Cédric Seguineau est directeur du grand défi de la robotique agricole, piloté par Robagri, association qui promeut le développement de la robotique en agriculture. Il fait le point sur la réglementation pour les robots agricoles appliquée à ce jour et les évolutions à venir.
À ce jour, les constructeurs de robots autonomes agricoles se confrontent à des normes issues d’une directive européenne, appelée « directive machine ». Qu’encadre-t-elle ?
Cette directive européenne, traduite dans la loi française, date de 1995 et sa dernière version est entrée en application en 2009. Elle concerne toutes les machines, qu’elles soient agricoles ou non. Parmi les différents axes, c’est avant tout la sécurité des biens et des personnes utilisant ces machines qui est encadrée.
Chaque constructeur de machine agricole applique des normes spécifiques à leur application et harmonisées avec une directive ne mentionnant pas explicitement les nouvelles technologies. Cette directive devenue incomplète oblige chaque constructeur à analyser les risques d’utilisation du robot.
À chaque innovation, c’était l’inconnu et le constructeur devait y faire face seul. Un frein pour le développement de ces technologies. Cette règlementation était désuète car en plus de ce vide sur la sécurité des robots, elle ne prenait en compte ni l’intelligence artificielle, ni les outils numériques.
Une nouvelle réglementation pour les robots agricoles a vu le jour en 2023, que prévoit elle ?
En effet, un règlement machine a été publié fin 2023 pour une application en janvier 2027. Il est européen et s’applique à toutes les machines commercialisées dans l’union européenne. Il prévoit un cadre clair et précis dans l’utilisation et le développement des robots autonomes. Nous entrons donc dans une période de transition où nous devons établir des normes pour répondre à cette nouvelle réglementation. Ainsi, de nouvelles exigences arrivent.
La notion de machine mobile autonome fait son apparition avec des exigences de santé et sécurité nouvelles à atteindre. Le robot autonome doit être capable d’assurer sa sécurité par lui-même et de réaliser une tache seul. D’autres exigence continuent à s’appliquer comme l’ergonomie du poste de travail, l’arrêt d’urgence, la protection contre une mise en route intempestive, des sécurités si les ordres sont contraires, etc.
Un travail est désormais mené dans les comités de normalisation pour réussir à mettre à disposition des concepteurs de robots des normes harmonisées qui décrivent comment concevoir et valider les machines pour qu’elles soient conformes à ces nouvelles exigences.
Qu’est ce qu’il va changer pour les constructeurs ?
L’application de normes harmonisées permet d’avoir des réponses plus rapides pour diminuer les risques et de s’assurer qu’un constructeur « n’oublie » pas un risque potentiel. Les règles du jeu sont maintenant précises. À chaque innovation, la conformité d’un robot autonome sera confrontée à une même réglementation avec moins de divergence dans les interprétations. Elle prend en compte la sécurité des personnes, des animaux et de l’environnement.
Sans norme cela peut paraitre encore flou. Mais par exemple, dans la notion de sécurité, il y a une exigence sur la fonction de supervision. Le robot autonome doit être capable d’apprécier le contexte dans lequel il évolue, les risques associés, et stopper à distance les opérations si nécessaire. Si l’objectif est clair, les normes seront là pour montrer le chemin à respecter pour aboutir.
Mais les robots ne dépendant pas uniquement du règlement machine, il y a d’autres réglementations qui s’appliquent ?
La réglementation relative à la santé et sécurité au travail ne concerne pas directement le robot mais plutôt l’intégration d’un robot agricole dans une ferme. Elle doit se faire conformément à cette réglementation, en prenant en compte les besoins en formation, le respect des règles de maintenance du robot, ou encore les conditions de stockage, de transport et d’opérations. C’est un travail de concertation qui est à mener désormais entre les acteurs de la filière pour réussir l’intégration des robots dans les fermes à grande échelle.
En dehors de la parcelle, sur la voirie, c’est le code de la route qui s’y applique. Or, il ne prévoit pas de véhicules autonomes sur les voies. Cependant, la machine agricole répond à une réglementation spécifique dite Maga (machine automotrice genre agricole, ndlr) en cours de réécriture à l’échelle européenne. Va-t-elle évoluer pour laisser place aux robots ? Si c’est le cas, les robots conçus pour emprunter les voies de circulation devront être conformes aux exigences de ce règlement spécifique. Il y aura des normes supplémentaires à respecter.
Dans tous les cas, il est bon de rappeler que toute voie ouverte à la circulation publique, c’est à dire sans barrière, est considérée comme une route. Même une voie privée. Si le robot se trouve dans ce cas de figure où il emprunte cette voie, un opérateur doit être présent et doit respecter les conditions particulières décrites dans la notice d’instruction.
Et qu’en est il de l’accompagnement du robot par une personne physique dans la parcelle ?
Cette obligation dépend des constructeurs et non pas de la réglementation. C’est un choix technologique. Certains constructeurs ont pris cette décision pour répondre à la notion de sécurité imposée par la directive machine. Cette dernière n’interdit pas un robot autonome, elle interdit un robot qui n’a pas de sécurité. C’est différent.
C’est à chaque constructeur d’innover et de trouver la solution la moins risquée. Certains constructeurs s’appuient sur une présence humaine pour sécuriser le chantier, s’assurer que personne ne s’approche du robot. D’autres mettent en œuvre des technologies embarquées pour se passer de ces opérateurs.
Avec ce nouveau règlement et ces nouvelles normes, risque-t-on de constater des hausses de prix de ces robots ?
La technologie qui sera utilisée pour sécuriser les robots a forcément un coût. Mais il faut remettre en perspective avec le coût d’usage de ces robots. Outre le fait de ne pas avoir besoin d’un chauffeur, le robot peut rendre service. Et pas seulement à l’agriculteur mais bien à tous les citoyens. Avec par exemple, le désherbage mécanique en bordure des habitations. Ne plus utiliser de produits phyto à cet endroit là est bénéfique pour tout le monde.
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