Chantal Chomel, ancienne directrice des affaires juridiques et fiscales à Coop de France, était le grand témoin des échanges fructueux qui ont eu lieu au Salon aux Champs, en septembre 2019. Ces échanges portaient sur la pertinence du statut coopératif selon les différentes formes de coopération.
Cette spécialiste du droit coopératif a fait une analyse approfondie de ces rencontres, dans la dernière parution de la revue Recma (Revue Internationale de l’Economie Sociale). Ces échanges se sont déroulés sous la houlette d’Yves Cariou du cabinet de conseil Oxymore dans le cadre de « l’Université Coopérative Portative » (UCP). Deux temps d’échanges, en matinée puis l’après-midi, ont mis en en lumière plusieurs réalisations ambitieuses, entreprises dans un vrai esprit coopératif.
La CIAP pour installer
Parmi celles-ci, on retiendra l’exemple de la CIAP (Coopérative d’Installation en Agriculture Paysanne) en Pays de Loire. Michel Baron (Loire-Atlantique), ancien agriculteur et gérant de la coopérative, l’a présentée. La trajectoire de la CIAP atteste de la capacité d’innovation du mouvement coopératif.
Ici, la coop assume un rôle singulier par rapport aux coopératives agricoles habituelles. Elle propose un accompagnement à l’installation hors cadre familial, en facilitant l’accès à la production (foncier, statut, financement…). Tout en mobilisant les forces vives des réseaux agricoles pour donner toutes les chances de pérennité à l’installation. La CIAP développe un système de « portage temporaire » sous forme de couveuse d’entreprise. Celle-ci assure l’hébergement juridique, fiscal et comptable de l’activité économique.
Le cursus des candidats, parrainés par la CIAP, comprend un stage d’un an. Ils ont alors le statut de stagiaire de la formation professionnelle via la mise à disposition d’un espace test. Les résultats sont là: 150 installations rendues possibles depuis que la CIAP a été créée en 2012. Le système qui a démarré en Loire-Atlantique a essaimé depuis sur d’autres départements de l’Ouest.
La CAE fédère tous les métiers
Les collectifs qui misent sur l’économie sociale et solidaire pour aider les porteurs de projets, ne sont pas l’apanage du secteur agricole. La CAE (Coopérative d’Activités et d’Emploi) « Elan Créateur », en Ille-et-Vilaine, a fait part de son expérience en matière de mutualisation de moyens.
Ses membres, issus de tous les secteurs professionnels, déploient leurs propres activités de manière indépendante, tout en s’appuyant sur une structure collective. Il s’agit de co-entreprendre avec la CAE qui assure l’hébergement juridique et la gestion de leur activité. La coopérative apporte aussi un cadre professionnel en prenant en charge les questions administratives, comptables, voire commerciales…
Le candidat bénéficie dans un premier temps du statut d’entrepreneur salarié associé. Ce, pour faciliter la mise en route de son activité puis la pérenniser dans le cadre de la coopérative. Actuellement, la CAE fédère 150 entrepreneurs dont une cinquantaine associés de la coopérative.
La Scop «Tout en vélo» mieux que Delivroo
Autre réussite coopérative mise en lumière lors du Salon aux champs, la Scop (Société Coopérative Ouvrière de Production) «Tout en vélo» démarrée à Rennes en 2012. Il s’agit d’un réseau de sociétés coopératives indépendantes de transporteurs urbains en vélo avec caisson de transport.
Olivier Girault, le gérant salarié de cette start up coopérative, a livré un plaidoyer convainquant en faveur de cette forme d’organisation. C’est une alternative au statut de travailleur indépendant subordonné au bon vouloir des plates-formes en ligne, de type Delivroo ou Uber. Le salarié coopérateur parvient à vivre de son travail. Tout en partageant avec ses collègues associés l’outil mais aussi les valeurs éthiques de la société coopérative qu’ils gèrent ensemble.
Autre prise de parole remarquée dans ces débats vivifiants autours des coopératives, celle de la SAS Biolait créée il y a 25 ans.
Biolait, une SAS d’inspiration coopérative
Il ne s’agit pas officiellement d’une coopérative puisqu’elle n’en a pas les statuts. Mais cette SAS qui collecte et commercialise du lait biologique (1er collecteur en France avec 1.300 fermes), en a tous les attributs. Et les pratiques: gouvernance, participation et responsabilité financière de tous ses membres, transparence et équité de traitement entre tous les producteurs…
Jacques Chiron, l’un des fondateurs, a rappelé la vision entrepreneuriale mais également «citoyenne» de l’entreprise dans sa responsabilité sociale et environnementale. C’est une actrice résolue de l’organisation d’une filière bio durable. L’engagement collectif de Biolait sur la durée prime sur la recherche de profit à court terme. En témoigne la décision prise en 2019, en concertation avec les producteurs, de réduire de 5 % la production laitière. Objectif: éviter tout risque de production qui entraînerait ultérieurement une chute des cours…
Des statuts non figés
Ces différentes contributions au débat du 9 septembre ont confirmé que les statuts qui fondent les droits des coopératives constituent un socle solide. Celui-ci pourra être amené, selon Chantal Chomel, à évoluer compte tenu des nouvelles formes d’entreprenariat collectif qui émergent. Mais si sur le terrain le fonctionnement des coops s’éloigne des valeurs originelles de démocratie participative et de recherche d’émancipation pour ses membres, alors cet arsenal juridique restera vain…
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