« Ras-le-bol administratif »

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« Ras-le-bol administratif »

Problèmes de trésorerie, tracasseries administratives… beaucoup d'agriculteurs se noient dans la paperasse. (Photo @Adobestock)

Vous avez dit “simplification administrative” ? Billet d'humeur de Marjorie Lambert, agricultrice à la Ferme du Bocage en Normandie, et manageuse de projets dédiés aux transitions agricoles et agroalimentaires.

Les difficultés de gestion, ça nous connaît ! Nous, les agri, sommes les rois — et les reines comme en témoignaient les Femmes de la terre d’Edouard Bergeon — de la paperasse. 

Et les délais, on en parle ? Pour obtenir le bilan, pass suprême pour décrocher un prêt, il faut s’atteler et ne pas traîner. Car la trésorerie, c’est le nerf de la guerre. Et notre profession est particulièrement mal armée et peu entraînée sur ce sujet.

C’est d’ailleurs un des points qui déclenche ma colère au début de la crise du Covid. Pas un coup de fil de l’expert-comptable, ni des coop, pour évoquer la trésorerie. Mes collègues agri ? idem. Mes clients ? Idem. J’interroge alors mon conseiller bancaire : pas un PGE demandé sur notre secteur.

Au pied du mur 

Printemps 2020 : ma caisse locale reçoit de ma part LA première demande de PGE. Sans cela, nous avons projeté notre plongée dans l’abîme à l’automne. Les éleveurs saturés par le boulot commencent (seulement) à déposer leur demande de dossier quelques mois plus tard. Leurs comptes ne leur laissent plus le choix. Ils sont au pied du mur. Pendant ce temps, mon mari et moi avons anticipé, le pire… qui arrive : en plus des envolées de l’aliment volaille et de l’énergie décorrélés quelques mois des prix de vente, les deux saisons de lin stocké ne peuvent pas partir en Chine pour être transformé. Nous devons donc nous asseoir sur les 20 % de TVA qui servaient, mine de rien, de trésorerie. Nous aurions basculé dans le néant si nous n’avions pas eu les ressources personnelles à deux pour piloter, anticiper et faire face au silence pendant cette période. Notre prévisionnel de trésorerie nous a sauvés, mais comment ont fait les collègues ? 

Marjorie Lambert est agricultrice en Normandie et lectrice d’Entraid. Elle s’insurge contre son manque d’indépendance dans la gestion de son exploitation agricole.

Février 2022 : début de la guerre en Ukraine, second choc majeur sans avoir fini de digérer la période covid et après restructuration de la dette. Nous sommes (encore) en période de vacances scolaires. Le comptable part en congé et récupère les heures sup’ qu’il a cumulées (à quand un allègement du système ?). On attendra pour demander des prêts d’investissement ou de court terme. Pourvu que le banquier n’enchaîne pas ses vacances juste après.

La lenteur des partenaires accroît les difficultés de gestion

Vivement la simplification administrative, l’autonomie et le numérique ! Dans les faits, nous devons (souvent) attendre, mais aussi interrompre nos tâches de la journée pour gérer la paperasse et pouvoir joindre les différents services. Alors maintenant que l’organisation comptable et administrative est un risque, nous serons vigilants sur notre indépendance à ce niveau. Je chercherai aussi à fluidifier les process pour gagner en temps car comme de nombreuses femmes et hommes, je reste pluriactive. 

Le numérique sera pour cela une aide précieuse, mais ne brûlons pas les étapes. Car en voulant accélérer la transition, j’ai surestimé le temps du changement de mes partenaires et j’en ai payé les conséquences. Sans parler d’autres nombreux déboires administratifs et comptables… que je vous partagerai dans un prochain numéro d’Entraid.

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