Dire que le prix des matériels a augmenté entre 2019 et 2023 est un euphémisme. En effet, selon les données des GPR, le prix d’achat moyen des matériels agricoles a progressé de 22% à près de 33 % selon les catégories de matériels.
Les automoteurs davantage touchés
Commençons par les hausses les plus intenses : les automoteurs. Premier exemple, le tracteur de 150 à 180 ch, un segment de puissance représentatif du « tracteur moyen immatriculé en France ». Le prix d’achat moyen d’un tracteur est passé de 101 617 € en 2019 à 134 653 € en 2023. Soit une hausse de 32,51 %.
Le prix d’achat d’une moissonneuse-batteuse en cuma a augmenté de plus de 30 % en 5 ans.
Par ailleurs, on observe une tendance similaire avec les prix d’achat des moissonneuses-batteuses à six secoueurs. Une augmentation de 30,81 % sur la même période (210 164 € en moyenne en 2019 contre 274 924 € en 2023).
Dernier exemple d’automoteur dont le prix d’achat a fortement augmenté entre 2019 et 2023 : le télescopique de 7 m, avec +25,67 %.
Les télescopiques aussi ont vu leur prix d’achat augmenté fortement entre 2019 et 2023.
Des hausses significatives pour les outils
Les hausses de prix des matériels agricoles concernent également les outils. Les évolutions sont certes un peu moins fortes, mais demeurent significatives avec des valeurs supérieures à 20 % en 5 ans.
Exemple d’outil dont le prix d’achat a augmenté de plus de 20 % en 5 ans : les presses à balles rondes.
Par exemple, le prix d’achat moyen d’une presse à balle ronde en cuma est passé de 38 329 € en 2019 à 46 780 € en 2023 (+22,05 %).
Évolution du prix d’achat moyen d’un semoir monograine 6 rangs en cuma entre 2019 et 2023.
De même, les prix d’achat des semoirs monograines 6 rangs ont augmenté 25,23 % sur la même période, ceux des épandeurs à fumiers de 10 à 13 tonnes 27,24 % et les tonnes à lisier de moins de 12 m³ 27,57 %.
Prix des matériels agricoles : un décrochement en 2021
Par ailleurs, on constate pour tous les matériels une accélération de la hausse à partir de 2021. Rappelons donc quelques éléments de contexte.
Évolution du prix d’achat moyen d’un épandeur en cuma (10 à 13 t) entre 2019 et 2023.
Du côté des industriels, l’épidémie de covid-19 est arrivée puis s’est intensifiée en Europe sur le premier trimestre 2020, avec des confinements au printemps (la France connaitra également un confinement à l’automne 2020 et au printemps 2021). La reprise généralisée des activités à l’automne 2020 fait exploser les cours des matières premières. Par exemple, l’acier voit son cours s’envoler de 174 % entre 2020 et 2021 (passant de 580 à 1 590 € en moyenne). Précisons que le cours de l’acier est depuis redescendu. Mais il n’a pas retrouvé son niveau de début 2020 (environ 700 €/t en novembre 2024).
Autre facture à avoir explosé pour les industriels : l’énergie. Dans une note de juin 2022, l’Insee explique « après leur forte croissance en 2021, les prix de l’énergie ont de nouveau vivement augmenté au premier trimestre 2022, notamment avec la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine en février 2022 ». En outre, l’Insee relève une hausse du cours du pétrole de 65 % sur un an. La Rédaction de vie-publique.fr souligne dans un article d’octobre 2023 le « choc de la facture énergétique pour l’industrie » avec des hausses entre 2021 et 2022 de 70 à 110 % pour le gaz, et 40 à 75 % pour l’électricité.
Dernier élément, comme les autres employeurs de l’Europe, les industriels ont augmenté les salaires face à l’inflation constatée sur le continent. Or, si un cours énergétique peut refluer au fil du temps, ce n’est pas le cas du coût de la main d’œuvre qui fonctionne par effet de cliquets.
Des prix des matériels agricoles soutenus par des coûts de production… et une demande
Des hausses de coûts de production, et donc de prix de vente, qui conduisent Axema à s’interroger dans son rapport économique 2023 sur l’acceptabilité de ces prix pour le marché. Mais aussi à craindre un retournement de marché, après une année 2022 où les ventes battaient tous les records : 8,3 milliards d’euros en France, soit +15 % par rapport à 2021.
Précisons que les revenus agricoles 2021 et 2022 étaient plutôt bons. En effet, Agreste constatait une forte progression de 59,9 % du solde disponible par ETP non salarié entre 2020 et 2021, puis de 30,0 % entre 2021 et 2022.
Évolution du prix d’achat moyen des tonnes à lisier en cuma entre 2019 et 2023.
Ainsi, entre 2021 et 2023, la demande reste forte malgré des prix qui explosent et des délais de livraison qui s’allongent du fait de la pénurie de certains composants. Prenons l’exemple du nombre d’immatriculations de tracteurs standards : de 23 898 unités en 2020, il passe à 24 531 en 2021 (+2,65 %), 25 150 en 2022 (+2,52 %) puis 26 161 unités en 2023 (+4,02 %). Soit un développement de 9,47 % entre 2020 et 2023.
À lire : Les subventions font-elles grimper les prix des matériels ?
Verdict : des biens de consommation comme les autres ?
Les comportements d’achat et méthodes marketing liés aux agroéquipements s’inspirent toujours davantage de l’univers des biens de consommation courante, comme les voitures : les agriculteurs peuvent acheter « un univers », « une image », davantage qu’un outil. La décorrélation entre l’outil, sa valeur et le service rendu est accentuée par des données spécifiques à l’univers agricole français : les reprises, les subventions et la fiscalité liée aux exploitations, lesquels rendent encore moins lisibles les politiques de prix.
Au niveau des entreprises agricoles et des cuma, cela pose la question, encore et toujours : de la nécessité d’évaluer les besoins, de disposer de références objectives pour exercer son esprit critique et de l’expertise comptable lié à des investissements pour des équipements productifs. Collectivement, se pose donc la question pour la profession agricole de l’autonomie de pensée, de pouvoir prendre des décisions en s’appuyant sur de l’expertise indépendante, tant sur les sujets « machines » que comptables.
D’où viennent nos chiffres concernant les prix des matériels agricoles ?
Ce dossier est le fruit d’un travail collaboratif avec le service AgroEcoTech de la Fncuma. Pour calculer les variations de prix que nous affichons dans cet article, nous sommes partis des données issues des Guides de Prix de Revient (GPR) en nous intéressant aux évolutions constatées du prix moyen par année, et ce, toutes marques confondues. Ainsi, en prenant en compte les sept catégories de matériel traitées ici, ce sont les données de près de 4 400 machines qui ont été analysées.
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com
![[Sedima] « Ce n’est pas nous qui faisons les prix des matériels »](https://www.entraid.com/wp-content/uploads/2025/01/Alexandre-Mortier-Gimp-350x197.jpg)
