Les chantiers d’épandage de lisier connaissent une nette évolution depuis quelques années. Ils subissent d’abord la législation sur les nitrates, en lien avec la qualité de l’eau, et sur l’ammoniac, cette fois pour la qualité de l’air. Des questions plus internes se posent par ailleurs. Notamment les risques de tassement des sols et d’accidents routiers en raison du poids grandissant des attelages tracteur et tonne. La Frcuma Ouest a fait le point sur le sujet lors du Space. Elle a fait intervenir ses deux experts, Hervé Masserot et Frédéric Lavalou, ainsi que Léna Oddos, de la chambre d’agriculture de Bretagne.
La tonne a passé 75% de son temps sur la route
Sur la question des chantiers d’épandage de lisier, Frédéric Lavalou a présenté une réflexion qui débute dans une cuma de la Manche. Elle a débuté avec la pose de compteurs connectés sur les cinq tonnes (14500 à 26500 l), pour une activité totale de 83000 m³/an. Il apparaît ainsi que la tonne de 26500 l avec enfouisseur a par exemple passé 42% de son temps sur la route, et a parcouru 4248 km, épandage compris, au cours de ses 358 voyages. Celle de 20000 l avec pendillards, se trouvaient dans des conditions encore plus défavorables. Résultat : 75% du temps sur la route, sur 3351 km et pour 7235 m³.
Le parcellaire est trop dispersé
Tout cela à cause de la dispersion des terres. « Le regroupement parcellaire constitue un réel enjeu pour réduire les temps de transport, estime Frédéric Lavalou. La notion de « rouler » le lisier est dépassée, on cherche d’abord à bien l’épandre. »
Faire entrer des tonnes de plus de 25000 l dans les parcelles, parce qu’on a besoin de cette capacité sur la route, n’est selon lui pas raisonnable.
Dissocier les chantiers d’épandage de lisier en deux phases
Avec l’outil en ligne Teplis, l’expert du réseau cuma a simulé un équipement alternatif. À savoir deux tonnes de réforme de 18000 l pour transporter, une de 16000 l avec enfouisseur pour épandre et un caisson pour faire le tampon. Bilan : le coût pour 9000 m³ augmente de 20%, mais le chantier prend 40% de temps en moins, et le sol est préservé.
« Il faut pour cela pouvoir mobiliser des équipes de chauffeurs, comme on le fait à l’ensilage. » Il ajoute que la dissociation du chantier d’épandage de lisier sur deux temps distincts est aussi possible. On transporte le lisier vers des fosses satellites en période creuse pour avoir moins de route à parcourir lors des créneaux d’épandage.
Les effluents d’élevage émettent trop
Autre volet de l’épandage de lisier abordé ce jour-là : l’agriculture est la première source d’ammoniac, qui se dégage des effluents d’élevage et secondairement des engrais azotés. Le PREPA, un plan de réduction « tous secteurs » voté en 2017, prévoyait notamment de basculer de la vieille buse palette à des moyens moins émissifs.
Le mouvement est en marche pour de raisons surtout agronomiques, car à ce jour aucune date buttoir n’a été décidée, contrairement à ce qui se dit ici ou là. Seuls les préfets peuvent ponctuellement décider de limitations, en cas de pollution atmosphérique aux particules.
Trois sacs d’ammonitrate perdus à chaque tonne
Les éleveurs qui passent à l’enfouisseur ou à la rampe savent en revanche que l’ammoniac envolé représente des unités d’azote perdues. Hervé Masserot l’a chiffré. Prenons une tonne à lisier de 18 m³ chargée de lisier de bovin à 2,5 unités d’azote par mètre cube. Elle contient environ la valeur de 6 sacs de 25 kg d’ammonitrate à 33%. « Avec une buse palette, la moitié de l’azote peut se volatiliser, soit l’équivalent de trois sacs sur les six. Avec un enfouisseur, la perte se limite à un demi sac ».
Une appli pour entrer dans la précision
Cette approche économique va encore plus loin avec l’application agrivisio N’air de la chambre d’agriculture de Bretagne, présentée par Léna Oddos. Elle n’est pour l’instant disponible dans toutes ses fonctionnalités qu’en Bretagne. Elle chiffre le risque de pertes d’azote selon la météo locale, les conditions d’application ou encore le prix de l’engrais minéral.
Deux projets de chantiers d’épandage de lisier en cours
Ce travail engagé sur le sujet de l’épandage de lisier se poursuit à la Frcuma Ouest avec d’autres partenaires (dont la Frcuma Occitanie), au sein du projet Val’Or. Son nom : « Mieux valoriser les engrais organiques sur les exploitations agricoles : l’épandage au cœur de multiples enjeux ».
La fédération participe aussi à EQAir, comme « Les cuma s’engagent en faveur d’équipements d’épandage moins émissifs pour la qualité de l’air en Normandie ».
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com.