Penser la digitalisation en agriculture de manière globale

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Penser la digitalisation en agriculture de manière globale

La digitalisation globale en agriculture demande une interconnectivité des outils (©Adobe Stock).

Les chercheurs de l’EM Normandie (école de commerce basée à Caen) ont réalisé une étude sur la digitalisation du monde agricole. Ainsi, plus de 200 entreprises agricoles normandes ont répondu à un sondage mené entre mai 2019 et février 2021. Résultats.

Concernant la digitalisation en agriculture, le constat est sans appel, le fait est là : les entités agricoles sont sous-équipées en matière d’outils digitaux par rapport aux autres secteurs d’activité. Toutefois, le sondage mené par les chercheurs de l’EM Normandie (école de commerce), auprès de 200 entreprises agricoles, montre une disparité selon la nature des équipements.

S’informer pour décider

La digitalisation en agriculture rime principalement avec information. En effet, la plupart des outils utilisés quotidiennement par les agriculteurs sont ceux qui leur permettent d’accéder aux informations précises, comme les cours et marchés. Ainsi, ils peuvent prendre leurs décisions en connaissance de cause.

En revanche, les outils de communication et de stockage de données sont beaucoup moins utilisés que dans les autres secteurs d’activité. Autre constat : le taux d’équipement selon la filière. Ainsi, un producteur de grandes cultures est plus équipé qu’un éleveur. Cependant, ces derniers utilisent davantage les logiciels de suivi de troupeau via des équipements avec des capteurs. Les chercheurs insistent qu’il ne faut pas résumer ce manque de digitalisation à ce constat. Car c’est un peu plus complexe.

Mathilde Aubry, professeure en économie à l'EM Normandie

L’étude menée par Mathilde Aubry, chercheuse à l’EM Normandie, révèle que les agriculteurs rencontrent une surabondance d’outils qui ne correspondent pas toujours à leur réalité. Cela retarde la transformation numérique du secteur agricole.

Peu de liens entre les outils freinent une digitalisation globale

La principale raison évoquée par les personnes interrogées est un manque de lien entre les outils. Chaque organisation agricole développe ses outils sans jamais se préoccuper du lien entre les données de ceux déjà existants. « On a plein de données mais les groupements font la guéguerre entre eux, relate un producteur de porcs interrogé à cet effet. Ils ne transmettent plus les données à l’institut national, alors forcément, il y a des trous ! »

La digitalisation de l’activité agricole n’est donc que partielle. Les outils proposés aux agriculteurs portent avant tout une orientation technique plutôt que sur la stratégie globale de l’entreprise. Une contradiction qu’on ne retrouve pas dans les autres secteurs d’activité. Les agriculteurs ne sauraient pas où donner de la tête ? C’est un peu cela face à la kyrielle d’offres. D’autant plus qu’elles n’en comblent pas totalement leurs besoins, voire n’y correspond même pas.

Un outil de pilotage unique ?

Ces éléments ternissent la perception qu’ont les agriculteurs des outils numériques. Puisque chacun développe son outil numérique de son côté sans se soucier de l’utilisation globale au sein de l’exploitation. Il manquerait donc un outil digital global et unique pour aider l’agriculteur à piloter sa ferme d’un point de vue technique mais aussi économique. Si bien qu’un petit nombre d’agriculteurs seulement arrive à se projeter dans une digitalisation complète sereinement. Peu d’entre eux l’estiment utile et la voit comme un moyen pour gagner du temps.

Pour y parvenir, les chercheurs pensent que les développeurs de solutions doivent intégrer davantage les organisations professionnelles agricoles spécialisées dans la gestion interne et la stratégie de l’entreprise.

Modifier les investissements pour une meilleure digitalisation en agriculture

Enfin, l’EM Normandie estime que les agriculteurs sont les victimes de la mainmise des entrepreneurs du digital. « Certains agriculteurs subissent la pression de certaines start-up qui tentent d’imposer leurs solutions sur le marché », indique l’étude. Résultat, les agriculteurs se méfieraient de l’utilisation de leurs données. Mieux les intégrer dans le développement de ces solutions numériques s’avérerait être un atout.

Tout comme une collectivisation des démarches numériques qui éviterait que chaque entreprise ne duplique des solutions pour acquérir les données. Et pour finir, les chercheurs préconisent une meilleure stratégie de financement du numérique. « Les agriculteurs devraient être mieux soutenus lorsqu’ils investissent dans des solutions digitales, notamment par des subventions ciblées. » Il faudrait donc investir dans le numérique comme dans un outil de travail à part entière. Affaire à suivre.

 

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