« Catastrophique. » L’avis de Jérémie Forney sur la votation de 2021 concernant l’usage de phytos de synthèse en Suisse est lapidaire. Ethnologue-anthropologue à l’Université de Neufchâtel, spécialisé sur les thématiques agricoles suisses, il développe : « Nous sommes tombés dans des tensions très fortes entre promoteurs de cette initiative et opposants. Avec une grande violence dans certains discours, des actes de vandalisme, des deux côtés, très inhabituels en Suisse. Les chercheurs ont aussi été surpris par la pauvreté des débats, » note-t-il.
« Expliquer leurs pratiques et les efforts qu’ils font »
Michel Darbellay, membre de la direction de l’Union suisse pour les paysans (principal syndicat), partage ce constat, mais a vu dans les résultats des votes une reconnaissance du travail accompli par la profession. « Les initiatives qui ont conduit à des votations sur des sujets agricoles se sont multipliées depuis. Au côté de celle sur les phytosanitaires, en a été proposée une autre sur la qualité de l’eau et sur la restriction d’utilisation pour les fourrages venus de l’extérieur », explique-t-il.
« Depuis, énumère-t-il, les citoyens ont dû se prononcer sur l’élevage intensif et la protection de la biodiversité. Et une autre se profile sur le taux d’auto-approvisionnement alimentaire pour affaiblir la production animale. »
« Cela force les agriculteurs et leurs organisations à expliquer leurs pratiques et les efforts qu’ils font, souligne Michel Darbellay. La participation et les résultats confirment l’utilité de ce travail. » Mais tout comme Jérémie Forney, il témoigne de la ‘fatigue’ d’une population désormais fracturée sur ces sujets.
Jusqu’à présent, « le lobby agricole gagne tous ces combats politiques », analyse Jérémie Forney. Le chercheur y voit malgré tout « une radicalisation de part et d’autre, et un grand bond en arrière dans les relations entre mouvements de protection de l’environnement et agriculteurs. Ce qui a aussi mené à une défense professionnelle décomplexée côté agricole », ajoute le chercheur. « Alors que les soucis sont réels : les monitorings mettent en lumière les baisses de fertilité, de biodiversité et de qualité des eaux, lesquelles sont, entre autres, liées aux pratiques agricoles », observe-t-il.
Usage des phytos en Suisse : démocratie directe
Commune, canton, confédération : voici comment s’organise le territoire suisse. Au Parlement (l’Assemblée fédérale), la grande chambre représente le peuple et la petite les cantons. Cette assemblée élit non pas un président, mais un conseil fédéral : sept personnes qui décident sur le mode du consensus.
Outre le droit de vote ‘classique’, les citoyens disposent du droit de vote sur des « questions concrètes » : initiatives populaires, référendums facultatifs ou obligatoires.
Pourquoi on en parle
De loin, le système suisse fait rêver : les citoyens sont appelés à se prononcer régulièrement sur des sujets concrets. Les votations, quel que soit leur résultat, peuvent permettre au Conseil fédéral et au Parlement de développer le sujet. Mais celles liées à l’alimentation et à l’agriculture déclenchent des débats clivants. Au final, les experts s’interrogent : ces votations d’initiative populaire sont-elles adaptées à des sujets aussi complexes ?
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