L’édifice qui enveloppe le séchoir en impose au sommet de sa colline. Il est à la mesure du projet qui a grandi dans l’élan de l’organisation du Salon aux champs dans le Calvados en 2017. À la fin, la réalisation est fidèle à certains aspects du projet de Secoppa. En préambule de la visite des lieux, le président illustre : « La cuma est à la base de notre groupe. Nous voulons conserver cette identité et ce mode de fonctionnement. » Ainsi, les adhérents s’engagent pour une durée de sept ans, aussi bien pour leur consommation que pour leur production de luzerne, la plante au cœur de toute l’histoire. Les céréaliers la voient comme une diversification d’assolement bénéfique du point de vue agronomique. Pour les éleveurs, elle est une alternative au soja du commerce pour apporter de la protéine dans les rations.
De la luzerne entre au séchoir à 60 % de matière sèche et en sort en granulés
« Chaque tonne de luzerne est ainsi engagée deux fois », poursuit Vincent Barbot. Dans le prolongement des cinq box spécifiques au foin, deux couloirs de séchage à plat servent à d’autres produits. Devant le maïs grain d’un autre adhérent, le guide détaille : « Pour ma part, je cultive de soja parce que je peux le sécher ici. Autrement, trouver une structure qui accepte de traiter ce produit allergène est compliqué. »
L’usage de la zone de séchage à plat aussi repose sur un engagement des sociétaires. « Au final, pour certains ça a fait beaucoup de capital social à consacrer, mais ils ont aussi plus de poids dans les décisions », souligne-t-il.

Une journée de récolte de luzerne couvre 20 ha et remplit une hauteur de 2 m dans une case du séchoir.
Tout pour une luzerne premium
Le collectif a conservé la dimension territoriale qu’il entendait se donner. Il cultive sa luzerne à moins de 10 km autour du séchoir et privilégie sa consommation par des élevages se situant dans un rayon de 35 km.
En revanche, le groupe Secoppa a écarté certaines pistes. Exit par exemple l’hypothèse d’une presse à granulés vue en démonstration en 2019. « Nous avons évoqué beaucoup de choses. Car la filière partait d’une feuille blanche. Déjà sur la forme de la luzerne. On s’est posés la question de l’ensilage, de l’enrubannage. »
Le groupe retient finalement l’idée du foin et du granulé. Ce processus limite, d’une part, les pertes, et d’autre part aboutit à un ingrédient faiblement encombrant et qui maximise le taux de protéines.
Secoppa : un dossier original, donc compliqué
« La ténacité et la patience des responsables ont été deux valeurs particulièrement essentielles à la réalisation de ce projet », analyse Marlène Langliné, animatrice de projets (fédération des cuma Normandie ouest). Financements, assurances… dans cette construction d’un site qui valait 3,50 M€. Les sources de soucis et de blocage n’ont en effet pas manqué.
Néanmoins, le collectif a su trouver des accompagnements pour avancer et sécuriser ses choix. Outre les nombreuses rencontres de pairs et visites de séchoirs en grange, « nous nous sommes appuyés sur Base, l’entreprise qui a conçu ce bâtiment », explique le représentant d’un groupe particulièrement convaincu par le système thermo-voltaïque en toiture.
Citant aussi le Segrafo qui dispose d’une grande connaissance sur le séchage de la luzerne, Vincent Barbot conclut : « Il faut se tourner vers les bonnes personnes qui ont l’expertise. »

Le process de séchage à basse température maintient la très haute qualité du fourrage.
Le commentaire du président traduit en même temps toute la complexité du projet dont le bâtiment n’est qu’une brique centrale. En effet, le collectif se structure en cuma et en Sica (société d’intérêt collectif agricole). La première réalise les chantiers de la récolte, achetant pour cela un tracteur, le groupe de fauche, sa faneuse, l’andaineur et la remorque autochargeuse.
De son côté, la Sica :
- Organise les flux ;
- Gère le conditionnement ;
- Manage les ventes.
Dans le cadre de ce statut, le séchoir peut en même temps réaliser des prestations de service.
Une chaîne de production réglée comme du papier à musique
Concernant sa luzerne, l’action de Secoppa démarre au déclenchement de la récolte. La Sica achète sur pied la luzerne à l’adhérent producteur. Elle est décisionnaire de son plan de récolte, avec l’idée d’en maximiser la valeur protéique, mais aussi d’optimiser l’activité de l’autochargeuse et du bâtiment. Vincent Barbot résume : « Une journée de récolte, c’est environ 20 ha et ça correspond à une hauteur de 2 m dans nos cellules. »
Après trois à quatre jours dans celles-ci, le fourrage sera prêt à passer à l’étape du conditionnement. L’unité de granulation devrait traiter les trois quarts de la production annuelle, à raison de 2 t/h. « À la saison, il nous faudra donc sortir très rapidement nos premières coupes pour libérer la place. » Le dernier quart des livraisons de luzerne se fera sous forme de balles de 400 kg. Pour ce conditionnement, Secoppa valorise une opportunité : « Plusieurs agriculteurs ayant un séchoir avaient une demande pour une presse mobile spécifique. La cuma Innov 61 a investi dans un matériel d’occasion. »
Création d’emplois et autres perspectives pour le collectif Secoppa
Face à l’objectif de 1 400 t/an, Secoppa a embauché un premier salarié chargé d’organiser le planning, en lien avec le conseil d’administration. Et le dirigeant précise : « Il faut être deux pour charger les cellules : une personne sur la griffe et une sur l’autochargeuse. »
Le projet d’un second recrutement, « pour un mi-temps, au moins pour l’instant » est clair et pourrait, pourquoi pas, s’avérer complémentaire à un besoin d’autres cuma des environs.

Après deux ans de travaux de construction et 3,5 M€ d’investissement, le séchoir collectif entre en service fin 2024.
Alors qu’il inaugure son bâtiment, avec une porte ouverte le 4 mars 2025, le collectif Secoppa n’en a pas non plus fini avec les constructions. Il prévoit déjà un bâtiment de stockage. « Nous voyons ici une filière émerger autour de Bois énergie 14. Même des céréaliers plantent des haies actuellement parce qu’il y a cette perspective. »
Le séchoir lui-même est demandeur. Son générateur d’air chaud complémentaire de la toiture consomme en effet 10 m3/j de plaquette, environ. « Nous pourrions certainement sécher et granuler du bois. Donc pourquoi pas aussi adosser une plateforme au séchoir », imagine l’agriculteur en affichant l’ambition de faire fonctionner l’installation toute l’année.
« Nous avions aussi évoqué un temps de la production d’orties, de miscanthus… Ce sont des idées qui ressortiront peut-être plus tard. » Et s’il a encore moult questions et évolutions à étudier, le collectif dispose au moins d’un remarquable outil déjà au travail.
- 23 agriculteurs engagés ;
- 3,50 M€ d’investissement, soutenu à hauteur de 1,50 M€ (FranceAgriMer, Région et compensation collective agricole) et pour la chaîne de récolte, l’investissement représente 450 000 € (avec 30 % de PCAE) ;
- 120 ha de luzernière ;
- Les producteurs vendent leur luzerne sur pied 60 €/t, ou 66 €/t (AB) ;
- Le prix du produit fini est déterminé et indexé sur le taux de MAT révélé par analyse.
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :