A quoi ressemblera la pulvérisation de demain? Si le pulvérisateur est en hivernage, les experts se penchent à son chevet. La journée interfilière 2021, organisée par AgriSudOuest Innovation, le CTIFL, l’IFV et Inno’vin, a montré combien les études se multiplient pour mieux cibler l’emploi des produits phytosanitaires. Les exemples qui suivent en constituent la preuve indéniable. Certaines technologies ont vocation à s’utiliser de manière généralisée. Mais d’autres plus coûteuses pourraient simplement constituer une solution pour les traitements en bordure de zones habitées.
Un pulvérisateur au top
Commençons par le pulvérisateur. La Chambre d’Agriculture de la Gironde développe un outil pour optimiser la pulvérisation et limiter la dérive, appelé EvalPulvé. Il aidera les viticulteurs à régler leurs appareils, ainsi que l’a montré Adel Bakache. Le principe: pulvériser avec un produit fluo spécifique, sur des feuilles identifiées à des emplacements déterminés, prendre ces dernières en photo… et lire le diagnostic automatisé. Il reste quelques étapes avant la diffusion d’EvalPulvé mais en attendant, la Chambre d’agriculture de la Gironde peut faire la prestation de diagnostic.
Des buses au sommet des arbres
Traiter sans pulvérisateur, c’est le principe du système Pulvéfix, en gestation depuis 2015 au CTIFL. Au lieu de faire circuler un matériel dans le verger, on équipe la plantation d’un dispositif de pulvérisation par le dessus, alimenté par une pompe à poste fixe. Traiter revient quasiment à appuyer sur un bouton.
Antoine Pélisson (CTIFL), a expliqué que la dérive diminue fortement mais que l’efficacité varie à ce stade. Très bonne sur tavelure et carpocapses, moyenne sur pucerons et mauvaise sur oïdium. Mais l’exploration du principe continue.
Une piqûre de produit
Autre alternative au pulvérisateur: l’injection de produit dans la sève de l’arbre. On parle aujourd’hui de “micro injection sécurisée”, avec un procédé qui ne crée pas de blessure sur les arbres. Il commence une phase de test sur des fruitiers, a indiqué Marie-Lisa Brachet (CTIFL).
Les perspectives semblent plus positives contre les insectes que contre les champignons. Autre avantage, les fruits ne révèlent pas plus de résidus qu’avec un procédé de traitement classique.
Ajuster le pulvérisateur selon la végétation
En vigne et en arboriculture (fruits à pépins), il commence à être possible de disposer d’une dose homologuée en fonction de la surface de végétation et pas seulement à l’hectare. Une manière de mieux ajuster les quantités de produit employées. Le CTIFL a commencé des essais pour adapter la méthode aux fruits à noyaux. Les premiers résultats en pêcher s’avèrent prometteurs, sur la cloque et le puceron vert. La conduite en haie plutôt qu’en gobelet est néanmoins préférable, comme l’a indiqué Bertrand Alison.
Des images par satellite
Mieux que la surface foliaire, il y a la vigueur de la vigne, souvent hétérogène et qui peut donner l’idée de moduler les apports d’intrants. C’est l’objet du projet OISEAU, mené par l’IFV avec Telespazio pour l’imagerie satellite, la Cave de Buzet et d’autres partenaires. L’idée, comme l’a expliqué Alexandre Davy (IFV), serait de partir de cartes NVDI (satellite Sentinel 2), d’un tirer des cartes de préconisation selon le modèle Optidose, et d’agir sur le pulvérisateur via un module conçu spécialement, pour moduler les doses. Une chaîne complète, donc. Il s’avère que les images de satellites différencient mal les rangs des inter-rangs, et que le couvert végétal complique l’interprétation. Mais Alexandre Davy reste optimiste sur les possibilités d’améliorations. Le dispositif pourrait arriver sur le marché sous forme d’un kit adaptable sur les pulvérisateurs en service.
Identification des adventices
Ne mettre que le juste nécessaire de produit, c’est également ce qu’on cherche en appliquant un herbicide uniquement sur des adventices identifiées. Arvalis a mené des essais en grande culture avec l’entreprise Carbon Bee. Il en ressort que la détection fonctionne mais que le traitement ciblé n’est pertinent que pour des infestations assez faibles. Selon Inès Teetaert, il est plus efficace de détecter en temps réel. La pulvérisation selon une carte établie au préalable peut induire des décalages.
Des filets contre la dérive
La dérive fait aujourd’hui partie des sujets d’essais, en particulier dans un contexte de réglementation des distances d’application par rapport au voisinage. Ainsi, le projet CapRiv étudie l’efficacité des filets périphériques. Les premiers résultats, présentés par Yoan Hudebine (CTIFL), montrent que cette solution est prometteuse. Comme on peut s’y attendre, la dérive augmente avec la hauteur de la culture. Les buses dites “anti-dérive” confirment également leur intérêt. Enfin, il semble possible à l’avenir de la modéliser pour mieux la contrôler.
Des start-ups en pointe
Les fournisseurs et les start-ups ne sont pas en reste dans le domaine de l’innovation. Ainsi, Chouette fournit des OAD basés sur l’imagerie. L’entreprise affirme pouvoir établir des cartographies de vigueur ou de de taches de mildiou. Abelio traite également des images de drones ou de satellites en association avec des données venant de stations météo pour un « tour de plaine 2.0”. Elle propose par exemple de traiter les chardons dans les betteraves avec une carte d’application ciblant uniquement les plants identifiés au préalable. Approche très différente chez Greenshield, qui teste la pulvérisation “à motifs anti-percolation” contre le mildiou de la vigne. L’idée: laisser 25% des rangs non traités, sur des longueurs de 6m décalées d’un rang à l’autre et tournant d’un passage à l’autre. Ainsi, toute apparition de mildiou dans une de ces segments non traités resterait confinée.
Buses pilotées sur le pulvérisateur
Côté matériels, DiiMotion a développé un dispositif de pilotage des buses par des capteurs à ultrasons pour ne pas traiter dans les “trous” de végétation. L’économie mesuré en début de végétation grâce à ce SMAC s’élève à 25%, explique le concepteur.
Praysbee a de son côté travaillé à des doubles buses oscillantes qui évitent le besoin d’un flux d’air en vigne. Son système Wulp réduit ainsi la dérive tout en assurant une bonne couverture.
Agrilive assure pour sa part la traçabilité des chantiers de pulvérisation avec un boîtier géolocalisé installé dans la cabine du tracteur.
Enfin, Kapsera protège les produits de biocontrôle dans des micro-capsules d’alginate pour mieux les conserver et ainsi améliorer leur efficacité.
Les chimistes pas en reste dans la préparation de la pulvérisation de demain
Du côté des grandes maisons, De Sangosse propose des adjuvants capables de réduire significativement la dose homologuée dans certaines conditions, ou de réduire la dérive.
Autre fournisseur, Corteva expérimente le désherbage localisé combinant outil et anti-germinatif (Grifherbi). Le but: l’application de l’herbicide doit retarder le passage d’outil suivant. Un kit pour équiper un matériel de travail du sol est d’ailleurs disponible chez Buisard. Chloé Rambert a souligné que les résultats s’avèrent très différents d’une région à l’autre et selon la flore présente mais que la technique donne satisfaction.
Les drones dans l’attente
Cette journée inter-filières a également donné l’occasion de faire le point sur les traitements par drone, avec le projet Pulvédrone. Xavier Delpuech (IFV), a précisé que l’ANSES examine actuellement le dossier pour éventuellement ouvrir les possibilités d’emploi de ces engins. L’entreprise Reflet du Monde a montré qu’en attendant, elle sait aujourd’hui réaliser d’autres travaux que la pulvérisation avec son Agridrone. En particulier l’épandage de trichogrammes, de semences de couverts végétaux, de phéromones ou de biocides.
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