Cédric Cabrol est issu du monde agricole. Il a travaillé pendant 22 ans en tant que chercheur dans le domaine de la chimie. Fort de cette expérience, il est désormais agro-éco-climatologue, conférencier et engagé dans la recherche action, notamment au travers d’expérimentations en agroécologie qu’il mène au sein d’une plateforme privée. Il n’hésite pas à échanger régulièrement avec son frère Bruno, installé sur la ferme familiale, mais est aussi en contact étroit avec des agroécologues. Aujourd’hui, il donne des pistes aux agriculteurs afin qu’ils puissent aménager leur territoire de façon à « refroidir » les sols et à favoriser la rétention d’eau. Rencontre avec Cédric Cabrol et retour sur l’identification des mesures d’urgence sécheresse.
Vous avez participé à la création du collectif « l’autoroute de la pluie ». De quoi s’agit-il ?
C’est un projet qui vise à adapter nos paysages en urgence pour augmenter la connectivité climatique, générer de la fraîcheur et de l’humidité.
Partant du constat que le Pays basque est l’un des principaux points d’entrée des précipitations sur le territoire et que le Massif Central est au cœur de trois grands bassins versants hexagonaux, notre objectif est de connecter ces deux zones par une continuité végétale.
Les objectifs vont être de créer de l’ombre, de refroidir les sols, d’accueillir la biodiversité et de condenser de l’eau sous forme de rosée.
Quels aménagements les agriculteurs peuvent-ils envisager pour atteindre rapidement ces objectifs ?
Les mesures d’urgence sécheresse qui vont permettre d’obtenir des résultats plus rapidement pour faire de l’ombre et capter l’humidité vont consister à planter des arbres. Le paulownia présente un intérêt à très court terme, car il a une croissance très rapide de l’ordre de 3 à 5 mètres en un an. Il dispose d’une canopée large, source de minéraux et ajourée, compatible avec les cultures sans les concurrencer et adaptée à la mécanisation.
En implantant 40 arbres à l’hectare, on obtient un ombrage optimal. Économiquement, on pourrait tabler sur 500 €/ha de rendement financier du bois. De plus, le paulownia va jouer son rôle d’ascenseur hydrique et à minéraux contribuant ainsi à la régénération des sols. Il n’est pas obligatoire d’en planter au milieu des parcelles, et d’autres plantes peuvent compléter le dispositif. Il faut expérimenter et tester soi-même.
Mesures d’urgence sécheresse : quel rôle peut jouer la paille ?
La paille est un élément très brillant (surtout broyée) susceptible d’augmenter les probabilités de créer un couplage climatique humide précoce. Je lance un appel aux climatologues pour travailler sur ce sujet.
En France nous avons environ 60 % de surface agricole utile dont 30 % en céréales à paille. Si on la broyait, on pourrait avoir un impact significatif sur :
- Le rafraîchissement de l’atmosphère ;
- L’augmentation des probabilités de précipitations ;
- La limitation de l’évaporation de l’eau par les sols.
La photosynthèse pourrait redémarrer plus tôt à l’automne. D’autres mesures d’urgence sécheresse peuvent être adoptées comme la mise en place de couverts végétaux permanents comme la luzerne.
Concernant la circulation de l’eau, quelles initiatives peuvent être prises par les agriculteurs ?
Pour rapporter de l’eau, on peut cloisonner les fossés en faisant tomber une motte de terre tous les 100 mètres, ce qui permet d’infiltrer l’eau et éviter qu’elle parte à la mer.
En réalisant des trous dans le sol pour perforer les semelles de labour, cela permet à l’eau de regagner les nappes et donc d’agir sur la continuité hydraulique.
Mesures d’urgence sécheresse : l’arbre, le meilleur ami de la prairie ?
Selon une étude réalisée par la chambre d’agriculture des Hauts-de-France, grâce à l’ombre et à l’humidité qu’ils génèrent, les arbres tamponnent en effet les excès climatiques. Cela se traduit ainsi : le démarrage végétatif et le pic printanier de production dans les prairies agroforestières interviennent plus tard qu’habituellement. Puis, ces parcelles associant l’herbe et l’arbre maintiennent une meilleure productivité pendant l’été. Néanmoins, le rôle de tampon des arbres s’exprime encore plus fortement lors des épisodes de canicules, fortes chaleurs soudaines ou période de sécheresse.
Par exemple, sur la période du printemps et de l’été 2022, cette différence de température entre les parcelles arborées et non s’élevait à 7,4 °C. Enfin, ce climat plus favorable autour des arbres bénéficie aussi aux animaux eux-mêmes. Moins exposés aux stress thermiques, ces derniers subissent moins de chutes de leur productivité que s’ils pâturaient dans une parcelle sans ombre en parcelle.
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