Des faux positifs
« Lors du premier passage de détection grâce à un pulvérisateur équipé de capteurs sur la rampe, il est primordial de vérifier la cartographie des adventices dans la parcelle et ainsi s’assurer des algorithmes, reconnaît Benjamin Perriot , ingénieur chez Arvalis après ses essais. On a remarqué que la détection était plus ou moins précise selon l’adventice. Toutefois, les erreurs sont principalement des faux positifs, ce qui n’entraîne pas un salissement plus important de la parcelle. »
Il l’illustre avec un taux de détection de 80 % pour le chardon contre 92 % pour le rumex. Ce qui reste relativement fiable. La carte qui en est issue est alors insérée dans la console du pulvérisateur pour n’apporter du produit que lorsque la carte est présente.
Réduction d’herbicides de 80 à 99 %
Lors de la phase d’application de l’herbicide, l’ingénieur tire plusieurs conclusions. « D’abord, la réduction potentielle d’utilisation d’herbicides est de 80 à 99 %. » Cependant, ces résultats sont très variables selon le type d’adventices, l’état de salissement de la parcelle mais aussi de la répartition de celles-ci. « Quand la pulvérisation ciblée est activée, le temps de travail augmente aussi légèrement, car le débit de chantier de l’automoteur diminue, sa vitesse passant de 15 à 12 km/h pour un bon fonctionnement des capteurs », indique Arvalis dans une note. « En revanche, les charges herbicides diminuent. Elles passent de 65 à 58 €/ha pour 50 % de surface traitée, voire 54 € pour 15 %. »
« Nous avons remarqué que lorsqu’elles étaient réparties en tâches dans la parcelle, le pulvérisateur les localisaient mieux », poursuit Benjamin Perriot. « La largeur des tronçons du pulvé va venir aussi jouer sur la performance du traitement. En revanche, lorsqu’il y a des nœuds ou de nombreuses tâches en forme de polygones, l’efficacité est moindre. » La compatibilité entre la carte et le pulvé est parfois défaillante. C’est là où le bât blesse.
Biosolutions, un sujet à approfondir
Côté économique, il faut compter l’achat d’un pulvérisateur équipé de détecteurs et de coupure de tronçons, soit environ 173 000 € pour un automoteur de 36 mètres. À cela s’ajoute une cartographie, à environ 84 000 €. « La rentabilité d’un tel système dépend de la surface, de la parcelle, ainsi que de sa propreté, précise-t-il. La technique actuelle demande à être développée, mais l’aspect économique ne constitue pas un frein. » Selon lui, pour faciliter l’utilisation de cette technique, la détection et modulation en simultané reste la solution.
Autre sujet, les biosolutions, famille qui regroupe les biocontrôles et biostimulants. Ces produits innovants pour protéger ou stimuler les cultures, ont fait évoluer quelque peu les matériels d’application depuis plusieurs années déjà. Ces agents utilisent les propriétés naturelles du sol ou de la plante. Chaque composé a sa spécificité. « Leur activité dans la nature n’est pas vraiment maîtrisée et leurs modes d’action sont très variables, lance Ali Siah, chercheur à Junia, école d’ingénieurs en agronomie lors d’une conférence sur le sujet. Forcément, ces types d’actions sont à prendre en compte dans leur application au champ. » La qualité du produit compte, certes, mais aussi son contact avec l’eau pour que la solution soit la plus efficace possible.
Collaboration entre entreprises agrochimiques et constructeurs de matériels
Pour y répondre, les constructeurs de matériels de pulvérisation, notamment, travaillent en collaboration avec les entreprises d’agrochimie. « Nous étudions la manière la plus adéquate pour appliquer la biosolution avec des entreprises d’agroéquipements, explique Wilfried Remus, développeur de biocontrôles pour la société Certis-Belchim. On analyse, par exemple, le type de buse, les volumes d’eau nécessaires pour assurer la pression, qui répondent aux spécificités des biosolutions. »
« Avec de nouveaux produits à appliquer, forcément les constructeurs ont fait évoluer leurs matériels, pour qu’ils soient davantage polyvalents », fait remarquer Guillaume Boquet, responsable technique chez Axema. Il l’illustre avec l’utilisation de cuivre, plus astringent et utilisé plus fréquemment que d’autres éléments chimiques.
Certains produits demandent qu’il y ait davantage de filtrages, une cuve et des tuyaux plus robustes, ou encore des techniques d’optimisation de rinçage. « C’est déjà le cas pour les pulvés neufs où c’est techniquement réalisable », assure le spécialiste. Les pulvérisateurs sont de plus en plus précis.
Des applications plus exigeantes pour les biosolutions
D’autant que ces types de produits, plus onéreux, sont basés sur des organismes vivants. Pour qu’ils soient le plus efficaces possibles, il faut que « la qualité de l’application soit bonne, les conditions climatiques excellentes et le contact avec la plante instantané », ajoute Wilfried Remus.
D’autant que pour les appliquer, les fenêtres d’intervention sont plus courtes. « Les modèles d’intervention ainsi que les paramètres doivent être pris en compte dans la modélisation des solutions, explique le chercheur. Il faut davantage d’intelligence artificielle pour trouver le bon seuil d’application. »
Pour les biosolutions, c’est donc une autre approche qu’il faut mener pour avancer dans l’équipement des pulvérisateurs. Cependant, le risque est d’aller vers une complexification des agroéquipements. « L’agriculteur devra être accompagné pour paramétrer au mieux son pulvé, qui sera de plus en plus complexe, alerte Wilfried Remus. L’applicateur devra peut-être s’appuyer sur sa coopérative, son négoce ou son distributeur pour y parvenir. »
Par ailleurs, l’adaptation des agroéquipements aux nouvelles biosolutions est un enjeu de filière. Celle-ci doit être impliquée dès le début des démarches. Que ce soit les firmes phyto, les équipementiers, les distributeurs ou même les agriculteurs, chacun doit travailler main dans la main et avoir accès au même niveau de formation. Toutefois, « la réglementation et les capacités industrielles seront les facteurs limitants à la propagation de ces nouvelles pratiques », fait remarquer Ali Siah.
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