Comment maintenir une production fourragère suffisante malgré les dérèglements du climat ? Aujourd’hui en Corrèze, les prairies constituent 85 à 90 % de la SAU. « C’est le socle d’un système d’élevage », observe Stéphane Martignac, spécialiste des cultures fourragères à la chambre départementale d’agriculture. Or, les prairies connaissent de sévères baisses de productivité depuis quelques années. Le manque de fertilisation et d’amendement, les effets du surpâturage, l’impact du tassement des sols, peuvent compromettre leurs performances. Mais ce sont surtout les caprices du climat qui inquiètent les éleveurs depuis quelques années. Or les aléas climatiques ne sont pas maîtrisables…
2022 : record de chaleur néfaste à la production fourragère
Météo France documente l’évolution des températures et de la pluviométrie depuis plusieurs décennies. Et 2022 restera dans les annales comme une année caractéristique des désordres climatiques, qui tendent à se répéter. Elle confirme les tendances majeures observées ces dernières années : printemps plus précoces, longues périodes sèches et chaudes de mai à septembre, automnes plus doux, pluies aléatoires, parfois très faibles ou très violentes et… peu efficaces. Sans oublier les risques de gelées qui perdurent au printemps et à l’automne, à des stades sensibles de la végétation.
Cette situation fragilise bien entendu les systèmes fourragers.
Au cours du dernier salon Mécaélevage en avril 2022, en Corrèze, les visiteurs ont exploré différentes voies pouvant apporter un supplément de résilience aux exploitations. Cela a permis d’approfondir différents thèmes comme la valorisation des effluents d’élevage. Dans le cadre préparatoire à Mécaélevage, deux vitrines d’essais ont été implantées dès septembre 2021.
L’efficacité du sur-semis sur prairies dégradées
Le salon consacrait une vitrine à l’efficacité du sur-semis pour régénérer les prairies. Sur une prairie vivante, différents outils (régénérateur, semis direct, combiné de semis) et techniques d’implantation plus ou moins agressives, ont été testés. Les semis ont été effectués en pur ou en mélange, avec des semoirs de semis direct (Bertini ou Sly), un régénérateur de prairie (He-Va) ou via un combiné herse rotative-semoir (méthode « banzaï »). Les résultats montrent l’efficacité du sur-semis sur les prairies fatiguées. Cela évite d’entreprendre une réimplantation complète de la prairie, plus exigeante en temps et en matériels.
Faire du stock précocement
L’objectif de la seconde vitrine implantée à Mécaélevage était d’évaluer la capacité à produire des stocks précocement au printemps. Ce qui apparaît comme un enjeu principal pour Stéphane Martignac.
Plusieurs modalités ont été étudiées dans cet essai :
- les choix d’espèces,
- l’efficacité du semis sous couvert de méteil immature à différentes doses,
- l’impact de la date de semis sur la qualité d’implantation, les rendements et la valeur alimentaire.
Maxime Lepeytre animateur à la fdcuma 19 et conseiller en agronomie tire quelques enseignements de cet essai.
Méteil et prairies multi-espèces : bon potentiel de production fourragère
Les prairies multi-espèces donnent de bons résultats dans les essais. La prairie multi-espèces comportait de la luzerne flamande, du trèfle violet diploïde, du trèfle blanc intermédiaire, de la fétuque élevée, du ray-grass hybride diploïde, du dactyle tardif. La dose semée était de 32,8 kg/ha. Ce type de flore mixte assure une bonne valeur fourragère tout en offrant une pérennité de 4 ans minimum, couplée à une bonne productivité. Atout supplémentaire : ce type de prairies valorise bien les orages d’été.
Quant au méteil immature qui a été implanté, il était composé de triticale, blé, avoine, pois fourrager et vesce, à raison de 80 kg en1/2 dose et de 155 kg/ha à pleine dose. Un méteil assure en général une forte productivité au printemps. Cela s’est vérifié dans l’essai. Et il s’adapte aux conditions climatiques hivernales.
Le semis sous couverts pour améliorer la production fourragère
Les conseillers ont testé aussi l’intérêt du semis de prairies sous couvert de méteil à différentes doses. Un constat : cela ne gêne nullement la qualité d’implantation. Y compris pour les espèces à implantation lente. De surcroît, on note un effet positif du méteil sur le rendement de la prairie installée en semis tardif (mi-octobre).
Semis de prairies en septembre, plutôt qu’octobre
Les essais mis en place ont permis de vérifier aussi l’impact de la date de semis de la prairie sur les rendements. Deux dates de semis à un mois d’écart (le 12 septembre et le 14 octobre 2021) ont été testées. Un constat : les rendements des prairies sont meilleurs pour la modalité de semis en septembre par rapport à octobre. L’écart de rendement peut aller jusqu’à 2 tonnes de MS/ha. On constate aussi un meilleur développement des protéagineux en semis précoce. La date de semis n’a pas d’impact sur qualité d’implantation. Précision : la baisse de rendement des prairies semées tardivement est concentrée sur la première coupe. Par contre, en deuxième coupe, les rendements sont du même ordre entre semis précoce et tardif. Parallèlement, un semis précoce assure aussi, semble-t-il, une meilleure valeur alimentaire pour les légumineuses et les protéagineux récoltés en première coupe.
Précisons que les rendements en méteil immature sont moins impactés par la date de semis.
Le switchgrass comme alternative à la paille
Le switchgrass ou panic érigée est une graminée pérenne que l’on peut utiliser comme litière. Cette plante a un potentiel de production entre 7 et 15 t de MS en fonction des caractéristiques pédoclimatiques. Elle a l’avantage de demander peu de fertilisation. Et son implantation comme sa récolte en botte ne nécessite pas de matériel spécifique. Depuis 2020, la fdcuma travaille sur l’intérêt du switchgrass en partenariat avec la chambre d’agriculture pour que les exploitations gagnent en autonomie sur la paille. En 2021, les agriculteurs corréziens ont semé environ 20 ha. Idem en 2022. Quelques agriculteurs peuvent témoigner de l’intérêt de cette plante.
Une plante à forte croissance
Ainsi, Fabien Fayolle (GAEC Fayolle) a mis en place, en 2021, 1,9 ha de switchgrass. Dans ses parcelles, la plante conforte sa croissance végétale la deuxième année. Elle peut atteindre 1, 80 m, voire 2 m de hauteur. Le switchgrass exprime sa pleine croissance en troisième année. « On s’est intéressé à cette plante comme source de substitution à la paille, explique Maxime Lepeytre, de la fdcuma, sur le Facebook de la fdcuma. En Amérique du Nord, d’où la plante est originaire, les agriculteurs l’utilisent aussi comme fourrage, avec des valeurs alimentaires proches du foin. » Pour Frédéric Laspoussas, du GAEC de Maumont, « c’est une litière très absorbante, agréable à employer et pratique pour la production de veaux sous la mère ».
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