[Sedima] « Ce n’est pas nous qui faisons les prix des matériels »

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[Sedima] « Ce n’est pas nous qui faisons les prix des matériels »

Président du Sedima, syndicat des distributeurs, Alexandre Mortier s'exprime sur le prix des matériels

La fixation des prix n'est que très peu leur affaire, selon Alexandre Mortier, président du Sedima, syndicat des distributeurs de matériel. La libre concurrence doit jouer. Rencontre.

Le sujet du prix du matériel agricole en France mis sur la table. Entraid médias a rencontré Alexandre Mortier, président du Sedima, pour faire le point.

Que souhaitez-vous aux agriculteurs pour 2025 ?

A.M. Déjà, que la situation du pays se stabilise et que les discussions agricoles reprennent, que la vente des productions soit profitable et que l’on sache mieux où l’on va sur le Mercosur.

Et sur le prix du matériel agricole ?

A.M. Ah, les prix du matériel agricole, ce n’est pas nous qui les faisons. Nous sommes dépendants de l’inflation que les constructeurs appliquent sur le prix des machines. La construction du prix est d’ailleurs assez opaque.

Aujourd’hui, on ne voit plus de grosses augmentations de prix du matériel agricole de la part des constructeurs. Il peut y en avoir, un peu déguisées avec des remises commerciales. Ou il peut y avoir des opérations spéciales de certains constructeurs. Car ce sont bien eux qui mènent l’action commerciale. Encore faut-il avoir des clients en face. Ce que je peux vous dire et qui est sûr, c’est que le prix des machines ne va pas baisser.

A lire : Les explications des constructeurs sur la hausse des prix des matériels agricoles.

L’ambiance business avec les fabricants peut-elle encore peser sur les prix du matériel agricole ?

A.M. Les cours des concessions sont chargées et les demandes de nos clients chutent. Il peut y avoir une pression des constructeurs à la vente, mais les distributeurs n’acceptent plus les achats à tout prix, car il n’y a plus les moyens de stocker.

Les taux d’emprunt étaient d’ailleurs assez hauts ces derniers mois. Des adhérents renoncent même à leur bonification de fin d’année 2024. Car les trésoreries deviennent trop délicates. Quitte à se priver de certaines affaires.

Mais comment pouvez-vous conseiller vos adhérents dans les négociations ?

A.M. Au niveau du Sedima, on n’interfère pas sur la relation et la négociation entre constructeur et distributeur. Notre activité est d’être sur le métier de distributeur.

Sur les prix, on ne peut que signaler, alerter les constructeurs quand il y a des préoccupations sur le terrain. Ce que nous avons fait. On a toujours interpellé les constructeurs dans ces moments-là.

Êtes-vous d’accord sur le constat d’augmentations jusqu’à plus de 30 % en fonction des matériels ? Comment peut-on en arriver là ?

A.M. Oui, les prix du matériel agricole ont bien augmenté. On constate dans les +25 % d’augmentations générales sur les deux dernières années. Il y a plusieurs raisons à cela.

On a des clients qui ont de l’appétence pour le matériel plus perfectionné alors que le même produit moins technique existe. Cela coûte bien plus cher. Il faut d’ailleurs signaler que nous vendons moins en volumes. Mais des unités plus chères.

Ensuite, il y avait du stock neuf acheté cher qu’il faut bien que nous revendions. L’acier a coûté un temps très cher aussi. Et les normes comme le freinage coûtent aux fabricants, voire aux distributeurs.

Mais le Covid est loin, le cours de l’acier a baissé, il n’y a plus de problème d’approvisionnement en électronique. Les constructeurs intègrent et prévoient le normatif en R&D sur du moyen et long terme…

A.M. Certes, et plusieurs choses ne sont plus d’actualité. Mais écoutez, quand le prix de la baguette augmente parce que le blé est très haut, on paie ensuite le pain aussi cher alors que le cours est redescendu.

Il faut voir le prix comme la somme de facteurs. C’est aux constructeurs de l’expliquer. Chez les distributeurs, les salaires et l’énergie ont augmenté. Le prix de l’informatique aussi. Il faut décarboner. Il y a des normes qui nous impactent.

Aussi, nous comprenons très bien les difficultés de nos clients à avoir de la rentabilité face aux normes qui leur sont aussi imposées. Et nous soutenons leur mouvement de contestation.

A lire : [Enquête] Les subventions font-elles grimper le prix du matériel agricole ?

C’est tout à votre honneur. Mais la distribution prend-elle bien sa part dans l’effort pour amortir l’inflation ? Après tout, le secteur est encore en forme !

A.M. Le volume moyen d’affaires baisse. On vend des machines plus grosses, plus chères. Les entreprises de distribution sont toujours rentables. Mais il n’y a que 2 % de marge à la fin ! On a rogné dessus, mais on ne pourra plus le faire en 2025.

Depuis les dernières crises, la distribution a appris à gérer son entreprise avec prudence, en bon père de famille. Les dernières belles années ont permis de faire de la trésorerie. Et de faire face aux augmentations de salaires bien supérieures à 10 %. Mais des secteurs souffrent. Les CA chez les distributeurs viti sont par exemple en chute libre ! Et il y aura encore des arrachages de vignes jusqu’en juin.

On accepte aussi des créances qui augmentent. Ça tire plus. Mais on ne pourra pas en faire trop, car on ne peut pas se mettre en difficultés sur les salaires de nos équipes.

Comment peuvent faire les Cuma et les agriculteurs face aux augmentations des prix du matériel agricole ?

A.M. Ces augmentations de prix ne sont pas un obstacle. Si nos clients vivent de leur travail, qu’ils améliorent leur rentabilité, qu’ils ont un besoin, ils achètent. Ensuite le prix, c’est le jeu de la concurrence. Quand il y a une vente, un concessionnaire n’est pas seul. Il y a une grosse diversité d’acteurs. Ce qui est très bien. C’est ce qui s’est passé ces dernières années. Et il faut noter qu’il y a eu beaucoup de reprise d’occasion.

C’est-à-dire que dans ces reprises, la distribution est intervenue indirectement dans l’amortissement des hausses. Elle a compensé l’augmentation des prix par la reprise d’occasions plus chères. Ce qui a fortement impacté les stocks. Si les prix ont augmenté d’environ 25 % en deux ans, la soulte après reprise est une augmentation de 11 %. On a absorbé la hausse, à notre détriment. Aujourd’hui, les occasions sont dans la cour du concessionnaire. Ce stock coûte très cher.

En parallèle à tout cela, il faut voir que la durée d’utilisation des matériels, notamment en grandes cultures, peut être bien allongée par les clients. Il y a beaucoup de matériel qui ne fait pas beaucoup d’heures et qui peut être bien entretenu et prolongé. C’est une option dans les situations compliquées. Ce sera plus difficile chez les éleveurs.

Comment voyez-vous l’avenir ?

A.M. Les usines ne tournent pas. Aux constructeurs de déduire ce qu’il faut faire. C’est la même chose en automobile et ce sont les voitures étrangères électriques qui arrivent. On voit sur les grands salons internationaux du mouvement chez des constructeurs étrangers à notre marché. Alors certes, on subit les constructeurs, ça nous embête. Mais il faut faire attention. Peut-être d’autres acteurs arriveront. Nous ferons avec.

De notre côté, nous devons rester vigilants sur la gestion d’entreprise. On doit maintenir nos compétences. Et on ne peut pas se permettre de faire un yo-yo d’activité constamment à cause des prix et des fluctuations de marché. Du côté de nos clients, il faut que les cours se tiennent. Car il y a un phénomène global de hausses.

Pour tous les secteurs et à tous les niveaux de la société, on observe que les revenus couvrent moins les hausses. De façon générale, il y a une grande tendance à emprunter et s’appauvrir. Malheureusement à l’image du pays et de son endettement.

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