« S’il y a bien une culture dans laquelle on peut atteindre les objectifs du plan EcoPhyto, c’est la vigne », souligne Christophe Auvergne, en charge de l’agroéquipement à la chambre d’agriculture de l’Hérault. L’équipe de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) continue à développer des références à l’aide du banc EvaSpray Viti, pour tester la qualité de pulvérisation des appareils viticoles. Xavier Delpuech travaille à un autre projet1 destiné à évaluer la pulvérisation par drone.
Des expérimentations très encadrées, puisqu’elles font l’objet d’une dérogation qui prendra fin à l’automne 2021. Elles ne concernent que certains vignobles implantés sur de fortes pentes. Où seuls des opérateurs à pied, munis d’atomiseurs à dos, accédaient jusqu’à présent. Si les résultats sont au rendez-vous, cela permettra peut-être de leur épargner ces tâches difficiles.
« Pour le moment, nous évaluons encore la faisabilité et l’efficacité du traitement phytosanitaire par drone, indique Xavier Delpuech. Nous n’en sommes pas encore à évaluer le ratio coût/bénéfice », explique-t-il. Même si, pressent le chercheur, le poste « coûts » sera conséquent. Notamment eu égard à l’équipement, la licence, la logistique liée aux recharges et à l’autonomie, etc. La technologie devrait s’appliquer essentiellement aux vignobles à forte valeur ajoutée.
Pulvérisation par drone: des questions sur la dérive
Côté efficacité, des résultats commencent à émerger, et rejoignent ceux consignés par les équipes suisses, précurseurs en la matière. Se dessine une technologie fiable en termes de qualité de vol, particulièrement confortable pour l’opérateur qui subit un degré d’exposition aux phytos bien moindre que les ouvriers viticoles équipés d’atomiseurs à dos.
Les questions émergent plutôt du côté de la dérive et de l’efficacité de la pulvérisation. « Les drones se positionnent de 2,5 à 4 m au-dessus de la vigne et le jet reste sensible à la dérive », précise Xavier Delpuech. « Même si ce phénomène n’a aucune commune mesure avec la dérive constatée lors de l’épandage par hélicoptère. Nous travaillons à mesurer l’efficacité de buses anti-dérives« .
Ensuite, même si les drones se positionnent bien en hauteur et dans le polygone de la parcelle dessiné par l’opérateur, les aéronefs ne suivent pas encore précisément les rangs de vignes. La pulvérisation peut donc intervenir non pas exactement au-dessus du rang de vigne, mais en décalé.
Une répartition inégale avec la pulvérisation par drone
Enfin, les profils de mesures des quantités de bouillie reçues révèlent que c’est essentiellement la canopée et les feuilles de surfaces qui la reçoivent. Les feuilles du bas, les grappes et les compartiments intérieurs (précisément là où se développent les pathogènes fongiques) reçoivent des quantités assez faibles de bouillie. Même si, notent les chercheurs, le mode de conduite peut avoir un impact sur ce facteur. « On peut par exemple penser que l’efficacité de la pulvérisation sera meilleure dans les vignobles en gobelet« , analyse Xavier Delpuech.
L’équipe souhaite approfondir cet aspect et envisage aussi de faire passer les appareils testés à une vitesse plus lente. Le but: faire davantage pénétrer la bouillie dans le feuillage de la vigne grâce au souffle de l’appareil. Cela demandera de trouver l’optimum entre soutien de la projection et risque de dérive.
Peu de transpositions directes à la vigne
Pour Christophe Auvergne, il sera difficile de transposer directement les technologies de précision des grandes cultures à la vigne. À l’exception des robots de désherbage mécanique, qui, globalement, tracent leur sillon, pour le moment principalement dans de grands domaines aux parcelles bien conformées, où l’accès aux réseaux (internet, téléphonie mobile) est fiable.
Côté désherbage chimique, s’il semble plus simple au premier abord de prendre des repères dans une parcelle de cultures hautes que dans des céréales, la conformation de la végétation et les types de pathogènes dessinent des stratégies de pulvérisation radicalement différentes de celles qui ont vu le jour en grandes cultures.
Et les viticulteurs ont rarement la possibilité d’amortir leurs machines sur les mêmes surfaces que les céréaliers. « Il y a de très grands domaines, effectivement. Mais la surface moyenne d’une exploitation viticole familiale en France tourne plutôt autour d’une trentaine d’hectares. Et même s’il existe du potentiel de partage de la mécanisation, on n’égalera pas les surfaces sur lesquelles s’amortissent les matériels en production de céréales », analyse-t-il.
Guidage simple et efficace
Les barres de guidage, dispositifs simples et relativement accessibles constituent une piste pour améliorer la qualité de la pulvérisation, « souvent effectuée la nuit », souligne Christophe Auvergne.
« Beaucoup de pulvérisateurs nécessitent de passer tous les deux rangs, ce qui est difficile. Le chauffeur tourne généralement tous les quatre rangs et alterne. Quand il est 4 heures du matin, c’est très compliqué de se repérer dans une vigne. Il y a de grands risques de repasser au même endroit ou, à l’inverse, de louper un passage. Le système de barre de guidage lié au GPS permet simplement de tracer graphiquement les passages entre les rangs à l’écran. Mais aussi de s’assurer qu’ils ont été faits systématiquement et sans recoupement. »
Émerge également une série de matériels et d’applications astucieuse, davantage liés à la vigueur du feuillage qu’à un repérage précis. Car « il existe une corrélation entre vigueur et risque de maladie », note Christophe Auvergne.
La piste de la vigueur
Plus les feuilles sont jeunes, petites et tendres, plus on peut se permettre de réduire la dose. Et inversement, plus la plante est vigoureuse, plus elle nécessitera de bouillie pour protéger l’intégralité de la végétation. À condition qu’elle soit bien répartie, et que l’on respecte les doses homologuées.
Christophe Auvergne cite l’application Scanopy. Elle permet, suite à l’acquisition d’une carte de vigueur par drone, de réguler la vitesse de pulvérisation. Elle contrôle aussi les quantités de bouilles appliquées en fonction de la densité du feuillage ».
« Nous testons aussi, dans le cadre du programme AGriNum2, un matériel destiné à éprouver ce principe », ajoute-t-il. « Il s’agit d’un système espagnol qui permet d’adapter un DPA sur n’importe quel pulvérisateur. « Il comporte un débitmètre, un capteur de pression, un GPS, le tout connecté à un boîtier qui communique sans fil avec une tablette en cabine. Ce système a été choisi car il permet d’intégrer des cartes de modulations pour faire varier les doses à l’intérieur d’une parcelle. Ces cartes en libre accès sont simplement issues de l’acquisition par le réseau de satellites Sentinel 2, et permettent d’aller jusqu’à caractériser la vigueur dans les parcelles. »
« Nous sommes en phase de test, mais le plus compliqué viendra ensuite. À savoir, comment transformer une carte de vigueur en carte de modulation ? Il va falloir décider comment moduler, combien de palier prendre en compte, comment échelonner les doses. »
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