Le campus de bioéconomie Jamk, à Saarijärvi (Finlande), a organisé son premier Agriventure Finland début juin. Il s’agit d’un forum de rencontre entre monde agricole, start-up, chercheurs et financiers. Et une bonne occasion de prendre la température de l’innovation dans le nord de l’Europe.
Manque de confiance dans le partage des données
Hannu Haapala, chercheur en bioéconomie à l’institut Jamk, se dit frustré que la digitalisation de l’agriculture n’aille pas plus vite, alors qu’elle est porteuse de durabilité. Il faut selon lui rendre la technologie plus acceptable et plus plaisante à utiliser. Aller chercher dans le détail les aspects pratiques qui freinent la valorisation des données. Le public agricole manque aussi de confiance pour partager ses données. D’où l’intérêt selon lui du projet européen Tritom, un espace d’échange sécurisé et contrôlé.
Croire aux données plus qu’à ce qu’on voit
Claus Grøn Sørensen, de l’université d’Aarhus (Danemark), voit divers avantages au «smart farming», l’agriculture de précision et des données. Guidage et optimisation des trajets : 15 à 20% d’économies de carburant et de CO2. Les risques de compaction des sols divisés au moins par deux. Irrigation de précision dans les cultures à haute valeur ajoutée : 25% d’eau en moins. Produits phytosanitaires : 40% de réduction, et même 80% avec l’injection. Mais il confirme aussi un manque d’adoption des nouvelles technologies. Elles demandent d’investir du temps et de l’argent. Et de surcroît, les agriculteurs n’en mesurent pas le rapport coût/bénéfices. Il leur faut, de plus, un gros changement de mentalité, pour ne plus croire simplement ce qu’ils voient, mais ce que disent les données.
Les assureurs intéressés
Valoriser concrètement les données, c’est une piste pour l’assureur agricole LocalTapiola. Sami Myyrä explique en effet qu’il serait possible de déployer des flottes de capteurs pour mesurer localement les conditions météo. Ainsi, tout évènement climatique causant des dégâts pourrait être jaugé par rapport à une situation «normale» préalablement définie. Cette méthode s’appelle «index insurance». C’est une assurance basée sur des indices, mais qui n’est pas encore autorisée en Finlande. Elle pourrait constituer pour les agriculteurs un mode de gestion des risques.
Des fonds publics importants
L’état finlandais a lancé un fonds d’investissement dédié au climat, le Fininish Climate Fund. Doté de plus d’un milliard d’euros, il n’a pour l’instant que 34 projets sur les 300 en vue qui soient liés à l’agriculture et à l’usage des sols. Pourtant, les enjeux sont nombreux, comme l’indique Jari Matero. Il va par exemple falloir produire 50 à 70% de nourriture en plus d’ici à 2050, avec de plus en plus d’urbains à la recherche de plats élaborés ou de produits locaux.
Une bonne marge de progression
Le secteur agroalimentaire n’investit que 2% de son chiffre d’affaires dans la recherche, quand la pharmacie ou les technologies pointent à 16%, s’étonne Lauri Reuter, du fonds Nordic Foodtech. Et encore, c’est la livraison de repas à domicile bien plus que la production d’aliments elle-même qui en bénéficie. Son entreprise finance aujourd’hui des start-up travaillant sur les levures et bactéries pour produire des aliments, ou sur l’imagerie par satellite. Peter Vesterbacka, président de Finest Future, observe que les trois voisins, Estonie, Finlande et Suède, financent beaucoup plus de jeunes entreprises que le reste de l’Europe, au regard de leur population.
Trois start-up française en compétition
Trois entreprises françaises ont participé au concours de pitch lors d’Agriventure Finland : FarmLEAP (optimisation de l’accompagnement des agriculteurs), Gaïago (revitalisation des sols et des agrosystèmes) et OKP4 (valorisation des données). On notait aussi la présence d’une entreprise finlandaise bien connue en France pour ses sondes de surveillance de température des fourrages et du compost : Quanturi. C’est la société finlandaise Soil Scout qui a remporté la confrontation, avec ses sondes connectées pour une surveillance du sol en continu. Mais Gaïago a reçu une des trois mentions «honorables», pour la capacité de ses produits à améliorer la qualité des sols et leur faculté à stocker du carbone.
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