Cinq salariés travaillent à la Coopérative paysanne de Belêtre, une entreprise sans aucun chef d’exploitation professionnel. Mathieu Lersteau est le représentant de cette structure originale dans la production agricole qui témoignait au salon des productions bio de Retiers (35) en septembre. « Nous sommes salariés de la ferme dont nous assurons les fonctions de gérance de façon bénévole. » La raison, c’est qu’ils ont fait des choix : créer une Scop plutôt qu’un groupement agricole et prioriser leur protection sociale. « En tant que salarié, nous pouvons prétendre à une meilleure couverture sociale qu’un agriculteur chef d’exploitation. » Quant à la Scop, leur but était de trouver une cohérence entre un constat qu’ils partageaient : « Nous étions plusieurs à avoir travaillé dans les réseaux de développement agricole » où ils entendaient le discours général ‘il faut installer des jeunes…’, déconnecté de la réalité individuelle du cédant qui ayant travaillé toute sa vie à la construire, est naturellement prompt à analyser que sa ferme, ‘elle vaut 400 000 €’ et que cette somme sera bien utile à un ménage dont les revenus passeraient en mode ‘vache maigre’ avec le régime de la retraite.
Un parcours
« Nous nous sommes demandés comment faire autrement » et les salariés sociétaires en sont arrivés, non sans mal, à ce statut de Scop qui « favorise la transmission des entreprises. » Le témoin argumente : « Nous avons des parts sociales et elles ne peuvent pas faire l’objet d’une plus-value. Chacun a apporté 3 000 € au départ. Si on s’en va, on repart avec nos 3 000 €. » En contrepartie, les jeunes installés n’étaient pas éligibles à la DJA. « Nous avons démarré avec un statut associatif grâce auquel nous pouvions accéder à des aides non agricoles. Ça a compensé. »
De l’organisation
Ainsi, la coopérative paysanne de Belêtre produit depuis quelques mois du pain, des légumes (maraîchage et quelques légumes de plein champ) et exerce une activité d’accueil pédagogique. Au cabaret des Savoir-faire paysans, Mathieu Lersteau partageait le micro avec Robert-Jan De Vink. Lui en revanche a le statut officiel de chef d’exploitation agricole. En Mayenne, il propose aussi une belle diversité d’ateliers ; avec du pain, des légumes, du lait de Pie noire transformé, des viandes, le tout en vente directe ; au sein de son gaec Radis&Co : quatre associés avec cinq salariés (pour 3 ETP salariés). Son témoignage révèle aussi la difficulté de construire ce genre de structures impliquant un grand nombre de porteurs du projet, puis le faire fonctionner dans le temps : « Nous étions dans un projet plus large que l’agriculture qui n’a pas abouti. » Finalement, le groupe agricole a poursuivi pour créer le gaec en 2011. Depuis, « chacun gère son atelier. Dès lors qu’il y a un troupeau à suivre, c’est très compliqué d’être polyvalent et tourner d’une semaine sur l’autre sur les atelier », constate Robert-Jan. Néanmoins, « on se voit une fois par semaine pour organiser le planning, faire un tour d’humeur », un rendez-vous régulier qu’il juge essentiel au bon fonctionnement du collectif, tout comme l’intervention annuelle d’une personne extérieure sur la comptabilité et « sur qui nous pouvons aussi compter pour de la médiation si nous en avons besoin un jour. »
Des principes communs
Mathieu Lersteau confirme l’importance d’établir ce genre d’organisation stricte et claire : « nous nous organisons un séminaire annuel, en dehors de la ferme. » Lors de celui-ci les associés revoient leur fiche de poste, la font évoluer… Au quotidien à Belêtre, « nous avons aussi mis en place pas mal d’outils » qui font tourner rond la société en autogestion. Il faut dire aussi que les jeunes installés avaient bien cadré leur organisation : « nous avons mis un an à définir les fondements de notre collectif », matérialisés par un document de sept pages qui définit le cap de leur entreprise.