Les vaches de Daphné et Yoann Bizet s’aèrent et broutent désormais à l’ombre de panneaux solaires. L’exploitation agricole de Souleuvre-en-Bocage (14) est l’une des pionnières où le producteur d’énergie solaire TSE déploie sa canopée agrivoltaïque. « Un objectif qui me guide est de maximiser la production que je tire d’un minimum de surface. Quand on m’a présenté l’idée de produire au moins autant de fourrage tout en générant de l’électricité, j’ai donc tout de suite été séduit. » Le 24 septembre, Yoann Bizet témoigne ainsi à l’occasion de l’inauguration officielle de l’installation de 3,4 ha.
L’agrivoltaïsme grandeur nature à l’épreuve du terrain
Avec six salariés, les éleveurs valorisent une SAU de 170 ha qu’ils dévouent totalement à l’alimentation du cheptel de 350 bovins, dont 140 laitières en production. « 90 % de la matière sèche qu’ingère le troupeau est cultivé sur la ferme », poursuit l’éleveur. Dans un système à base d’herbe complémentée par le maïs grain, « nous produisons 1,3 million de litres de lait par an ».
L’exploitation produisait déjà de l’énergie
En outre, l’exploitation injectait déjà de l’électricité dans le réseau. Son unité de méthanisation alimente un cogénérateur de 500 kWe, dont un séchoir valorise la chaleur. « Il nous sert pour l’herbe une partie de l’année. Le reste du temps nous y séchons de la céréale, jusqu’à 20 000 t/an », explique Yoann qui installe en parallèle des panneaux solaires sur les bâtiments du corps de ferme.
À terme, il prévoit une capacité de production en toiture équivalente à 1 MWc. « C’est d’ailleurs en me renseignant pour ce projet sur bâtiments que j’ai eu cette conversation sur l’agrivoltaïsme il y a quatre ans. Au téléphone au départ », se souvient-il.
Intégration territoriale de la canopée agrivoltaïque
Pour autant, le porteur et financeur de la centrale agrivoltaïque reste TSE. L’entreprise a notamment sollicité une campagne participative impliquant 285 investisseurs normands (pour un total collecté de 800 000 €). « Nous vendons en même temps une énergie aux entreprises locales », ajoute le président de TSE, Mathieu Debonnet. En tant que propriétaire exploitant, « nous percevons un loyer dans le cadre d’un bail emphytéotique sur le volume », complète l’agriculteur qui avait « tout de même des questions avant d’accepter ». À commencer par l’assurance de pouvoir continuer d’exercer son activité d’élevage. Ou pourquoi pas engager des cultures annuelles sur la parcelle.
Compatible avec les engins agricoles
Les premiers mois de fonctionnement de l’ombrière apportent déjà des réponses positives à l’éleveur. En effet, l’implantation des poteaux « tous les 27 m », comme le respect de la hauteur minimale (de 4 m) prévue autorisent la mécanisation. « C’est trop juste pour une ensileuse, mais une moissonneuse passerait », compare l’éleveur. Concrètement, depuis le raccordement en avril il a déjà réalisé deux fauches sous l’abri : « Que ce soit avec la presse, ou la remorque autochargeuse, la récolte n’a pas posé de problème. » Les représentants de l’énergéticien complètent : « En système grandes cultures, les canopées sont surélevées d’un mètre par rapport à celle-ci. »
Le site fournira des références sur l’agrivoltaïsme
Quant à savoir si l’herbe poussera mieux et plus vite à l’ombre de la canopée ou dans la parcelle témoin, ce sera tout l’objet des suivis expérimentaux qui s’engagent pour plusieurs années, entre autres avec l’Idele, l’Inrae ou l’école d’agriculture de Purpan.
En attendant les analyses chiffrées sur le long terme, l’éleveur ne cache pas son optimisme : « À la pesée de la dernière récolte, le rendement était meilleur dans la parcelle agrivoltaïque. Nous avons constaté aussi que l’herbe se comporte mieux, notamment lors de pics de chaleur. »
La canopée agrivoltaïque fait ressortir le troupeau laitier
Enfin, la mise en production de l’ombrière agrivoltaïque balaye une interrogation qu’avait eue l’éleveur : « Nous n’avons pas constaté de dégradation des critères de qualité de notre lait. » En revanche, le toit ajouré sur la prairie a déjà changé la vie de troupeau qui, depuis quinze ans, ne s’était plus aventuré hors de sa stabulation. « Nous avions pris cette décision pour plusieurs raisons : notamment améliorer notre organisation du travail et proposer une alimentation stable aux animaux. »
Aujourd’hui, le producteur de lait observe « la volonté du consommateur de revoir les animaux à l’extérieur ». Il escompte aussi que la sortie journalière de son troupeau, jusqu’ici d’une à trois heures, améliore le bien-être animal, et par extension l’aide à résoudre des problèmes de boiterie qu’il voyait apparaître dans sa précédente conduite.
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