L’agriculture est la plus ancienne politique européenne. Et c’est la seule politique véritablement intégrée. Mais elle est «à bout de souffle» pour reprendre la formulation de l’auteur. Pourquoi?
PAC «à bout de souffle»!
Les agriculteurs peinent à en comprendre le sens d’après Jean-Marie Séronie, à cause de normes administratives et de contraintes devenues excessivement complexes qui ne les protègent pas pour autant des variations de prix… Dans le même temps, elle est illisible par les consommateurs. Ceux-ci sont souvent critiques d’ailleurs vis-à-vis d’une agriculture dont l’impact est jugé négatif pour l’environnement.
Calendrier retardé?
Les soutiens publics qui transitent par le budget européen, sont pour une majorité d’exploitations, essentiels. L’inquiétude est donc grandissante dans le monde agricole vis-à-vis de la nouvelle PAC. Schématiquement, deux questions centrales émergent :
- l’enveloppe d’aides pour l’agriculture française sera-t-elle maintenue?
- quelles en seront les conditions d’octroi?
Il y a forcément une impatience à connaître le profil de la PAC 2020-2027. Cependant pour Jean-Marie Séronie, la mise en oeuvre de la réforme interviendra probablement plus tard compte-tenu des élections européennes de 2019. La vraie réforme ne pourrait être opérationnelle qu’en 2024…
Moins pour la PAC, plus pour la sécurité…
D’autres priorités géopolitiques s’imposent dans le calendrier européen tels que le Brexit et la protection aux frontières. Ce dernier sujet fait écho aux courants migratoires qui déstabilisent certains pays membres secoués par les questions identitaires. Dans ce contexte, les responsables européens pourraient réorienter l’effort budgétaire en faveur de la sécurité et de la défense selon Jean-Marie Séronie. Au grand satisfecit de la France qui est la seule aujourd’hui à investir autant dans ses armées. De ce point de vue, la proposition de la Commission présentée en juin 2018, de réduire le budget PAC, sur la période 2021-2027, de 5% en euros courants (15% en euros constants!) apparaît cohérente avec cette évolution des priorités.
Environnement/agriculture, exploitations de subsistance/professionnelles
Compartimenter la PAC est l’une des pistes avancées par l’auteur. Il évoque la possibilité de distinguer clairement désormais «politique agricole» et politique environnementale» de manière à gagner en efficacité et en lisibilité. Cela conduirait à remettre en cause les soutiens financiers à l’agriculture liés directement au respect de normes environnementales.
Autre hypothèse: traiter dans un registre différent les exploitations orientées vers «l’agriculture de subsistance» (la moitié des exploitations agricoles en Europe ont moins de 5 ha) et les exploitations «professionnelles». Cette hétérogénéité a pour effet de compliquer les débats agricoles. Concrètement, les premières bénéficieraient de soutiens forfaitaires.
Soutiens de base aux actifs
Pour les secondes, l’alternative présentée par l’agroéconomiste serait de gérer les soutiens économiques aux exploitations, en trois étages:
- un soutien de base universel assis sur le nombre d’actifs. Combien? «De l’ordre de la moitié de ce qui est actuellement affecté aux aides directes du 1er pilier.»
- un deuxième volet consacré à la modernisation et à la transition agro-écologique des exploitations agricoles;
- un troisième axe ciblé sur la gestion des risques via des mécanismes fiscaux nationaux et une mutualisation européenne pour les risques sanitaires ainsi qu’un système européen de stabilisation des revenus.
A noter : l’auteur ne retient pas l’idée d’une politique d’aides contra-cycliques (appliquée aux Etats-Unis), basée sur l’attribution de primes versées lorsque les cours des produits agricoles tombent en-dessous d’un prix objectif. Cette démarche est jugée contraire à l’évolution actuelle qui incite les agriculteurs à prendre leur décision en fonction des prix de marché et non des aides publiques. Une telle politique reviendrait quasiment à «rétablir des prix garantis comme dans l’ancienne PAC», analyse Jean-Marie Séronie.
Le spectre d’une renationalisation?
Sans trancher définitivement sur l’orientation de la future PAC, l’auteur s’inquiète d’une politique agricole qui perdrait peu à peu sa dimension communautaire. Les marges de subsidiarité à la portée des Etats membres contribuant «à complexifier la PAC et à générer des distorsions de concurrence». A propos des Etats généraux de l’alimentation spécifiques en France, il regrette justement une approche qui ne concerne que le marché intérieur: «C’est une de ses principales limites dans un marché ouvert.»
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(*) PAC et mondialisation, Une politique européenne encore commune ? Par Jean-Marie Séronie
176 pages, Editions Quae, 2018- 16, 50 €
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