Saisonnière et ponctuelle, l’utilisation du tracteur de tête dans les exploitations est rarement rentable. « C’est un constat, annonce Richard Wylleman, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Yonne. Il est encore plus probant lorsque le tracteur est en propriété individuelle plutôt qu’en cuma. » Toutefois, pour maîtriser les charges de mécanisation, il faut se pencher sur ce que représente la traction. Elle est le premier poste des charges de mécanisation avec 30 %. Alors dans un contexte de prix haussier, le maîtriser peut représenter de belles économies.
Tracteur de tête en cuma : +30 % d’utilisation par rapport à la propriété
Par tracteur de tête, on entend, des tracteurs avec de fortes puissances, au-dessus de 160 chevaux, qui réalisent des travaux lourds comme du travail du sol par exemple. Le besoin reste donc saisonnier et ponctuel. Si l’agriculteur en a besoin, il doit bien souvent mettre la main à la poche, car les prix des tracteurs sont bien souvent proportionnels à la puissance.
La preuve en chiffres avec une analyse de Richard Wylleman. En cuma, le tracteur de tête moyen est de 200 chevaux, a 3,2 ans et travaille environ 656 heures chaque année. En propriété, il a 210 chevaux, 5,8 ans et réalise 511 heures de traction. Ce qui représente une différence de 30 % du volume d’activité.
10 à 15 % plus cher à l’hectare
Forcément, si on divise le prix du tracteur par le volume d’heures travaillées, le coût de revient est donc plus élevé en propriété seule. Toujours en comparaison, entre un tracteur en cuma et en propriété, il coûte entre 10 à 15 % plus cher à l’hectare. « Certains agriculteurs objectent ces résultats en précisant qu’en individuel, le tracteur est conservé plus longtemps, explique le conseiller. Mais sur le terrain, ce n’est pas vrai. D’autant que la décote est plus élevée les premières années, le coût de revient n’évolue plus trop passé le cap des deux à trois ans de détention. »
Toutefois, il faut tempérer ce constat. L’utilisation du tracteur de tête varie selon les systèmes de cultures. Dans l’Yonne, dans une exploitation de polyculture élevage, le tracteur est davantage optimisé avec une utilisation moyenne d’environ 600 heures par an. « Ce sont les heures d’utilisation qui permettent de réduire le coût, précise Richard Wylleman. Il y a des activités d’épandage, de pressage et de transport notamment qui viennent saturer le tracteur. »
Tracteur de tête : +2 ch/an en moyenne
En revanche, en grandes cultures dans des sols à fort potentiel, les tracteurs de tête sont utilisés 473 heures en moyenne par an, contre 552 heures dans des terrains à faible potentiel. « Dans ces situations, les agriculteurs tendent à comprimer leurs charges de mécanisation, mais travaillent davantage en grandes largeurs », fait remarquer le conseiller. Mais de contrebalancer en évoquant les heures de travail utiles (celles travaillées à pleine puissance) ou encore le produit potentiel de cette action. « Pour être davantage précis, il faudrait plutôt diviser le coût du tracteur par le produit potentiel, là on aurait une idée de rentabilité du tracteur. »
Le choix d’une puissance de tracteur se fait dans la plupart des cas lorsqu’une situation limite l’utilisation se présente. Pour l’épandage ou le travail du sol par exemple où il faut nécessairement une puissance élevée. La solution réside bien souvent par un investissement dans un tracteur de tête. Ainsi, chaque année, la ferme France gagne deux chevaux supplémentaires en moyenne dans ses exploitations. À l’inverse, une sous-utilisation de la puissance peut dégrader le moteur et engendrer une surconsommation de carburant.
Calculer ses coûts de revient
Alors, dans un projet d’investissement, il peut être judicieux de raisonner un peu différemment pour éviter de se retrouver avec des charges de traction trop élevées. « C’est à l’achat qu’il faut réfléchir, ajoute Richard Wylleman. Après, il est trop tard pour tenter d’optimiser ce tracteur. Il n’y a plus que la location ou l’échange par l’entraide du tracteur pour valoriser les heures non travaillées. Ou la réalisation de travaux rémunérés à l’extérieur de l’exploitation. »
Si on se focalise sur le besoin de l’agriculteur, le raisonnement est plus logique. Ainsi, « si l’agriculteur estime son besoin en nombre d’heures, il sait ensuite quel type de tracteur lui conviendrait, raisonne le conseiller. Il connaît, grâce aux références des guides de prix de revient, son budget. »
Cela lui permet d’optimiser son projet en adaptant le prix d’achat, soit en négociant ou soit en raisonnant les équipements ou soit en achetant un automoteur d’occasion. Il peut également choisir d’optimiser les volumes et en partageant le tracteur au cas échéant. « La surpuissance coûte cher, rappelle Richard Wylleman. La première chose à faire reste tout de même de calculer ses coûts de revient. On est ainsi plus armés pour raisonner son projet. » Le besoin doit ainsi conditionner l’achat et non l’inverse.
Partager son tracteur, c’est possible ?
A priori oui. Puisqu’en Bourgogne Franche-Comté, en 2020, 255 tracteurs sont en cuma et 47 sont achetés chaque année. Ce qui représente 6 % des immatriculations annuelles. Au total, sur 783 cuma, 167 ont au moins un tracteur, ce qui touche plus de 1 400 exploitations. Cependant, le partage d’un tracteur demande davantage d’organisation et aussi de la proximité géographique. Ce qui n’est pas toujours le cas dans certains territoires.
Des prix toujours vers le haut
Optimiser ses charges de mécanisation, c’est un grand principe qui s’oublie lorsque les années sont florissantes. Toutefois, quand les prix d’achat crèvent les plafonds, comme ces dernières années, il est davantage nécessaire de se poser les bonnes questions. Entre 2020 et 2024, alors que les prix ont augmenté de 41 %, les prix de revient ont, quant à eux, bondi de 7,2 %. Preuve que les volumes limitants n’étaient pas atteints auparavant.
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