La récolte de maïs ensilage 2023 donne aux éleveurs un franc sourire énergique. Ce d’autant plus qu’elle parachève une année fourragère bénéfique. Normalement, « les silos sont pleins », résume ainsi Hugues Chauveau, ingénieur fourrages chez Arvalis. Et côté maïs, les épis, eux aussi, avaient fait le plein. L’ingénieur prolonge : « Les deux tiers des ensilages ont une valeur supérieure à 0,9 UFL/kg MS. À 0,95 UFL/kg MS, la moyenne nationale de la valeur énergétique est aussi bien supérieure à celle de 2022. »
Le rendement 2023 moyen du maïs fourrager surpasse de 18 % sa référence
Si la culture est donc une réussite, tout n’a pas non plus été parfait. Dans son bilan du 23 novembre, Arvalis nuance tout d’abord avec le sujet du stade de récolte. Les éleveurs et leurs partenaires doivent progresser sur la maîtrise des dates. « Au-delà de 35 % de matière sèche, on considère que le maïs ensilage est en sur-maturité. »
Or plus d’un chantier sur deux en 2023 se solde par un taux supérieur à ce seuil. « Et un tiers est même au-delà des 38 % », détaille Hugues Chauveau. Les services d’Arvalis insistent donc sur l’importance des visites de parcelles et l’intérêt du dispositif de prévision des débuts de chantiers, renouvelé ces dernières années.
+ 6 points d’amidon en moyenne dans les maïs ensilage 2023 par rapport à 2022
L’amidon pèse pour beaucoup dans la richesse énergétique théorique du maïs 2023. Sur ce critère en particulier, « c’est un peu le grand écart avec 2022 », souligne l’ingénieur fourrages, qui ponctue : « La teneur moyenne en amidon est quasiment à 34 %. Quatre maïs sur dix ont une teneur supérieure à 35 %… C’est du jamais vu sur les huit dernières années. »
La pléthore de grains, parfois sur des plantes dont le gabarit est resté limité en raison d’une fin de printemps sèche, est une des principales causes de cette bonne nouvelle. « Les conditions hydriques très favorables de la floraison au remplissage ont donné des gros épis remplis. » De plus, les appareils végétatifs se sont globalement maintenus verts et fonctionnels jusqu’à l’ensilage. En plus de ce fait qui a pu désorienter les éleveurs et techniciens dans leurs repères habituels, « il y a eu deux petites périodes de canicule sur fin août et début septembre », rappelle Anne-Sophie Colart. L’ingénieure en charge du maïs fourrage au sein d’Arvalis précise : « Les maïs pouvaient alors gagner un point de matière sèche par jour. » Son collègue conclut : « Ce sont vraiment tous les territoires qui sont concernés par la sur-maturité. »
Maïs ensilage 2023 : 12,6 t MS/ha
Un autre élément d’analyse, et pas des moindres, est commun à l’ensemble des régions françaises. Partout, le rendement moyen du maïs fourrager est dans le vert par rapport à la moyenne pluriannuelle 2018-2022. À 12,6 t MS/ha, l’estimation du rendement national 2023 surclasse de + 18 % sa référence. De l’Auvergne (+ 31 %) à la Lorraine (+ 34 %), en passant par le Centre… dans plusieurs régions, cet écart entre le rendement 2023 et la moyenne quinquennale dépasse même 30 %.
Le printemps a poussé aux semis tardifs
Pourtant, Anne-Sophie Colart se souvient des inquiétudes printanières. Lorsque le début de saison frais et humide avait retardé l’apparition des conditions favorables. Ainsi, « fin avril, les semis n’avaient pas trop avancé ». Une chance finalement, dans la mesure où les conditions se sont ensuite avérées « idéales à partir du 5 au 10 mai ». Dès lors, les cultures ont profité de levées rapides. Elles ont de cette manière relativement bien évité, par exemple, la prédation des corvidés et autres ravages de géomyzes, contrairement aux quelques implantations réalisées en Bretagne dès avril.
Le cycle de culture 2023 a récompensé la patience des éleveurs
« Pendant plusieurs semaines les interventions, notamment de désherbage, ont été difficiles », poursuit Anne-Sophie Colart. Après cette période sèche et venteuse, les températures élevées en juin ont permis de rattraper le décalage de dates de semis. La récolte nationale s’est finalement étalée de mi-août à fin octobre. L’ingénieure souligne enfin un point qui mérite particulièrement l’attention des éleveurs : la présence croissante du datura dans les champs de maïs ensilage. En dépit de ses capacités de nuisance et de reproduction, la plante toxique « n’est pas toujours bien identifiée par les éleveurs », note-t-elle.
Alertes sur les risques de toxicité
En outre, les experts mettent en avant le sujet de la conservation, particulièrement sensible lorsque le taux de matière sèche est élevé. Leur bilan détaille : « Les appareils végétatifs verts à la récolte ont généralement permis de tasser convenablement. Néanmoins, la porosité des silos de maïs récoltés secs reste nécessairement élevée. À titre d’exemple pour le maïs moyen 2023, il faudrait dépasser une densité supérieure à 250 kg MS/m3 pour limiter la porosité du silo à 40 %. »
Lors de la reprise du fourrage, attention donc au risque d’échauffement, sur le front d’attaque et à l’auge, selon la vitesse d’avancement dans le silo. Sans parler des risques de toxicité, ce phénomène est à l’origine de pertes. « L’ajout ponctuel d’acide propionique au front d’attaque ou d’additif anti-échauffement dans la ration peuvent s’avérer utiles dans les situations les plus critiques », précise Hugues Chauveau.
Ces maïs, récoltés secs et riches en amidon, « vont se bonifier avec la durée de conservation. » Ainsi le zootechnicien conseille, dans la mesure du possible, de respecter un délai d’ouverture des silos de 60 à 90 j, sans quoi la valorisation de l’amidon n’est pas toujours optimale. Autre levier pour aider sa digestibilité : « Les associer à des fourrages prairiaux. »
Quelques sécurités d’usage du maïs fourrager
Avec leur profil qui tranche par rapport à la récolte 2022, les maïs fourragers 2023 devraient se montrer bien plus lactogènes. Vivement la transition, qu’Hugues Chauveau conseille enfin progressive sur deux à trois semaines. « L’idéal est d’introduire le nouveau maïs en le mélangeant avec le précédent », insiste-t-il. Autrement l’éleveur peut sécuriser la phase du changement en ajoutant du bicarbonate dans la ration : « 250 ou 300 g/j et par vache laitière. » Ces précautions prises, les troupeaux n’auront plus qu’à concrétiser le potentiel de ces silos bien rechargés.
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