Comment prendre des vacances ? 5 agriculteurs témoignent

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Comment prendre des vacances ? 5 agriculteurs témoignent

La majorité des agriculteurs déclarent prendre leur vacances l'hiver et en tout début d'été.

« Ce qui me paraît décalé aujourd’hui, ce sont les agriculteurs qui ne prennent pas de congés », pose l’un des agriculteurs interviewés. Certes, mais l’enquête d’Entraid révèle bien toute l’énergie et les stratégies que mettent en œuvre les agriculteurs pour organiser ces moments, le plus souvent passés en famille.

SOMMAIRE
Oui, les normes et le rythme de vie des agriculteurs rejoignent ceux du reste de la société. Les vacances sont en cela un marqueur clé : les agriculteurs qui en prenaient faisaient autrefois exception. C’est plutôt l’inverse aujourd’hui. Plusieurs raisons à cela : la fenêtre ouverte que constituent les médias et internet sur la vie quotidienne des gens. Les conjoints et conjointes qui travaillent « à l’extérieur » et le fait que de plus en plus d’agriculteurs ont été salariés avant de s’installer, voire qu’ils ne soient plus directement issus du monde agricole.

Enquête sur les vacances des agriculteurs : quelles difficultés expriment-ils ?

La démarche demande pas mal d’organisation, notamment pour les éleveurs. Les répondants à l’enquête réalisée en novembre par Entraid, au sujet des vacances des agriculteurs, le soulignent bien : plus 52 % d’entre eux indiquent avoir des difficultés à organiser ces congés.

Un quart de ceux-là pointent des difficultés à trouver un remplaçant, ou un remplaçant compétent. Ce qui n’était pas aussi aigu il y a quelques années. Le marché de l’emploi et des compétences s’est tendu entre-temps.

Viennent ensuite, pour 21 % de ceux ayant exprimé des freins à la prise de congés, les casse-tête de l’organisation du travail -comment déléguer ?-, et de la charge de travail elle-même.

Les incertitudes climatiques et météo perturbent l’organisation de vacances pour 10 % de ceux qui expriment des difficultés à faire une pause, avec les décalages de dates de chantiers par exemple.

Enfin, vient tout simplement la difficulté à ‘caler’ des dates gérables pour les collectifs familiaux et de travail, pour 5,4 % de ces répondants qui trouvent difficile d’organiser des vacances. En effet, tout le monde doit s’y retrouver, entre l’agriculteur et ses impératifs de production, le ou la conjoint.e salarié.e, les enfants avec le calendrier scolaire et éventuellement les salariés qui alignent les mêmes paramètres chez eux.

Plus marginalement, mais assez clairement, les répondants ont aussi désigné comme obstacles le coût des vacances, l’angoisse de partir de leur exploitation et la charge de travail encore augmentée, avant et au retour des congés.

Ils prennent des vacances chaque année : voici comment ils s’organisent

Julien et Marius Bertuol

  • Secteur Nord Aveyron – Chèvres laitières, brebis viande
  • En moyenne trois semaines de vacances réparties entre avril, l’été et la fin d’année
  • Adhérents aux cuma de Coubisou, de Villecomtal, Intercuma des Foumérous, Union des cuma Bois énergie
  • Le point fort : le pool de salariés des cuma environnantes, la rationalisation du travail

Nos parents ne prenaient pas de vacances. Je me suis installé en 2003, et mon frère m’a rejoint en 2011. Nous avons arrêté l’élevage de bovins, mais nous avons quand même deux troupeaux, l’un de chèvres laitières et l’autre de brebis pour la viande. La ferme et le travail ne sont pas structurés comme avant : nous déléguons une bonne partie des travaux des champs aux salariés des cuma environnantes : le semis, l’épandage, les traitements, une partie des récoltes, le tri des semences, le déchiquetage du bois… Nous nous concentrons sur les soins aux animaux.

« Nous nous apputons l’un sur l’autre pour partie, alors que nos parents ne prenaient pas de vacances. Mais ces congés demandent de la préparation. »

Et nous nous appuyons l’un sur l’autre pour partir. Nous ne partons pas n’importe quand bien sûr, nous privilégions les moments calmes. Mais il a fallu organiser ces périodes : c’est passé par la rationalisation des agnelages, des lactations longues pour limiter les périodes de mises bas, de la mécanisation. En bref, des stratégies pour ne pas « étaler » le travail dans le temps. Et malgré tout, ces temps de congés demandent de la préparation.

 

Dominique Lemonnier, 56 ans

  • Secteur : Ouest Mayenne, frontalier Ille-et-Vilaine (Bretagne)
  • Bovin lait
  • Quasiment trois semaines de congés réparties entre 4 jours de voyage d’étude en Europe au printemps, une traditionnelle première semaine de congés en juillet et une autre en hiver.
  • Adhérent à la cuma de Montaudin
  • Le point fort : complémentarité entre le salarié de la cuma qui assure la distribution avec la dessileuse automotrice et un salarié permanent, embauché via le service de remplacement Terralliance.

Ma femme est infirmière et salariée. Les vacances, c’est donc pour nous une organisation de couple, et c’est un élément important. Depuis 20 ans, nous prenons au moins une semaine par an, et ça va plutôt crescendo. Nous partons aussi 4 jours chaque année, au printemps, avec le Ceta35 pour un voyage d’études dans des exploitations agricoles d’autres pays européens.

Vacances randonnée

« Depuis 20 ans, ma femme et moi prenons au moins une semaine de vacances par an, et ça va plutôt crescendo. » Dominique Lemonnier

J’étais seul sur mon exploitation jusqu’à l’arrivée d’un salarié permanent en janvier dernier. Avant, j’avais quasiment une semaine de boulot pour préparer ces semaines de vacances, pour que la personne qui me remplace ne rencontre pas de souci. Ce n’est pas évident, parce que l’élevage, c’est beaucoup d’imprévu. Jusqu’à il y a quelques années, je faisais appel aux salariés du Service de remplacement, mais ces derniers temps, c’est devenu compliqué de trouver des personnes à la fois motivées et compétentes pour ces remplacements ponctuels. Je fais donc appel à mon service de remplacement, Terraliance, qui propose aussi d’embaucher des salariés permanents, à la manière d’un groupement d’employeurs, en CDI. AUjourd’hui, ce salarié connaît bien l’exploitation et les animaux, c’est devenu bien plus simple de partir. Je fais également appel au salarié de la cuma qui assure la prestation de distribution avec une dessileuse automotrice. C’est 1h30 de gagnée par jour ! L’astreinte pour l’élevage s’en trouve allégée, elle atteint environ 5h par jour. Et en cas de pépin, mes filles sont dans le secteur agricole, et je sais qu’elles pourraient me remplacer au besoin.

 

Pascal Dubus, 60 ans

  • Secteur : limite Pas de Calais et Somme, au sud d’Arras
  • Grandes cultures aujourd’hui sans élevage
  • 3 semaines par an en moyenne pour prendre des vacances, reparties 1 semaine en hivers et 2 semaines en été (maintenant en juin) avant la moisson
  • Adhérent aux cuma des Sarrazins, BioTerritoire, cuma Villers Plouich et Intercuma Agriculture et mécanique
  • Le point fort : organisation « historique » entre agriculteurs du secteur, entre entraide (remplacements mutuels)

Je suis parti en vacances pour la première fois à 7 ans, dans les années 1970, grâce à la cuma de Courcelles-le-Comte. Le conseil d’administration avait décidé de se doter d’un véhicule pour ‘les voyages d’études’. C’était un J7 de 64cv qu’ils avaient fait rallonger. Sept personnes pouvaient y dormir. On pouvait rouler les portes ouvertes et il fallait manœuvrer dans les lacets. Il a fait plus de 200 000 km en 3 ans.

vacances camping-car

Le J7 de la cuma de Courcelles-le-Comte sur les routes d’Italie, en 1970. « Il a permis de créer une culture des vacances  pour les adhérents. » Pascal Dubus.

La solidarité pour des vacances réussies

Ce qui est très intéressant, c’est que cette acquisition a créé des dynamiques. Des échanges se sont créés, du type « tu me remplaces une semaine, et je te rends la pareille. » Cela a été un catalyseur pour que les agriculteurs de la cuma prennent des vacances, et se remplacent mutuellement. Et une fois le J7 fini, les gens étaient autonomes au sujet de leurs vacances. En résumé, le J7 a permis de créer des habitudes, de la solidarité, et cela a perduré au-delà du matériel, les congés sont rentrés dans les mœurs. Pour ma part, j’ai trouvé à la cuma des collègues pour me remplacer en entraide. J’ai acheté un camping-car par la suite, par exemple, parce que c’est très compliqué de réserver un hébergement quand on a 4 enfants avec des incertitudes sur les périodes de travaux des champs ! C’est une formule très adaptée. Et au-delà, cette possibilité de s’absenter m’a permis d‘être remplacé le temps d’une hospitalisation d’un de nos enfants, tout bébé. Mais aussi de considérer comme acceptable que quelqu’un d’autre s’occupe de l’exploitation pour me lancer dans d’autres aventures professionnelles par la suite, en parallèle de ma ferme.

 

Olivier Brossard, 55 ans

  • Secteur : Vienne, à l’Est de Poitiers
  • Bovin viande, en Gaec
  • Trois semaines de congés, deux semaines estivales et une en hiver
  • cuma de La Puye
  • Le point fort : salarié permanent sur l’exploitation et travaux des champs effectués pour la plupart en chantiers d’entraide avec les adhérents de la cuma

Ma conjointe et moi avons toujours eu pour habitude de prendre des vacances, dès nos installations respectives. Ce n’est pas toujours évident, avec les animaux et les récoltes. C’est mon salarié permanent qui assure les astreintes pour les animaux. Et la cuma est pour nous à la fois un outil et un groupe de travail à plusieurs exploitations. Nous sommes tous dans des configurations différentes, en gaec ou en individuel, avec ou sans salariés dans les exploitations…

vacances éleveurs

«Le salarié permanent assure l’astreinte pour les animaux, ce qui me permet de prendre trois semaines de vacances.» Olivier Brossard

Donc nous partageons des matériels, mais surtout nous travaillons en entraide, avec de l’organisation de chantiers en commun pour les travaux saisonniers comme les semis, récolte des foins, l’ensilage, la moisson… C’est aussi une question de facilité de travail et de solidarité. Nous nous organisons en fonction des impératifs -professionnels et personnels- de chacun. Cela ne nous sert pas que pour les congés. J’ai eu un pépin de santé il y a deux ans, et ce fonctionnement a permis de continuer à faire tourner l’exploitation.

 

François-Xavier Sainte-Beuve, 41 ans

  • Secteur : Nord de Reims, à la frontière entre l’Aisne et les Ardennes
  • Grandes cultures
  • Deux semaines de vacances, en début d’été et l’hiver
  • cuma de la Vallée Bleue
  • Le point fort : les adhérents ont regroupé leurs salarié.e.s au sein de la cuma pour consolider et pérenniser les emplois. L’organisation des chantiers, très anticipée, repose sur le travail des salariés mais aussi des adhérents, qui viennent en renfort.

À la cuma, nous avons décidé de regrouper les salariés de nos exploitations. Nous en avons désormais quatre, et ils ont des compétences complémentaires, même s’ils peuvent se remplacer. Je ‘partage’ un salarié avec un autre adhérent ; ce salarié est à environ 75 % d’un temps plein chez moi. Au-delà du travail dans les exploitations, nous nous organisons pour que l’équipe des salariés soit disponible lors des pics de travail : le semis, les moissons, les agnelages, les vides sanitaires. Nous nous organisons à l’avance. Pour les moissons par exemple, nous nous réunissons en mars ou avril, pour construire le calendrier de qui, parmi les salariés et les adhérents, sera là ou pas. On a besoin d’environ 5 personnes sur 8, cela permet un roulement des congés.

vacances montagne

«Les vacances, oui, cela fait partie de mes habitudes. Mais même en montagne avec ma famille, quand mon téléphone capte, je consulte mes messages…» François-Xavier Sainte-Beuve

Deux semaines de congés par an

Les vacances, oui, cela fait partie de mes habitudes. En ayant été salarié auparavant, j’avais 5 semaines de congés payés, et les RTT. Aujourd’hui, j’en prends deux par an. Je n’ai pas d’animaux sur mon exploitation, mais mes collègues de la cuma sont tous éleveurs. J’ai aussi pas mal d’engagements professionnels, notamment au sein du réseau cuma. J’ai l’habitude -et j’apprécie- de travailler à un rythme soutenu, et d’avoir des collègues. Quand je suis là, je suis à fond, tout comme eux. Et nous parvenons tous à nous dégager des congés, adhérents comme salariés. Cette année, l’équipe a récolté mes escourgeons -des orges d’hiver qui se récoltent tôt-, pendant ma semaine de congés. Je marchais en montagne avec ma femme et mes enfants, et quand mon téléphone captait, je recevais les bons de livraisons de la coop. Et le soir, j’ai pu consulter les rendements en buvant un verre face au Mont-Blanc ! Mes collègues ont vécu le même type de moments. Nous avons sans doute intensifié le rythme de travail par rapport à nos parents. Mais d’un autre côté, nous avons accès à ces moments de vacances en famille.

Les vacances : utiles pour prendre des décisions ?

Sur 317 répondants, 13,5 % indiquent avoir pris des décisions importantes au cours de leurs congés, ou au retour. Le premier type de grands choix concerne la réorganisation de l’exploitation, l’arrêt ou au contraire le démarrage de nouvelles activités, l’augmentation de la délégation ou encore le repositionnement autour de ce qui est jugé important (en termes de rentabilité ou d’engagement).

Le deuxième grand type de décisions concerne le fait de prendre davantage de vacances, de week-end, ou bien de ‘sanctuariser’ la prise de congés.

Enfin, une troisième catégorie de répondant, à l’occasion de cette coupure, prend la décision d’arrêter son activité de production agricole ou encore de vendre son exploitation.

Bon à savoir pour l’organisation des congés

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Sélectionner deux matériels de la même famille pour les comparer