La cuma des Jonquilles, la fine fleur du collectif

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La cuma des Jonquilles, la fine fleur du collectif

Les adhérents de la cuma des Jonquilles s'appuient sur le collectif pour faire avancer leurs projets d'exploitation.

La cuma des Jonquilles rassemble une dizaine d’éleveurs du Morvan. Celle-ci, qui saisit les opportunités, permet aussi de dynamiser le territoire et de rompre avec l’isolement de ses habitants. Reportage.

Il y a des moments dans un groupe où tout bascule. Pour les membres de la cuma des Jonquilles, c’est en 2017, l’année où le premier salarié a pris les rênes du matériel. La dizaine d’adhérents s’accorde sur ce point : « Depuis, on a vraiment une autre dynamique. Nos rapports entre adhérents se sont détendus. » Thomas Lemée et son père, Gilles, président de la cuma, le concèdent : « Dans la cuma, le plus difficile, ce sont rapports humains. Partager du matériel apporte beaucoup d’avantages, notamment économiques, mais cela peut aussi créer de la jalousie, des désaccords. » Retour sur l’organisation du travail en cuma.

Matériel optimisé

Avec l’embauche d’un salarié, puis d’un second en 2023, l’organisation du travail de la cuma a été chamboulée. « D’abord, on se rencontre davantage, explique Gilles Lemée. Toutes les semaines, le lundi matin, pour tenter de s’organiser et de déléguer notre travail aux salariés. Et avec les deux salariés, on sait que le matériel est suivi. »

Car dans leurs missions, ces derniers ont pour objectif d’entretenir le matériel, mais aussi de le conduire. « L’entretien et le lavage des matériels sont réalisés, quel que soit l’adhérent, souligne Thomas Lemée. Mais il est également optimisé. » Fini l’outil qui reste quelques heures chez l’adhérent en attendant le prochain utilisateur. Grâce aux deux salariés, il n’y a plus de temps mort dans les chantiers, le matériel est utilisé et « ça aide dans l’ambiance du groupe », témoigne l’agriculteur.

D’autant que les éleveurs qui composent la cuma des Jonquilles sont aussi très occupés. David Boussard, adhérent, en est bien conscient : « La cuma propose beaucoup de chantiers complets. Grâce à cette organisation, je peux me concentrer sur mon élevage ou gérer les tâches quotidiennes. Avec la cuma, on sait que le travail est fait, et ce, sans être interrompu par les réunions ou obligations de chef d’exploitation. »

Dans cette région vallonnée et boisée du Morvan, la taille des exploitations a quasiment doublé depuis dix ans, sans apporter davantage d’agriculteurs. Si bien, que le groupe songe même à embaucher une troisième personne. Les besoins se font sentir… « La pompe s’amorce », confirme le président, ravi.

Organisation du travail en cuma : saisir les opportunités

Car à la cuma des Jonquilles, rien n’est écrit. On pourrait même penser que la cuma se laisse porter. Leur secret peut-être… Mais une chose est sûre, elle saisit les opportunités et s’adapte à son environnement. « En 2017, on n’avait pas forcément besoin d’un salarié, mais nous avons rencontré l’un d’eux. Il faisait très bien l’affaire, alors on s’est regroupé pour l’embaucher. » Et c’est ainsi à chaque étape et pour chaque projet. Que ce soit pour le bâtiment qu’ils vont renouveler ou le matériel, le groupe se nourrit des rencontres et de l’impulsion extérieure.

À l’image de leur GIEE (groupement d’intérêts économique et écologique) créé il y a deux ans. Ces dix éleveurs avaient à l’époque pour objectif de mieux valoriser la viande qu’ils produisaient, mais également d’améliorer la qualité de leurs fourrages. « On s’est réunis et on a mis en commun nos idées, se souvient David Boussard. En se regroupant sous forme de GIEE, nous avons eu accès à des interventions extérieures qui nous ont aiguillés, mais aussi à un accompagnement. On s’est donc concentrés sur deux projets. » L’un portait sur l’adoption de la technique du séchage de fourrage en grange et l’autre sur la transformation et commercialisation de leurs productions.

Avec le collectif, on va plus vite

Mais depuis, le vent a tourné, la conjoncture étant pour le moment plus favorable aux éleveurs. « On se heurte à la rentabilité de notre projet, déclare Benoît Boudier un peu déçu. Le séchage en grange est bien plus onéreux que de l’enrubannage. Tout comme la transformation. Nos produits seraient beaucoup trop chers. »

Pour le moment, les éleveurs l’ont mis de côté, « mais on en reparle parfois ! » Comme un sujet qui rassemble et laisse remonter de bons souvenirs. Toutefois, l’éleveur l’assure, « avec le collectif, on va plus vite, notre projet est plus abouti. On va plus loin ensemble ».

Pourtant, pour ces éleveurs, le collectif, ce n’était pas inné. « Je ne pense pas que c’est le collectif qui nous anime lorsqu’on arrive dans la cuma », annonce plutôt sceptique Benoit Boudier, adhérent et responsable des salariés. Mais si on gratte un peu le vernis, chacun y trouve un esprit d’équipe. Le terme était peut-être mal choisi ?

Organisation du travail en cuma : rôle social

« En cuma, il y a des gens autour de nous. C’est important lorsqu’on vit dans une région isolée. On n’a pas envie de se retrouver seul dans son exploitation, on a besoin de voir d’autres agriculteurs », reconnaît l’un. « Et il faut dire, ça rassure. Si l’un d’entre nous a un pépin, on sait qu’on peut s’appuyer sur un collègue », ajoute un autre. « C’est même un bienfait psychologique, enchérit un autre. Ce n’est pas anodin. Lorsqu’on se voit chaque lundi, c’est l’occasion de se livrer. On a tous les mêmes soucis. Et avec un peu de chance, on arrive à se suggérer des idées, voire trouver des solutions. Mais aussi se comparer pour évaluer nos techniques de travail. » Ici, à Saint-Agnan, le rôle social de la cuma joue pleinement son rôle.

Outre la bonne entente qui règne entre les adhérents présents le jour du reportage, il est difficile de savoir ce qui assure le succès de cette cuma. « On n’a pas de recette miracle, signale humblement le président. Ça fonctionne dans notre groupe, mais ça ne serait peut-être pas le cas dans un autre. » Justement, il est peut-être bien là le secret : leur capacité à s’adapter, à avoir des objectifs communs, à aller de l’avant. « On a des locomotives pour avancer, annonce Benoit Boudier en désignant timidement le président et son fils. Et ce, quelles que soient les contrariétés et les freins qu’on peut leur imposer. » L’art de trouver le juste milieu entre l’adaptation et l’impulsion est ce qui permet également à la cuma de se maintenir au fil des ans.

La cuma des Jonquilles s’est bâtie sur le partage d’un tracteur, mais depuis presque trente ans, elle propose bien d’autres outils :

  • Télescopique ;
  • Matériel de fenaison ;
  • Matériel de transport ;
  • Matériel de travail du sol ;
  • Matériel d’épandage ;
  • Autres petits outils d’entretien des exploitations.

Une nouvelle dynamique avec le nouveau bâtiment agricole

La construction du bâtiment dans la cuma avait fait émerger une nouvelle dynamique. Mais étant devenu obsolète, le groupe veut se lancer dans la construction d’un nouveau bâtiment équipé de panneaux photovoltaïques. Il sera aussi mieux dimensionné à la cuma et plus performant. « On a trouvé le terrain, nous sommes tous partants pour ce projet, explique Gilles Lemée, président de la cuma des Jonquilles. Nous avons toutes les briques, il n’y a plus qu’à les assembler et à se lancer dans les démarches administratives. »
« On était rassemblés autour d’une table pour choisir le nom de notre cuma, se souvient Gilles Lemée. Pour trouver l’inspiration, un adhérent nous a servi un Ricard. Lorsque sa compagne nous a rejoints, elle nous a avoué que l’eau avec laquelle nous avions dilué notre boisson était celle destinée aux jonquilles. Le nom était tout trouvé. »Pour plus d’informations, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :
Sélectionner deux matériels de la même famille pour les comparer