Accord UE-Mercosur : quels impacts pour les élevages français ?

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Accord UE-Mercosur : quels impacts pour les élevages français ?

Le cheptel bovin européen peut regarder d'un oeil inquiet le possible accord commercial avec le Mercosur.

La possible conclusion d’un accord qui faciliterait l’accès au marché européen de viande bovine made in Mercosur inquiète l’économiste Baptiste Buczinski (Idele). Dans une vidéo, l’expert pose les conséquences attendues pour la production bovine communautaire.

Déséquilibre ici, Déforestation là-bas. Force est de considérer en cette fin d’année la possibilité d’un accord qui faciliterait des échanges commerciaux entre le marché européen et celui du Mercosur. Aussi les agroéconomistes d’Idele proposent un éclairage sur le contexte et les conséquences auxquelles les troupeaux bovins français peuvent s’attendre. La compétitivité sur le plan des prix des viandes du Mercosur ne fait aucun doute, « à commencer par celles du Brésil », observe Baptiste Buczinski, économiste de l’institut, et notamment lorsqu’elles sont soumises à des droits de douanes réduits. Le risque d’importations supplémentaires en cas d’application de l’accord est bien réel. »

Plus de portes ouvertes au premier fournisseur

Les quatre pays concernés par la discussion (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) constituent déjà le premier expéditeur des viandes bovines qu’importe l’union des 27. Ces 195 000 téc sud-américaines représentant « près de 58% des imports. »

Pour la viande bovine, le projet d’accord de libre-échange prévoit d’une part la suppression de droits de douane imposés à des contingents actuels. D’autre part il propose l’ouverture progressive de nouveau contingent, pour 99 000 tonnes équivalent carcasse.


Alors que l’UE relativise généralement l’ampleur des contingents au marché global de la viande bovine, l’agroéconomiste préfère une comparaison plus fine : « Les contingents ouverts concernent essentiellement les viandes issues de l’aloyau. Il est donc plus logique de ramener les ouvertures de marché à ce segment bien particulier. Les productions d’aloyaux des cheptels allaitants et laitiers de l’UE-27 approchaient respectivement 400 000 et 720 000 téc en moyenne entre 2019 et 2021. Une ouverture à 99 000 téc d’aloyaux supplémentaires compétitif en prix pourrait donc peser. »

L’incidence porte sur les meilleures valorisations de la carcasse

Le service agroéconomie d’Idele insiste : « La proportion d’aloyaux issus du Mercosur sur le marché de l’UE devrait augmenter de manière considérable. » Contre 13 % en 2019, la part de cette origine atteindrait en 2030 : 21 % à 26 %. Or le décryptage souligne d’une part que ces découpes représentent un tiers de la valeur des bovins adultes dans l’UE. D’autre part qu’elles sont « beaucoup moins chères au Mercosur. » En résumé, ce supplément de flux « constitue une menace majeure pour les revenus des producteurs de l’UE. »

Une étude à l’automne 2022 chiffrait que le prix de l’aloyau du Mercosur était inférieur de 18 % à 32 % au prix de gros représentatif de l’aloyau dans l’UE. « Au niveau de l’élevage, les coût de production sont inférieurs en moyenne de 40 % à ceux des élevages européens, relaye l’économiste. C’est même de près de 60 % pour les fermes brésiliennes, d’après les données du réseau Agribenchmark. »

Accord UE-Mercosur : distorsion de concurrence

Dans une vidéo publiée le 19 novembre, Baptiste Buczinski rappelle les facteurs qui génèrent cette compétitivité. « Tout au long de la chaîne, les différences de réglementation sont importantes entre les pays du Mercosur et ceux de l’UE. » Par exemple les agriculteurs y utilisent légalement « de nombreux pesticides, dont l’usage est interdit dans l’UE. » L’expert évoque aussi la question du bien-être animal, tandis que « plusieurs antibiotiques restent utilisés en élevage bovins viande comme activateurs de croissance. »

Mais l’exemple de distorsion le plus parlant est selon lui celui de la traçabilité individuelle des animaux. Notion majoritairement inexistante dans ce bassin de production. « C’est aussi un gros problème au moment où l’UE cherche à installer une clause miroir sur la déforestation. » l’analyse d’Idele évalue en effet : « La déforestation supplémentaire sur 5 ans induite par l’augmentation des exportations de viande bovine liée à l’accord UE-Mercosur pourrait s’élever de 620 000 hectares à 1,35 million d’hectares, dans le scénario le plus pessimiste. »

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