En aval: des éleveurs du Pays d’Auge. Leur activité dépend d’aliments importés dont ils ne maîtrisent pas les prix. En amont: des céréaliers du bassin de Falaise. Leurs revenus varient en fonction des cours des céréales et des coûts des intrants. Au milieu chemine le projet de développer une micro-filière de luzerne. Cette dernière sera cultivée dans la Plaine qui offre les conditions propices à de bons rendements, et consommée dans les élevages alentours.
Le collectif lève des freins
Cinq cuma se sont mises autour de la table en 2016 avec cette idée. Ensemble, elles ont travaillé plusieurs années pour trouver une solution commune dont les aspects techniques conviennent aux besoins de chacun. Le besoin de placer un séchoir collectif au cœur du dispositif émerge rapidement. Un tel outil permettrait en effet de multiplier les coupes et de s’affranchir des conditions météorologiques.
C’est là que le collectif trouve son nom: Secoppa, pour Séchoir collectif plaine Pays d’Auge. L’organisation de la récolte de la luzerne à titre individuelle est pénible à mettre en œuvre. La structuration collective en prestation de cuma permettra de coordonner l’organisation des chantiers de récolte chez tous les producteurs. En outre, éviter les pics de charge et de maintenir un produit de très bonne qualité. La forme coopérative permet également de mutualiser l’investissement dans le séchoir, car obtenir une luzerne de qualité premium passe par de la technologie coûteuse. Pour autant, développer une production de luzerne locale aurait pu être l’œuvre de quelques céréaliers qui décident d’en cultiver à titre individuel, d’avoir chacun son propre séchoir, et de vendre sa récolte à qui veut bien.
Séchoir collectif: miser sur la complémentarité entre éleveurs et céréaliers
Le projet aurait été plus simple et plus rapide à se concrétiser, avec à la clé des subventions individuelles faciles à obtenir. Au contraire, les bâtisseurs de Secoppa se sont donnés du mal pour maintenir le lien entre céréaliers et éleveurs. En effet, ils croyaient en un projet de territoire. Pour eux, l’échange et l’interconnaissance entre ces deux métiers permettent à tous d’aller plus loin dans un projet techniquement exigeant et qui répond aux enjeux territoriaux.
Ainsi, et par exemple, la création de la micro-filière ne s’arrêtera pas à la luzerne. Dans le projet, les éleveurs locaux peuvent en effet valoriser d’autres ressources émanant de leurs exploitations.
Le bois de leurs haies bocagères alimentera le générateur d’air chaud du séchoir, tandis que les exploitations céréalières valoriseront désormais leur fumier.
En résumé, ce projet collectif à l’échelle territoriale permet de miser sur la complémentarité entre éleveurs et céréaliers, pour un contrat gagnant / gagnant.
L’intérêt d’avancer collectivement son projet
La structuration en collectif accompagné par la fédération des cuma a permis au début du projet de mobiliser des experts sur différents sujets (Chambre d’Agriculture, Littoral Normand, Segrafo). Le groupe a ainsi travaillé sur les aspects techniques de la luzerne et du séchage. Grâce à la compréhension fine de la culture de luzerne et de ses intérêts dans la ration, Secoppa s’est orienté vers un système de séchage basse température.
Ce process maintient une très haute qualité du produit. De plus il reposera sur des énergies renouvelables (principalement solaire, avec appoint bois-énergie), afin de répondre à leurs exigences environnementales. Aujourd’hui encore, le travail en collectif et la mobilisation d’experts permettent d’élargir la réflexion. Par exemple, c’est par ce biais qu’est arrivée la question de diversifier les productions végétales en lien avec l’utilisation du séchoir collectif.
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