Aujourd’hui, Patrick Auger, installé avec son frère Olivier près d’Héricourt-en-Caux (76), constate une volonté des agriculteurs du pays cauchois d’avancer sur la protection des milieux et la préservation de l’eau en système agricole. Ici, l’eau constitue un enjeu important du point de vue de la qualité. Or si au début de la précédente décennie, « peu de choses se sont passées, c’est en train de changer. Il y a de l’effervescence pour faire évoluer les pratiques », analyse-t-il. Dans une région de sols battants, sensibles à l’érosion et à l’hydromorphie, l’agriculteur dresse un constat : « Du matériel de plus en plus lourd nous sert à travailler de plus en plus vite. En même temps, nous mettons beaucoup d’énergie à travailler le sol. Or cela aggrave les problèmes que nous constatons déjà sur nos exploitations. » Des exemples de récoltes en échec à cause d’événements problématiques en lien avec l’eau en attestent et alimentent l’envie de trouver des solutions.
La bande d’herbe a démontré son efficacité
Le forum débat de Mécalive au printemps dernier, traitait ce sujet de l’eau dans l’écosystème agricole. Les intervenants, dont Patrick Auger, évoque notamment la mise en place de bandes d’herbe autour d’axes de passage préférentiel de l’eau. Objectif : éviter qu’une eau ruisselante, chargée de terre, nutriments et résidus chimiques, aille s’engouffrer directement vers les réserves souterraines. Alors que les acteurs de l’eau potable observent que la bande d’herbe en talweg amenuise la pression sur la qualité de l’eau, l’agriculteur voit qu’elle contrecarre en même temps le phénomène d’érosion.
« Ici, en hiver, la terre partait » se souvient Patrick Auger, l’index tendu vers une touffe luxuriante en contrebas de ses champs de lin et de blé. L’implantation, voilà trente ans, de cette bande avait été contrariée. « Il a même fallu la ressemer plusieurs fois. Mais une fois que l’herbe est en place, ça ne bouge plus. »
Pour autant, Patrick Auger observe que l’aménagement ne suffit pas à résoudre définitivement le problème. « La bande enherbée accumule des limons. » L’activité biologique y est aussi plus forte que dans les parcelles de culture limitrophes, régulièrement travaillées. Pour ces raisons, le niveau du sol s’élève. À moyen terme, l’eau ruisselle à côté. « Finalement, on ne fait que déplacer le problème », caricature l’agriculteur qui compte inciter la terre à rester dans ses parcelles par d’autres leviers.
« On doit trouver le meilleur système pour que le sol draine l’eau »
La pluie, comme cet été, « nous ne pouvons pas l’empêcher de tomber », philosophe le Cauchois. Reste donc à se tourner vers le contrôle d’autres paramètres, comme améliorer la capacité d’absorption de la terre, ce qui revient à bonifier sa réserve utile. L’agriculteur optimiste imagine : « J’ai compris comment résoudre l’équation, avec l’ACS. Nous en sommes à enclencher la mise en œuvre. Et même s’il y a du travail, le plus important est d’y être prêt dans sa tête. »
Considérant que l’adaptation de la rotation constitue le préalable à cette évolution technique, Patrick Auger a en effet pris le temps de la réflexion. « Il a fallu deux ans pour définir une nouvelle rotation et qui puisse rentrer dans mon assolement. » Le schéma s’étend sur douze ans et s’appliquera sur l’ensemble de la Scop d’environ 500 ha. Huit cultures annuelles différentes le composent, tandis que « pour la première fois, nous sèmerons vraiment des couverts, avec un objectif de réussite technique. »
Ce rôle plus important des intercultures se traduit par l’ambition de semer au plus près après le passage de la moissonneuse. Autre signe révélateur : la facture de semences de ces couverts qui atteint quasiment 25 000 € cette année pour l’exploitation, contre 2 000 € auparavant.
De la réflexion à la base de toutes les solutions pour la préservation de l’eau en système agricole
La matière organique, et par extension l’élevage, constitue un autre pilier essentiel de la réussite de sa transition technique. Toutefois, l’agriculteur normand compte désormais plus sur les apports de digestat que sur le fumier. Sans regret, donc, de ses choix antérieur. « Arrêter la production de lait en 2009 reste la meilleure décision que nous ayons prise. »
Si l’élevage compensait des déséquilibres dans le sol, le cultivateur considère que grâce à ce choix, « nous n’avons plus constamment le nez dans le guidon. Nous pouvons avoir des activités, nous impliquer en dehors et participer à des réunions. « Aujourd’hui, nous regardons autrement notre travail ». Cela se fait avec un recul qui enrichit les réflexions stratégiques de l’agriculteur qui se dit déjà soucieux de transmettre à la génération suivante un système de production en bon état, fertile.
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