La production herbagère peut s’adapter au climat

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La production herbagère peut s’adapter au climat

Des paddocks intégrant le plantain ou la chicorée peuvent favoriser la continuité du pâturage pendant le creux de productivité estival des autres prairies sur l’exploitation.

Au dernier Salon de l’herbe, Patrice Pierre propose aux éleveurs herbagers une liste de leviers qui permettent d’atténuer les impacts du changement climatique sur la production fourragère.

La prairie continuera de produire, certes. Mais l’évolution du climat induit une dynamique de croissance herbagère modifiée. L’autonomie fourragère des élevages devra s’y adapter. Pendant l’été survient « une période où l’herbe ne pousse plus du tout. On se retrouve ainsi à devoir gérer une sorte de deuxième hiver », schématise Patrice Pierre. L’ingénieur agronome d’Idele tenait une conférence au Salon de l’herbe de mai 2024. Au cours de celle-ci, il détaillait une liste de leviers d’adaptation à ce nouveau cycle annuel de la pousse de l’herbe.

Semer la prairie début octobre et sous couvert

Si la bonne gestion des équilibres dans l’écosystème reste une science indispensable au producteur d’herbe, les expérimentations suggèrent des pistes d’évitement des catastrophes, voire d’amélioration de la productivité. L’ingénieur pose : « Les périodes estivales de plus en plus chaudes ont tout d’abord un impact sur l’implantation. » Des plantules exposées une canicule, c’est rédhibitoire. En conséquence, le risque accru que ces phénomènes surviennent en septembre pousse vers octobre la période conseillée des semis de prairie. Outre cette esquive de la période à risque pour la levée de la prairie, « on est alors à la bonne période pour semer un mélange céréales-protéagineux », observe Patrice Pierre. Des essais s’intéressent au semis sous-couvert. Leurs résultats indiquent que la technique a des intérêts.

Un seul passage du semoir pour deux cultures qui se développent

« À partir d’une seule préparation de sol, et grâce à un semoir approprié, on obtient deux cultures à récolter. » Pour la première, qui concerne le mélange de plantes annuelles : « On conseille la récolte fourragère immature, afin que la prairie lance sa production suffisamment tôt au printemps. » L’agronome pointe entre autres avantages que le semis sous-couvert procure à la prairie une bonne qualité d’implantation. En attestent les rendements supérieurs observés en deuxième année par rapport aux implantations traditionnelles témoins. Patrice Pierre rappelle en outre que dès la première année et cette récolte du méteil, « la prairie semée sous-couvert est portante et immédiatement productive. » Enfin cet itinéraire d’implantation de la prairie résout la question du salissement au démarrage.

Semoir Amazone Cirrus

Le matériel rend accessible des techniques comme l’implantation de prairie sous-couvert de méteil. À part la luzerne par exemple, les espèces prairiales accepteraient généralement bien la technique qui démontre de multiples intérêts.

Diversifier les espèces sécurise la production de la prairie

« Lorsqu’il n’y a pas d’eau, rien ne pousse. » Aussi l’enjeu consiste à façonner des prairies multi-espèces qui résistent au sec puis redémarrent rapidement au retour de l’eau en automne. Le dactyle et le trèfle violet par exemple démontrent ces capacités de résistance et de réactivité. Mais comme la fétuque, le dactyle se présente en touffes. Ces espèces ont une fonction productive que l’on doit « compléter par un engazonnement, avec un raygrass anglais par exemple. On doit aussi y ajouter une diversité de légumineuses qui fournit un bon moteur azoté dans la prairie », liste l’expert.

Au bout du compte, l’augmentation du nombre d’espèces dans la prairie atténue la variabilité de son rendement. « La prairie a un peu moins de rendement au pic, mais sur l’année, sa productivité est plus lisse. » L’agronome Idele insiste : cet avantage productif des prairies multi-espèces s’avère aussi sur les sols offrant de bon potentiels, d’après des essais à la ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou (49). Sur douze ans, une prairie à flore variée adaptée au contexte présentait un rendement annuel moyen supérieur à celui de de l’association raygrass anglais – trèfle blanc. Que le sol soit superficiel ou profond, la culture multi-espèce y procure un gain annuel d’environ +1,5 tMS/ha.

Composer avec des plantes adaptées au sec

La présentation évoque enfin la chicorée ou le plantain : Avec leur enracinement profond, en pivot, elles rendent la prairie productive en été. Ces plantes encore peu courantes dans la prairie cultivée devraient ainsi s’y rencontrer de plus en plus. Néanmoins leur comportement implique une conduite peu compatible avec les mélanges multi-espèces habituels, leur exploitation nécessitant « une rotation rapide ». Il faut donc leur associer des flores adaptées.

Pâturage estival

La diversification des espèces dans la prairie et des différentes compositions prairiales sur l’exploitation est un levier d’adaptation au changement climatique.

Pour maintenir un pâturage en été, d’autres solutions complémentaires s’envisagent : l’introduction d’un sorgho multicoupe entre une destruction de prairie et le semis de la suivante, ou encore le pâturage de légumineuses. « Des systèmes très herbagers peuvent par ailleurs actionner le levier du report sur pied », enchaîne Patrice Pierre. La technique consiste à étendre la durée de retour sur un paddock à 65 j (au lieu d’une trentaine). Une condition de réussite est que le sol soit profond. Autres prérequis : avoir coupé l’épi lors de l’exploitation précédente et que les graminées présentes aient la capacité de repartir en feuilles après l’épiaison. L’intervenant cite en exemple la fétuque élevée ou le dactyle, puis précise qu’une forte population de légumineuses doit contrecarrer la perte de valeur alimentaire : « La prairie idéale pour pratiquer du report sur pied est une prairie qui poserait problème si le troupeau la consommait lorsqu’elle est trop jeune. »

Savoir prendre l’herbe lorsqu’elle est là

Si le besoin de stock augmente pour passer l’été augmente, l’éleveur herbager disposerait de plus en plus de périodes intéressantes sur l’automne et l’hiver. Moyennant de limiter le phénomène de matraquage, « ce sont des séquences à valoriser pour réduire le besoin de stock. » De plus l’ingénieur observe la bonne qualité de l’herbe produite à ces saisons. L’exploitation de cette herbe qui permettrait des croissances des animaux « correctes », tout en générant des économies est aussi une nécessité pour assurer la qualité de la repousse au printemps suivant.

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