Optimisation à fond
Quoi qu’il en soit, l’IA va venir bousculer la société. « Elle va sûrement remplacer certains emplois pour en créer d’autres, prévient Christian Germain. Elle va également rendre certaines tâches plus efficaces sous réserve d’avoir un expert à proximité pour toujours vérifier et juger le résultat. » Les emplois et les formations vont devoir s’adapter.
Si la prévision météo n’entrerait pas directement dans son champ d’application, la valoriser pour optimiser un itinéraire de culture et de décisions d’intervention semble totalement à la portée d’une intelligence artificielle. Bien conçue, celle-ci pourrait aussi calculer les plus justes prix par exemple pour une utilisation de matériels agricoles soumis à des paramètres multiples et évolutifs dans le temps, tels que le cours du carburant, les frais d’entretien probables… ou encore optimiser des trajets pour limiter des consommations de carburant.
Une success story ?
Imaginez un peu aussi, un bibliothécaire capable de trouver dans les 468 derniers numéros d’Entraid, la réponse précise à la question que vous lui avez posée il y a tout juste 15 secondes. Quant à savoir si un tel développement se range du côté de la pertinence ou de l’utopie, “tout est question d’échelle”, répond Nicolas Greffard de Valeuriad.
Toutefois, à ce jour, les bases de données freinent le développement de l’IA. Il est encore très difficile et coûteux de récupérer des données qualitatives et en quantité. Se les procurer représente encore un réel investissement pour les entreprises. « Pour utiliser au maximum l’IA, il lui faut une vraie success story, estime l’expert. Et le succès, ce sera quand on n’en parlera plus et qu’elle sera présente dans nos objets du quotidien. »
S’adapter au changement climatique
Dans la même veine, avec l’IA, on pourra prédire un rendement selon de nombreux paramètres que sont le sol, la variété semée ou encore les aléas climatiques. « Attention, toutefois, à ne pas trop extrapoler, l’IA ne rendra pas un mauvais agriculteur bon, tient à souligner Emmanuel Buisson. Mais elle le fera gagner en efficience et en adaptation. » Et vues les contraintes agro-climatiques qui se profilent, ce n’est pas superflu.
Ces développements restent possibles uniquement si les entreprises parviennent à collecter les bonnes données et qu’elles soient fiables. Pour le moment, c’est là où le bât blesse. Après avoir récupéré de la donnée à tout va, les entreprises tentent dorénavant de la collecter tout en gardant l’intérêt pour le produit créé et le client final. Elle devient alors plus fiable et plus précise. « D’ici quelques années, les bases de données seront davantage exploitables et à ce moment-là l’IA pourra se développer encore plus rapidement », prévoit Emmanuel Buisson.
Définir le niveau de chargement
Si pour le moment, le développement de l’IA reste encore très coûteux, lorsqu’elle sera démocratisée, elle sera plus abordable. À l’image des capteurs qui sont devenus très accessibles. « On pourrait utiliser les données collectées par les capteurs sur une ensileuse pour alerter le conducteur du niveau de chargement de la trémie, image-t-il. Les capteurs placés sur la remorque et la trémie pourraient déterminer les niveaux de chargements et vider automatiquement la machine. Il faudrait pour cela traiter les images et s’adapter à toutes les conditions. C’est assez basique. » L’IA pourrait ainsi augmenter les débits de chantiers, prédire les pannes ou encore remplacer la main-d’œuvre difficile à recruter actuellement.
Pousser la technologie vers le conseil
Avec des données du sol, de compositions, de variétés, d’itinéraires techniques culturales, de volumes d’eau, il sera ensuite facile à l’IA de prescrire des conseils très précis selon les cas. « Il va être facile de piéger des ravageurs, les prendre en photos grâce à des capteurs, de les identifier et déterminer, illustre l’informaticien. Selon leur densité de population, qui aura été déterminée par l’IA également, le modèle sera capable de décider s’il faut alerter l’agriculteur. » On peut même pousser la technologie vers un conseil de dose et d’utilisation de la matière active.
Cela devient de plus en plus réaliste grâce aux capteurs qui sont de plus en plus précis et petits, à la caractérisation et sauvegarde des données, à la puissance du numérique et à l’IA qui accélère le traitement de ces données et qui est capable de prédire. « Pour que la révolution soit suivie, il ne va pas falloir oublier l’agriculteur, tient à faire remarquer Eric Hais. Il faudra l’accompagner dans l’utilisation de ce nouveau modèle. Mais l’agriculture n’est pas le seul secteur qui sera bouleversé. On ne connaît pas encore la puissance de cette technologie mais elle risque de révolutionner de nombreux métiers. »
Garder l’intelligence humaine
Toutefois, l’informaticien tient à être prudent. « L’IA ne doit pas remplacer notre intelligence. Nous devons être vigilants à savoir encore faire les choses manuellement. C’est le seul moyen de garder le contrôle dessus et de savoir si la réponse est erronée. C’est l’œil humain qui sera désormais la valeur ajoutée. »
Les données, la base
L’autre grande question que pose l’intelligence artificielle, est la gestion des données. C’est la vraie valeur de l’intelligence artificielle. Sans données, l’algorithme ne peut rien faire. L’Union européenne a d’ailleurs tenté de réguler ce trafic qui peut être vertueux mais aussi très dangereux avec IAact « mais les législateurs et politiques manquent de compétences techniques pour pouvoir réellement agir », estime la scientifique.
De plus, les données peuvent facilement être utilisées et certaines n’appartiennent même à personne. On peut donc les utiliser sans prendre en compte la propriété intellectuelle. À cela s’ajoutent les enjeux environnementaux et humains associés à ces nouvelles technologies. Celles-ci peuvent créer une aberration avec l’impact sur l’environnement du stockage de ces bases de données mais aussi sur la main-d’œuvre embauchée pour trier et caractériser ces données.
Le bien comme le mal
Toutefois, l’intelligence artificielle permet une grande avancée dans les technologies. Avec notamment le traitement des images qui est utilisé pour la médecine ou l’agriculture. En science, le fait de pouvoir traiter de nombreuses données rapidement peut accélérer la recherche et les découvertes. « Avec tous les abus qu’il peut y avoir, une vision sur le long terme de ces technologies peut s’avérer apocalyptique, lance la scientifique. Mais le fait est qu’on ne connaît pas l’avenir, on n’en sait rien. »