Les agriculteurs ne sont plus obligés de « se planter » pendant 3 ans avant d’obtenir des résultats en semis sous couvert. C’est le premier enseignement que l’on tire de l’expérience de Pascal Guichemerre et Jean-Marc Gourdon. On peut réussir rapidement, à condition « de ne pas attendre que l’information arrive toute cuite », résume Pascal Guichemerre, pour qui « celui qui démarre tout seul perdra 3 ans d’office ».
Lui s’est renseigné en premier lieu via les réseaux sociaux et des agriculteurs pionniers. « Ils le faisaient depuis des années et j’ai appris de leurs erreurs. Il y a 10 ou 15 ans, il n’y avait pas tout le soutien technique qu’il y a actuellement au niveau économique, ni tout ce choix de matériels. C’est beaucoup plus facile… sous réserve de vraiment s’y intéresser. » Il suit aujourd’hui une formation régulière avec l’agronome Konrad Schreiber et a intégré son exploitation au réseau Agr’Eau.
Jean-Marc Gourdon, rapidement après son installation, a braqué ses jumelles vers le Gers. « Nous étions trois sur la commune à regarder ce que faisaient quelques agriculteurs et l’entreprise Tintanet, qui faisait les dents Michel. Elle avait un salarié canadien et une machine qui faisait tout en même temps, décompactage sur 25 cm et préparation du lit de semences. C’était un risque mais au final nous n’avons pas eu de baisses de rendement. Ces baisses, ce sont mes erreurs qui les ont entraînées, mais pas la technique en elle-même. » Aujourd’hui, il s’informe essentiellement via des vidéos sur internet. Son objectif ? Semer directement dans le couvert.
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De la contrainte à l’arme fatale
Pascal Guichemerre et Jean-Marc Gourdon se rejoignent sur un point : la culture la plus cruciale ? Les couverts. « On ne peut pas le faire à la va-vite, c’est réellement une culture. Il faut implanter la bonne graine à la bonne période, à la bonne profondeur », résume Jean-Marc Gourdon. « Rater l’implantation du couvert, c’est planter le reste », confirme Pascal Guichemerre. « Mais étant en zone vulnérable, nous en faisons depuis longtemps de par la réglementation », rappelle-t-il. Une phase d’apprivoisement, qui leur permet aujourd’hui, avec des connaissances supplémentaires, de concevoir leurs couverts « sur mesure » pour les surfaces en SCV.
Jean-Marc Gourdon implante surtout de la féverole, de la phacélie. « J’ai fait des essais avec de la navette, du trèfle, de la vesce. Bien sûr, c’est le prix qui fait le revenu mais mon but est de diminuer les intrants, au-delà de la question de la main-d’œuvre et du travail. J’y parviens, mais pas systématiquement. » Constat plus net chez Pascal Guichemerre qui travaille sur une base de féverole, avoine, vesce et triticale, sauf pour le tournesol. Ce dernier n’a pas de besoin important en azote, il lui associe un couvert plutôt à base de graminées.
Qualité, quantité, fertilisation, double couvert parfois : l’éleveur ne lésine pas. Mais il analyse aussi ses charges. Et s’y retrouve : en intégrant ces dépenses supplémentaires, il gagne 45 €/ha par rapport à son itinéraire en TCS. Des économies dues à des passages de machines bien moins fréquents et un usage très restreint des phytos. « En TCS, j’utilise du glyphosate mais en SCV, la plupart du temps, je le supprime totalement. Je ne le remplace pas par une autre molécule. »
2018, annus horribilis ?
Avec une fin d’automne très sèche, de fortes précipitations ensuite rendant impossible la fertilisation des couverts, la campagne 2017-2018 a fait figure d’exception. Les couverts, habituellement si développés qu’ils étouffent les adventices, ont peiné, voire ont raté. « En 4 ans, c’est la première fois que j’ai dû intervenir ‘en pompier’ au glyphosate pour maîtriser quelques plaques de chiendent. Au total, j’ai traité 10 ha sur 30 en SCV », relate Pascal Guichemerre. Année compliquée aussi sur l’exploitation de Jean-Marc Gourdon : « J’aurais dû décompacter à certains endroits avant d’implanter le couvert. J’ai compté sur lui pour ‘faire le job’ et ça n’a pas fonctionné. Mais en général, tout ce que j’ai entrepris dans ce domaine a bien marché ! »
Mauvaise année pour se lancer ? Pas forcément, si l’on se réfère au témoignage de Philippe Gaulin, le président de la cuma de Castandet. Il a implanté, avant son maïs, un couvert de trèfle, vesce et navette. Détruits sans problème avec le nouveau rouleau Dal.bo de la cuma. Il a traité, en rattrapage, 10 ha au glyphosate au lieu de 60 habituellement, et à demi-dose. « Je n’ai pas constaté d’érosion, malgré de fortes précipitations. J’ai aussi trouvé les sols incroyablement portants, souples et faciles à travailler, même sur des terres habituellement dures. » Pour une courte campagne, ce n’est déjà pas mal.
Arrivant à la barre « fatidique » des 5 ans, le temps estimé habituellement pour revenir à un fonctionnement optimal des sols, Pascal Guichemerre anticipe une baisse supplémentaire de ses charges : « Ceux qui ont du recul évoquent des économies de 30 % en termes d’irrigation », mais aussi un sol « auto fertile » .
Arrêter de juger et de planifier
« Au départ, je me suis gratté la tête quand j’ai vu mes parcelles. C’est l’obstacle le plus difficile à surmonter : l’esthétique. Il faut désapprendre tout ce qu’on a appris à l’école, un lit de semence fin pour déposer la graine, éliminer les ravageurs, organiser son travail… », précise Pascal Guichemerre.
Des obstacles beaucoup plus liés à la norme et à l’organisation des tâches sur l’exploitation qu’à des barrières techniques. « C’est l’état du couvert qui décide des étapes suivantes : destruction et implantation du maïs. Hors de question de se dire : ‘cette semaine je termine mes semis’. » Même approche chez Jean-Marc Gourdon. « On ne peut pas dire : ‘je vais faire ça demain’. Ces techniques demandent une réactivité permanente et empêchent de planifier une grande partie des opérations culturales. »
Incompatible avec le partage du matériel ? Oui et non. Tous deux travaillent par exemple avec le semoir de SD de couverts Gaspardo de la cuma de Castandet. Mais attendent avec impatience que le projet commun de semoir direct pour le maïs aboutisse. Jusqu’à présent, ils travaillent en intercuma avec le Sola de la cuma de Garlin. Ce qui complique le calendrier des interventions.
Qui sont-ils ?
Pascal Guichemerre : « Depuis 2005, sur nos 90 ha nous sommes sur trois cultures : maïs consommation, avec 10 hectares de waxy, tournesol, triticale. La moitié du maïs conso est consommé en poulet label ‘Liberté’, sur l’exploitation. Comme la répartition des cultures n’est pas la même, il y a des parcelles sur lesquelles on se retrouve en monoculture. Je travaille en SDC sur 30 ha, soit un tiers de ma sole, et je garde 30 ares pour expérimenter. Je teste cette technique depuis 4 ans, après les TCS. J’ai diversifié avec des cultures sèches pour pouvoir réserver l’irrigation au maïs. J’ai choisi le tournesol car cela me permet de ne pas modifier le parc matériel que j’utilise. Quant au triticale, je le fais pour la paille, pour les poulets. »
Jean-Marc Gourdon : « Je travaille seul depuis 1990 sur une centaine d’hectares avec un élevage de cailles. J’ai labouré un ou deux ans avant de me tourner vers le travail simplifié pour des raisons de manque de main-d’œuvre. Aujourd’hui, je travaille en TCS, sur 8 à 10 cm de profondeur, pour les cultures d’hiver (blé et colza en sec) et en semis direct sous couverts depuis 3 ans pour les cultures de printemps, maïs conso irrigué et soja irrigué. J’organise les rotations en fonction de la météo, des cours, de ma disponibilité. »
Couverts, mode d’emploi
Objectif : maximiser la biomasse pour étouffer complètement les adventices et produire le plus de matière organique possible.
- Bien connaître ses parcelles et ses sols
- Un mélange de couvert adapté aux besoins de la culture qui suit et plutôt « fait-maison »
- Des semences de qualité
- Ne pas lésiner sur les quantités (Pascal Guichemerre préconise 180 kg/ha, toutes espèces confondues)
- Implanter tout de suite après la récolte
- Fertiliser le couvert
Et ensuite ?
- Un maïs très vigoureux au départ
- Semé à 40 cm (densité : 90 000 pieds/ha)
- Fertiliser normalement et poursuivre pendant les 5 premières années
- Ne pas changer de rotation pendant 5 ans.
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