La filière transforme une contrainte en atelier de production complémentaire
Agriculteur à Saint-Hilaire-du-Maine, l’homme le rappelle avec conviction : « La structuration de la filière a été engagée par un collectif d’acteurs locaux mobilisés à l’origine contre un projet d’enfouissement de déchets nucléaires. Mais notre raison d’être, c’est avant tout la préservation des haies et du bocage ».
Pour cela, Mayenne bois énergie s’efforce de transformer la contrainte de l’entretien des haies en un atelier de production supplémentaire sur l’exploitation. La Scic achète chaque tonne de bois déchiqueté livrée sur plateforme à 60 €. Sachant que le coût de revient est estimé entre 30 et 40 €/t en fonction de la nature de la haie et du déroulement du chantier. « Sur mon exploitation par exemple, je produis 60 t de bois me rapportant 1 000 à 1 500 € nets par an pour deux journées de travail », calcule Emmanuel Lelièvre. Mayenne bois énergie incite aussi les éleveurs à valoriser le bois déchiqueté sous forme de litière : « à 40 €/t, l’économie est énorme en substitution de paille vendue à 100 € », souligne le président de la Scic.
Une cuma qui investit
La filière mayennaise de bois bocage a, en effet, pu prendre de l’ampleur. Notamment grâce au développement en parallèle de la cuma Cepvil (cuma d’étude, de promotion et de valorisation des initiatives locales) membre de la Scic Mayenne bois énergie. Elle a été créée en 1995 dans le but de mettre en place des projets innovants à l’échelle du département. La cuma Cepvil a constamment fait évoluer ses prestations pour répondre aux besoins des agriculteurs. « Nous avons d’abord acquis une puis deux déchiqueteuses manuelles pour fournir les premières chaudières individuelles et collectives, raconte Philippe Gruau. Président de la cuma de 2011 à 2023, il est aujourd’hui salarié sur la mission haie et bocage. En 2006, l’arrivée de la première déchiqueteuse à grappin a été une révolution pour gagner en débit de chantier. »
Deux déchiqueteuses pour la cuma
Au fur et à mesure de l’arrivée de nouveaux marchés pour la Scic, des chaudières plus grandes exigent de plus grosses plaquettes de bois. À partir de 2015, la cuma investit dans deux déchiqueteuses modèle 78. Une pour le nord, l’autre pour le sud du département. « Désormais, nous aurons bientôt deux ensembles composés d’un tracteur avec déchiqueteuse modèle 83, déclare Philippe Gruau. Nous avons aussi quatre salariés pour assurer les prestations. Nous lançons aussi un nouveau service d’abattage à la demande des agriculteurs. » La cuma réalise 500 000 € de chiffre d’affaires auprès de plus de 600 adhérents, dont 75 % avec l’activité déchiquetage (environ 400 adhérents). Mayenne bois énergie achète 25 % du bois issu de ces chantiers. 15 % servent en litière et le reste est consommé dans des chaudières individuelles.
Le Label Haies pour la moitié du bois vendu
Mayenne bois énergie achète donc le bois déchiqueté auprès de 130 agriculteurs et développe une nouvelle activité d’accompagnement dans la gestion des haies. De 2016 à 2019, elle a en effet participé avec deux autres Scic de l’Orne et des Côtes-d’Armor à la création du Label Haies auprès de l’Afac-Agroforesteries1. « La valorisation durable des haies est notre volonté, rappelle Emmanuel Lelièvre. Nous les avons entretenues le mieux possible, mais en réalité nous avons perdu ce savoir-faire. Grâce aux travaux réalisés dans le cadre du Label Haies, nous avons pu nous former et monter en compétences. »
Lancé en 2019 au ministère de la Transition écologique et solidaire, le Label Haies définit une méthode de gestion durable des haies. Depuis, la Scic Mayenne bois énergie, organisation référente en Pays de la Loire, forme petit à petit les agriculteurs fournisseurs. Mais également les chauffeurs de la cuma Cepvil. « Aujourd’hui, la moitié des producteurs et du bois que nous commercialisons sont labellisés. Cela nous ouvre de nouveaux marchés, annonce Emmanuel Lelièvre. C’est un apprentissage et un travail de longue haleine. Il faut des années avant qu’une haie puisse à nouveau rendre l’ensemble des services écosystémiques relatifs au stockage de carbone, à la gestion des flux d’eau, à la biodiversité. »
Une nécessité absolue
Pour mener cette activité d’accompagnement dans la gestion des haies ; auprès des agriculteurs mais aussi de tous les acteurs du territoire en lien avec le bocage, Mayenne bois énergie compte quatre chargés de mission. Elle prévoit encore de recruter. Dans le prolongement de la création en 2022 d’une assemblée du bocage composée d’une soixantaine d’acteurs techniques et politiques, le Département de la Mayenne s’est engagé en signant en juillet 2023 une convention visant à financer des actions auprès de Mayenne bois énergie, la fédération départementale des cuma et le Civam AD 53. « Depuis quelques années, les planètes s’alignent. On sent un engouement, des appels à projets sont lancés, conclut Emmanuel Lelièvre. Et c’est une nécessité absolue ! Je suis très optimiste pour enrayer la dégradation des haies. »
(1) Association reconnue d’utilité publique et Organisme national à vocation agricole et rurale (Onvar) par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
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