Samuel Bonvoisin est ingénieur agronome. Il explique comment améliorer l’accès à la ressource en eau grâce à des systèmes régénératifs s’appuyant sur la nature. Il revient, pour Entraid Médias, sur l’hydrologie régénérative.
En quoi l’hydrologie régénérative apporte une vision différente dans les débats autour du partage de l’eau ?
L’idée que l’eau est une sorte de butin à se partager a été construite et tout s’organise autour de ce partage. De là proviennent les politiques de sobriété, les guerres de l’eau… Cela génère de la réticence, de la colère, de la frustration et du dépit, notamment pour la profession agricole. Or, sans pour autant ouvrir les robinets, on peut tous participer à cultiver l’eau et améliorer sa disponibilité. Développer la connaissance des cycles de l’eau va permettre de construire une politique de régénération de la ressource sur nos territoires.
En Belgique, une étude scientifique a été menée suite aux inondations de 2021 qui ont entraîné d’énormes dégâts. Les modélisations réalisées ont montré que si tous les principes de l’hydrologie régénérative avaient été appliqués, le phénomène climatique de 2021 aurait pu être réduit de 40 %.
Quel est le lien entre l’aménagement du territoire et les cycles de l’eau ?
Il apparaît important d’expliquer et de faire connaître le fait que nos paysages ont une incidence beaucoup plus importante que ce que l’on peut imaginer sur le cycle de l’eau. L’eau issue de l’évaporation des sols et de la transpiration des végétaux est responsable des deux tiers des précipitations à l’échelle mondiale, d’après les travaux menés par une hydrologue suédoise.
Qu’est-ce qu’un paysage efficace pour alimenter les cycles de l’eau ? Les scientifiques ont identifié quatre caractéristiques principales. Le paysage doit être en capacité de :
- Ralentir l’eau ;
- L’infiltrer ;
- La stocker ;
- Favoriser l’évapotranspiration.
Concrètement, en agriculture, comment se matérialise un « paysage efficace » ?
Il s’agit de ralentir l’eau, de faciliter l’infiltration, de produire de la biomasse et de stocker le carbone dans le sol. Il faut également générer l’évapotranspiration, favorisée quand on amène de la fraîcheur en été. On nous a répété que l’objectif était de limiter l’évapotranspiration or, on a compris à l’envers.
Plutôt que raisonner le bilan hydrique à la parcelle, il est nécessaire de la considérer dans son ensemble. Cette dernière doit donc avoir un certain nombre de qualités paysagères et donc d’infrastructures comme les haies et ouvrages d’infiltration tels que les baissières ou les mares tampons. Aussi, le rôle de la matière organique dans les sols est prépondérant pour gagner en capacité de stockage de l’eau. Quand on perd 1 % de matière organique en moyenne sur l’ensemble de la SAU du pays, c’est l’équivalent de 25 000 mégabassines en moins.
Le changement de pratiques peut aussi consister à allonger la durée du couvert hivernal, à recourir à des engrais verts, à installer des bandes enherbées, des haies, voire des doubles haies pour amener de la rugosité au paysage, à opter pour l’agroforesterie.
Comment conjuguer ces changements avec la viabilité économique des exploitations agricoles ?
L’idée est de passer d’une logique de maximisation des rendements et des profits les bonnes années pour pouvoir se mettre à l’abri les mauvaises années, à une logique de robustesse. On ne cherche pas forcément à être ultraperformants les bonnes années, mais à lisser les revenus.
On ne met pas tous les œufs dans le même panier, avec la diversification culturale, la dé-spécialisation, voire la réintroduction de l’élevage. Les nouvelles pratiques vont avoir une incidence sur la pression sur les cultures, au niveau fongique, parasitaire, des prédateurs. Elles permettent aussi de réduire la dépendance aux engrais de synthèse.
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com