L’eau, alliée ou ennemie des agriculteurs français ?

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L’eau, alliée ou ennemie des agriculteurs français ?

Sur la question de la ressource en eau, la filière agricole partage ses enjeux et solutions.

Sujet de toutes les attentions, l’eau est devenue un enjeu pour l’agriculture française. Qu’elle soit en excès ou en manque, les gouttes d’eau peuvent être le meilleur ami comme le pire ennemi des agriculteurs.

Changement climatique, le mot en vogue. Il ne se passe pas une saison sans qu’on le voie à l’œuvre et il ne simplifie pas le travail des agriculteurs. Les météorologues le prévoient, les températures devraient augmenter et les précipitations seront plus incertaines. Toutefois, le monde agricole semble paré à s’adapter. L’eau, si ce n’est pas déjà le cas, va devenir une source de crispation. « Depuis toujours, il y a eu des variations de résultats dans les exploitations, fait remarquer Loïc Paillard, conseiller au Cerfrance. Mais dorénavant, on prévoit encore plus d’à-coups climatiques, parfois même extrêmes. Les enjeux économiques sont énormes et les risques également. » Zoom sur le partage de l’eau dans l’agriculture en France.

Partage de l’eau dans l’agriculture : cartographier et prévoir

Pour y faire face au défi de l’eau et du partage de cette ressource dans l’agriculture, les leviers existent. Toutefois, ils demandent du temps afin d’en constater les bénéfices. À l’image des changements de rotation, l’amélioration de la rétention en eau du sol ainsi que les changements de pratiques culturales. Ce sont des adaptations nécessaires pour maintenir des rendements stables et gagner en robustesse.

Et le monde agricole, bien conscient du virage que s’apprête à prendre l’agriculture française, tente d’accompagner au mieux les agriculteurs. « Nous avons tenté de réaliser des projections climatiques et de les cartographier, explique Charlotte Demay-Journel, ingénieure chez AgroTransfert. On peut ainsi projeter la possibilité de produire telle ou telle culture dans un territoire défini. »

Miser sur la génétique ?

Quant aux cultures industrielles, là, ce sont les industries agroalimentaires qui doivent s’engager avec les producteurs afin de mieux économiser l’eau, mais aussi adapter les processus de transformation.

En amont, la génétique se présente également comme l’une des solutions. « Il y a beaucoup d’efforts de réflexion quant à l’évolution génétique des plantes, annonce Jean-Paul Bordes, directeur général de l’ACTA. Avoir des végétaux qui s’adaptent à la ressource en eau est l’un des leviers pour s’adapter au changement climatique. »

Sur ce point, les scientifiques espèrent que les NBT (new brand technologies) viendront faciliter et accélérer la sélection génétique. « C’est un mécanisme qui existe de manière naturelle et qui permet de modifier un gène plus rapidement que dans son milieu, explique Véronique Decrocq, chercheuse à l’Inrae. C’est une technologie prometteuse dans la lutte des pathogènes. Elle permettrait aux plantes d’être résistantes face aux infestations de maladies ou de prédateurs, tout comme stress liés au changement climatique. » Sur ce point, la réglementation européenne doit se prononcer en faveur ou non de ce type d’outil.

L’informatique au service de l’eau

D’autres innovations sont également à la portée des agriculteurs comme les outils d’aide à la décision, l’agrivoltaïsme qui peut créer de l’ombre sur les parcelles par exemple. « Avec les drones et capteurs, nous obtenons des données de qualité, explique Thomas Blervaque, sélectionneur chez Lemaire Desffontaines. Nous avons de plus en plus de données et l’intelligence artificielle nous aide à les valoriser. »

Avec des créneaux de travail restreint ou des conditions limitantes, les robots ont leur carte à jouer. « Ils peuvent permettre une réduction d’intrants, de consommation de carburant et intervenir dans des conditions moins bonnes, car les machines sont plus légères, rappelle Stéphane Duran, responsable projet chez Robagri. En revanche, les freins à leur acquisition sont très souvent liés au prix. » Pour cela, la robotique doit encore évoluer, car ces technologies, si elles sont conçues au service des agriculteurs, doivent avant tout rendre service et être utilisés par le plus grand nombre ainsi qu’être rentables.

Bien s’assurer

Face à cela, les risques des agriculteurs s’annoncent plus forts et plus fréquents. « Sur une année, on peut dénombrer entre 3 et 4 aléas sur une même culture, a constaté Yannick Rousseaux, responsable marché agricole chez Groupama Nord-Est. Personne n’est à l’abri et c’est le seul moyen de prévention dont disposent les agriculteurs. » D’où l’importance de prendre le temps de mesurer les conséquences économiques. Toutefois, les seuils de sensibilité des cultures varient et le climat change plus vite que les références agronomiques.

Seul, l’agriculteur ne pourra pas s’adapter et continuera à subir le changement climatique. En revanche, accompagné de toute une filière réellement engagée, il pourra modifier ses pratiques. « C’est un enjeu de filière, ajoute Loïc Paillard. Tout le monde doit prendre le risque économique, même le consommateur. » Une vision globale s’impose.

Faire un état des lieux des ressources en eau

De nombreuses études territoriales font l’état des lieux des ressources en eau de manière qualitative et quantitative et tentent de répondre à la fatidique question, comment produire tout en préservant notre ressource en eau ? À l’image du plan eau lancé par le gouvernement pour mettre un cadre à cette utilisation. « Le but d’améliorer la sobriété des entreprises en matière d’eau, explique Ludovic Tournan de l’Agence de l’eau bassin Artois-Picardie. Ainsi, il est prévu que d’ici à 2030, que les collectivités et le monde économique réduisent de 10 % leurs besoins. Pour l’agriculture, l’ambition est moindre et tend plutôt à une stabilité des besoins. »

Toutefois, face à ce constat, c’est bien sûr la saisonnalité de l’usage qui est la question centrale. « De juin à septembre, dans les Hauts-de-France, on utilise la même quantité d’eau en irrigation qu’en eau potable, précise Ludovic Tournan. Alors forcément, cela crée des tensions à court terme. » D’autant que les prélèvements via l’irrigation augmentent avec une évapotranspiration des plantes en progression et un assolement plus gourmand.

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