La méthanisation en collectif ouvre des perspectives dans la Vienne. C’est la raison pour laquelle devenir agriculteur et énergiculteur à la fois est aujourd’hui le lot d’un nombre croissant d’exploitants agricoles. Cependant, cette nouvelle orientation suscite divers questionnements : techniques, économiques, juridiques mais aussi environnementaux. Les producteurs concernés considèrent en outre que c’est une opportunité pour consolider leurs revenus. Directement, grâce à la vente d’électricité ou du gaz produits. Ou indirectement via les économies de dépenses d’énergie dans le cas de l’autoconsommation, ou de la réduction d’achats d’engrais minéraux pour ce qui concerne la méthanisation.
Des questions juridiques
La production d’énergie n’entre pas dans l’objet des cuma. Celles-ci ne peuvent donc pas porter juridiquement ces activités. Mais la mise en œuvre de la méthanisation s’inscrit souvent dans une démarche collective. Cette dernière suppose une bonne interconnaissance entre les associés qui désireraient constituer une société de méthanisation. Travailler ensemble dans une même cuma est un moyen d’approfondir la connaissance et la confiance entre agriculteurs. Cela est nécessaire pour lancer des projets ambitieux comme celui-ci.
D’autre part, cette activité suscite en amont et en aval de la phase de méthanisation, des besoins en matériels : outils de récolte et de transport des cives (cultures intermédiaires à vocation énergétiques), outil de transport et d’épandage des digestats liquides ou solides. C’est dans ce contexte qu’ont été créées spécifiquement quelques cuma. D’autres, déjà en place, peuvent répondre aux attentes des méthaniseurs. Ou elles peuvent investir pour la circonstance. La méthanisation peut ainsi conforter aussi certaines activités comme l’ensilage, qui sont parfois en perte de vitesse…
Une unité de méthanisation pour renforcer les exploitations
Lorsque les associés de l’unité de méthanisation Méthalioux franchissent le pas du projet, c’est bien pour venir renforcer le système des exploitations adhérentes. Non pas le fragiliser. Leurs objectifs étaient de trouver des synergies entre les ateliers de production de l’exploitation. Le troupeau de vaches laitières produit du fumier qui est intégré dans le méthaniseur. L’approvisionnement de l’unité de méthanisation est complété par des cives de seigle-féverole et parfois de sorgho. D’autre part, la chaleur dégagée par l’unité de méthanisation alimente un séchoir à plat. Il sèche, notamment, le foin de luzerne destiné au troupeau. Il permet aussi de sécher du grain. Les locaux et le chauffe-eau de la salle de traite bénéficient également de cette chaleur. Ce qui assure des économies d’électricité.
Dégager des économies
Enfin, le digestat produit génère des économies d’engrais azoté et phosphaté. En résumé, l’électricité produite par le moteur de cogénération permet aux associés de diversifier leur revenu. La boucle est bouclée. Le système n’est pas pour autant porté à son maximum : seuls la moitié des couverts d’hiver sont produits en cive, le reste est retourné au sol.
Beaucoup de matériels servant à l’unité de méthanisation appartiennent à la cuma de Lioux, créée en parallèle de l’unité de méthanisation. Ainsi, figurent dans le parc la tonne à lisier avec pendillards et du matériel de fenaison. De son côté, l’ensileuse utilisée est celle de la cuma voisine des Joyeux Producteurs. La méthanisation a donc permis de conforter l’activité ensilage en rajoutant des hectares de cive à ceux d’herbe et de maïs.
La cuma a été créée en février 2022, à la fin de la phase d’élaboration du projet d’activité de méthanisation. Lorsqu’il est apparu nécessaire d’avoir une structure permettant de mutualiser l’ensemble des matériels indispensables. Les premiers achats sont les suivants : télescopique, tracteurs, benne. Une tonne à lisier va également être achetée. Un semoir et une herse étrille sont en prévision, pour les exploitations en bio, notamment. Deux agriculteurs-éleveurs sont à l’origine du projet de méthanisation : Aurélien Bérardengo et Jérôme Clochard.
Cinq ans de réflexion pour le projet de méthanisation
La construction a débuté après cinq ans de réflexion. Elle représente un investissement de 6 M€. Depuis le 23 février 2023, l’unité de méthanisation injecte 120 m3/h de biogaz, via une nouvelle canalisation de 34 km, qui va de Vivonne à Sanxay, en passant par Lusignan, construite dans cet objectif. C’est un salarié qui s’occupe de la gestion de l’unité au quotidien. Pour faire fonctionner l’unité de méthanisation, 30 t/jour alimentent les deux digesteurs. Ce sont des fumiers, des cives et des issues de céréales qui sont intégrées dans le méthaniseur.
En effet, le choix a été fait d’apporter uniquement des intrants d’origine agricole. Le digestat, produit résiduel issu de la phase de digestion anaérobie, contient des éléments minéraux et de la matière organique. Il est épandu sur 900 ha de cultures grâce aux matériels de la cuma. Ce digestat apporte plus d’autonomie dans la mesure où il permet de diminuer les achats d’engrais chimique. Cela conforte la viabilité économique des exploitations. Avec l’augmentation du coût de l’énergie, les deux agriculteurs ont maintenant un projet photovoltaïque sur bâtiment et un petit projet agrivoltaïque, pour autoconsommation. Leur réflexion autour de l’énergie est globale.
Une des toutes premières unités de méthanisation en France
Dans le secteur de Linazy, la cuma du Sillon vient de fêter en septembre dernier son 40e anniversaire. Dans ce groupe entreprenant, un noyau dur de 6 adhérents met en place un élevage porcin la SCEA Porcs Bel Air en 1995, de 550 truies naisseurs-engraisseurs. Dix ans après cette initiative, le groupe réfléchit à la création d’une unité de méthanisation en cogénération, capable de valoriser les effluents d’élevage ainsi que des issues de céréales de la coopérative Océalia. La SAS Métha Bel Air est constituée pour porter ce projet ambitieux, relate Christophe Foucher, cheville ouvrière du projet et président de la SAS.
La construction date de 2010-2011. C’est l’une des toutes premières unités en France. « Cela a consolidé nos structures », analyse Christophe Fouché. Pour alimenter le digesteur, les responsables de Métha Bel Air incorporent 9 000 m3 de lisier de porcs, 6 000 t d’issues de céréales, 5 000 t de lisier de bovins, 1 000 t de fumier de bovins et 1 000 t de fumier de porcs et caprins, et depuis peu des cultures intermédiaires à vocation énergétique.
7 millions de kWh par an
L’électricité produite correspond à la consommation d’une ville de 3 500 habitants comme Civray, soit 7 millions de kWh par an. Parallèlement, la chaleur dégagée par l’installation est vendue. Elle alimente les besoins de la maternité porcine et sèche des petits lots de grains de la coopérative, mais aussi du tabac, du fourrage et du maïs grain. De plus, l’apport du digestat sur les 1 400 ha exploités les agriculteurs de la SAS et de quelques agriculteurs voisins a permis de diminuer significativement les achats d’engrais pour les exploitations concernées. L’unité de méthanisation génère de l’activité pour les deux tonnes à lisier de la cuma du Sillon.
Et la nouvelle benne de marque L’Artésienne, qui vient d’arriver à la cuma, sera utilisée aussi pour le transport des cives.
La dynamique de groupe de la cuma du Sillon a porté en germe l’éclosion de projets collectifs audacieux, comme celui-ci…
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