Venteuse et froide, la météo de ce 5 juin est représentative de ces trois dernières semaines dans les Hauts-de-France. Les conditions météorologiques impactent – entre autres – les possibilités de désherber les cultures mises en terre récemment : betteraves et pommes de terre, rendant impossible pour les agriculteurs de pulvériser. C’est là que le désherbage mécanique des pommes de terre prend tout son sens.
Deux scalpeurs butteurs pour un désherbage mécanique des pommes de terre
Pour tenter de guider les agriculteurs dans leur choix de stratégie de désherbage mécanique, la chambre d’agriculture et la frcuma des Hauts-de-France ont organisé une démonstration sur la culture de pommes de terre.
Deux marques de scalpeurs butteurs étaient à l’essai: Grimme et AVR. Le premier, a été utilisé par l’agriculteur présent sur une cinquantaine d’hectares. « J’ai réalisé deux passages l’année dernière, explique t-il. Je n’ai pas réussi à en faire un troisième car les adventices étaient trop développées sur le haut de la butte. »
Cette bineuse est équipée de scalpeurs pour couper les adventices sur les cotés de la butte et de peignes pour le dessus. Elle travaille quatre rangs. « Cela demande d’être très attentifs pour les réglages afin de bien resserrer la butte après notre passage, reconnaît il. Et la tension avec les peignes doit être ni trop élevée, au risque de casser les plantules, ni trop basse pour avoir tout de même un effet. »
Des réglages qui laissent les agriculteurs un peu dubitatifs. D’autant que chaque agriculteur a sa manière de planter, chacun a sa manière de désherber. C’est une perte de temps que souligne Sébastien Florent, conseiller bio à la chambre d’agriculture. Après quelques mètres désherbés, les constats sont là.
Moins de réglages
« Outre les réglages chronophages, on peut remarquer que les griffes n’ont aucun effet sur le dessus de la butte, lance Sébastien Florent. Et dans les conditions actuelles, la bineuse a tendance à démolir la butte sans vraiment la reformer par la suite. » Peut-être des réglages à peaufiner ?
La seconde bineuse, de la marque AVR semble, quant à elle, plus simple d’utilisation. Celle présentée ne possède pas de peignes pour le dessus. Elle est beaucoup moins longue, imposante et donc lourde. « Nous l’utilisons en cuma pour la première fois cette année, avoue Thierry Leheureux, président de la cuma du Pays de l’Angle. Nous avons testé ce modèle-là l’année dernière et avons décidé d’investir dans cet outil. »
« Elle a tendance à mieux resserrer les buttes ce qui permet d’étouffer les adventices qui ne seraient pas scalpées, fait remarquer Sébastien Florent. Comme elle travaille davantage en profondeur, elle remonte un peu de fraicheur et d’humidité ce qui facilite le travail. »
La cuma, composée principalement d’agriculteurs qui tentent de réduire leur utilisation de produits phyto, a également investi il y a quelques années dans une herse étrille. Celle-ci passe avant le scalpeur butteur.
Herse: la base du désherbage mécanique
« Une bonne solution, selon le conseiller bio. La base du désherbage mécanique, c’est la herse étrille. Si elle est bien réglée, avec une bonne pression dans les ressorts, le travail réalisé sur le dessus de la butte sera très efficace, quitte à avoir un peu de casse. Avant un passage, il est bon de mesurer le bénéfice risque par rapport au salissement de la parcelle. »
Mais pas question de se cantonner à ce seul passage. Il est primordial de passer quelques heures plus tard avec l’outil pour reformer les buttes qui aideront à la levée des tubercules. Ce qui complexifie le travail de désherbage.
« Le tout est de passer au bon moment, résume Sébastien Florent. C’est à dire lorsque les adventices sont au stade de fil blanc. Mais ce n’est pas toujours facile, ni possible. » Surtout que le désherbage mécanique s’inscrit dans une stratégie à long terme. Il faut le réaliser fréquemment et de manière continue.
65 €/ha pour un passage de bineuse
Questions coûts, puisqu’il en est toujours question, il faut compter 20 000 € pour une bineuse Grimme de quatre rangs et 16 à 17 000 € pour une AVR. Quant à la herse étrille de 12 m, le budget est de 30 à 50 000 €.
« Pour un chantier complet, on peut compter 65,39 €/ha et pour l’utilisation seule de la bineuse, 29,78 €/ha », estime Valentin Nugues, animateur à la frcuma qui rappelle que ces chiffres ne sont pas toujours actualisés. Ce type de matériel, acheté en cuma, bénéficie de 60 % de subvention. Le débit de chantier est évalué à 1,5 ha/ha. De manière générale, il faut compter 50 à 60 ha pour optimiser l’outil.
Pour la herse étrille, en chantier complet, il faut compter 20,45 €/ha avec un débit de chantier plus élevé, estimé entre 4 et 8 ha/h. Il faut davantage de surfaces pour l’optimiser et compter 150 à 200 ha à désherber. Des chiffres qu’il faut comparer avec une intervention chimique.
Et le chimique ?
« On reste dans les mêmes ordres de grandeur avec un passage en pré-levé, produit compris, à 66,58 €/ha. En post-levée, on est à 135 €/ha, calcule l’animateur. C’est le produit phytosanitaire qui est le plus important dans ces coûts. L’utilisation du pulvé est largement compensée par la débit de chantier. » Toutefois, ces valeurs peuvent varier selon les surfaces et le nombre de passages.
« Avec les conditions actuelles, le désherbage mécanique sera très compliqué dans les prochains jours », estime Sébastien Florent. La terre est trop sèche pour pouvoir la déplacer facilement. L’année dernière, les agriculteurs de la cuma du Pays de l’Angle avaient irrigué leurs parcelles pour pouvoir les biner ensuite. Le désherbage, cette année, risque d’allier les deux techniques : le chimique et le mécanique.
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