Depuis 7 ans, l’accord CETA, s’applique. Même si 10 pays de l’UE (sur 27) ne l’ont pas encore ratifié officiellement. L’accord prévoit la diminution de 90 % des droits de douane sur certains produits et services. Ainsi que l’allègement des barrières non tarifaires. Un chapitre demeure non réglé : le règlement des différends entre des entreprises européennes et canadiennes, relatif aux « tribunaux d’arbitrage ».
Accord CETA: 90 % de droits de douane en moins
En France, l’Assemblée nationale a donné son quitus en 2019. Convaincue de son intérêt pour les entreprises européennes. Le Sénat s’est seulement prononcé le 21 mars dernier. Largement contre grâce notamment aux votes de certains parlementaires dont les groupes politiques avaient pourtant approuvé l’accord en 2019 !
Entre temps, l’opinion publique et une fraction de la représentation nationale ont été convaincus de la nécessité de limiter les émissions de gaz à effet de serre. De mieux respecter le bien-être animal et de garantir la qualité de l’alimentation, sa traçabilité et sa relocalisation. Des thèses contraires au modèle libéral jusqu’ici dominant, qui invite à ouvrir toujours plus grand, les frontières économiques. Le dogme de la libre concurrence, a un peu de plomb dans l’aile. La promesse d’une mondialisation heureuse ne fait plus rêver ! En pleine crise, le monde agricole revendique désormais des clauses miroir qui devraient s’imposer dans les accords commerciaux de nouvelles générations.
Le Canada a beau avoir le profil d’un partenaire commercial acceptable, certaines de ses pratiques agricoles sont controversées. Telle que l’incorporation de farines animales dans l’alimentation des bovins. Pour l’instant, la Canada n’a pas rempli son quota d’exportation. Seulement 2 % de son quota de viande bovine. Mais les Canadiens pourraient réinvestir le marché européen si certains de leurs débouchés commerciaux devaient se fermer. L’ampleur de l’accord reste pour l’instant modeste puisque l’augmentation du volume des échanges de biens est évaluée à seulement 9 %.
Des pro accord CETA …
La Commission européenne est partisane de poursuivre cet accord. A l’occasion du cinquième anniversaire du CETA, elle évoquait « un partenariat privilégié pour une croissance durable et des approvisionnements sécurisés ». Certaines branches industrielles comme l’automobile ou bien le secteur du tourisme ont bénéficié de cette ouverture à l’international. Le commissaire chargé du commerce, Valdis Dombrovskis, déclarait en 2022 : « Grâce au CETA, les échanges commerciaux entre l’UE et le Canada ont augmenté. Il a soutenu un nombre impressionnant de 700 000 emplois dans l’UE ».
La viticulture en tire bénéfice également selon les représentants de la profession. Les exportations de vin français vers le Canada ont augmenté de 24% depuis la mise en place du CETA en 2017, selon l’article publié sur le magazine économique la Tribune. Dans cet article, le président du syndicat des vignerons indépendants a jugé que le rejet du Sénat est une mauvaise nouvelle. L’article fait écho aussi aux difficultés éventuelles de la filière laitière exportatrice de fromages AOP. Si l’accord cesse, les tonnages concernés pourraient revenir encombrer le marché européen.
Et des anti CETA
Le bilan est beaucoup plus contrasté selon l’Institut Velben qui dresse un tableau mitigé de cet accord, dans un rapport publié en janvier 2024. « Les résultats concrets obtenus après ces 6 premières années dressent un tableau mitigé pour le commerce et clairement négatif pour l’environnement ». Des associations environnementales se réjouissent du vote contre. Ainsi, Greenpeace parle d’ un « accord à contre-courant de la crise sociale agricole qui favorise notamment l’échange de biens issus de secteurs polluants : produits de l’industrie lourde et de l’industrie chimique, engrais, combustibles fossiles ou encore automobiles ».
Dans les réactions, plusieurs représentants agricoles montent aussi au créneau contre cet accord. Ainsi, Interbev s’est fendu d’une lettre ouverte aux Ministres de l’Economie et de l’Agriculture. L’interprofession rappelle que cet accord « permet l’envoi de 65 000 tonnes de viande issue de bovins élevés dans des parcs d’engraissement rassemblant des dizaines de milliers d’animaux sans aucune considération pour leur bien-être ». Même si pour l’instant, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. L’élevage européen aurait profité de cet accord pour augmenter ses propres exportations passées en sept ans de 1 700 à 14 000 tonnes.
L’interprofession pointe notamment du doigt la menace que représente l’arrivée de viande bovine issue d’animaux nourris aux farines animales. Des animaux ayant reçu également des antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance, sans traçabilité individuelle.
Des syndicats agricoles opposés
Du côté des syndicats agricoles, la Coordination Rurale, s’oppose elle aussi à la ratification. Idem pour la Confédération Paysanne qui développe son antienne : « Les accords de libre-échange entraînent de fait une baisse des prix agricoles, tant pour les paysans du pays exportateur que du pays importateur et empêchent d’imaginer le retour à des outils de régulation des marchés, freinent aussi toute initiative de relocalisation de nos systèmes agricoles et alimentaires et fragilisent les démarches de transition agroécologique sur les fermes et les territoires ». Dans son refus, le syndicat pointe du doigt l’exemple de la lentille : « En France, une lentille sur cinq provient du Canada, premier producteur au monde. Au Canada, il est possible d’appliquer du glyphosate juste avant la récolte. Cette pratique est proscrite en France. Cette concurrence déloyale empêche l’essor des filières de légumineuses en France ».
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :