », lui répond le berger. Le jeune homme s’arrache, apparemment à regret, de son petit chantier. Mounir fait partie du groupe de bénévoles migrants qui était arrivé à la ferme deux semaines auparavant. Il ne parle pas bien français, mais il a la main très sûre avec les animaux et la terre. Aminata le voit bien, elle qui a dû tout apprendre à l’école et surtout, à la dure, en faisant des erreurs sur sa propre ferme.
Des bénévoles heureux
Elle jette un coup d’œil au « chantier ». Et fait un bond. La terre est noire d’humidité là où Mounir a travaillé. Elle s’approche. C’est bien de l’eau qui s’écoule. « Mounir ! Comment tu savais qu’il y avait de l’eau ici ? » Il hausse les épaules et tourne les talons.
Elle lui court après et ils font le tour des parcelles pour aller chercher les bergers bénévoles pour le déjeuner.
La table est bien animée ce midi-là. Les bergers parlent français, espagnol, arabe et yoruba, autant qu’Aminata comprenne. Elle attrape des bribes de langues et de conversations en servant les plats préparés par Benoît, le bénévole cuistot.
Ces bénévoles sont contents d’être là. Depuis quelques années, Aminata passent le plus clair de son temps à former de nouvelles recrues qui vont et viennent. L’ambiance n’est pas toujours aussi bonne. Elle a appris à composer avec les personnalités, l’alchimie entre les gens, de ne surtout pas essayer de tout maîtriser.
Tout à la main
Certains, comme Benoît, restent. Il faut leur apprendre à conduire les petits tracteurs, à reconnaître les adventices, à comprendre et analyser les données envoyées par les drones et les capteurs. Ils sont tellement nombreux qu’elle peut faire semer, fertiliser, désherber et surveiller ses parcelles à la main… luxe inimaginable pour les générations précédentes d’agriculteurs !
Mais ce que préfèrent les bénévoles, c’est le débroussaillage… et les animaux. Aminata avait au départ un modeste troupeau d’allaitantes, des petites bêtes rustiques comme tout.
La main-d’œuvre aidant, elle s’est diversifiée, en prenant garde à préserver l’équilibre avec ce que peut offrir sa ferme en termes d’alimentation et de fourrages. Elle a donc constitué d’autres petits troupeaux satellites, et a trouvé de nouveaux débouchés en lait et viande. Et d’autres prestations : moutons, chèvres, canards, et des cochons nains, bien utiles pour désherber les vignes et les vergers.
Bergers d’un nouveau type
Benoît commence d’ailleurs à s’impatienter. Il a envie de se lancer dans la fabrication de fromages et de saucisson. Des délicatesses très appréciées… et vendues cher.
Les parcelles d’Aminata sont maintenant parcourues par ces bergers d’un nouveau type. Et maintenant, ce Mounir arrive à faire jaillir de l’eau. Car l’eau, c’est bien le facteur limitant au développement de l’exploitation. Elle a beau semer des couverts adaptés au sec, planter des haies, rationaliser et entretenir au maximum l’irrigation, le pays reste aride, soumis à de brusques épisodes pluvieux qui remplissent quelques réserves, mais sans pour autant imprégner correctement les sols et les aquifères.
Elle pose la question à Momo, le voisin de Mounir, qui se débrouille mieux en français. « Momo, dis-moi, Mounir a trouvé de l’eau sur la colline. Est-ce qu’il peut me dire comment il savait où creuser ? » Momo sourit. « – Ah, il a fait ça Mounir ? – Tu sais comment il sait faire ça ? – Oui… Mounir vient d’un pays sec, où on sait chercher l’eau, la semer et la récolter l’été. – Ça m’intéresse beaucoup. Dis-moi Mounir, tu me montreras, et on pourra venir t’aider ? »
Le jeune homme fait un tout petit oui de la tête avant de replonger dans son assiette. Elle va en parler aux collègues de la cuma cet après-midi. Ce genre d’idées, c’est comme la surveillance des pathogènes, et des adventices. Semer et récolter de l’eau : il faut partager ces techniques.
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