Sans glyphosate, l’agriculture, particulièrement en Bretagne, ne saura pas faire. Une telle hypothèse la priverait en effet d’un outil avec lequel elle développe des réponses à de multiples enjeux. Biodiversité et fertilité des sols, stockage du carbone, consommation d’énergie, réduction des usages de désherbants ou encore évitement du phénomène d’érosion. Le 25 octobre, sur sa station expérimentale de Bignan (56), la chambre d’agriculture de Bretagne propose à la presse un décryptage. La présentation liste ainsi des domaines où l’agriculture de conservation des sols (ACS) induit des impacts positifs. Or selon les travaux scientifiques que la ferme expérimentale réalise, sans glyphosate pas d’ACS.
Conventionnelle, ACS et AB : évaluations plurielles
Les organisateurs de la rencontre commentent la visite d’une parcelle consacrée depuis 2000 aux essais sur le travail du sol. La conduite de la rotation maïs-blé-colza-blé s’y fait en trois modalités : labour, travail superficiel et semis direct. Sur ces deux dernières bandes, le glyphosate intervient « trois années sur quatre », précise le responsable de la station expérimentale. Yvon Lambert pose des chiffres qui valident les intérêts du semis direct. Plus de vers de terre, quasiment pas d’érosion, des rendements relativement comparables…
Gérer la flore vivace en semis direct
Après la récolte de l’orge de printemps en juillet dernier, un couvert relais (phacélie, sarrasin, tournesol, avec des repousses d’orge) s’est développé, en attendant le semis de seigle fourrager réalisé le 10 octobre. « On voit que le seigle est en train de lever », montre le responsable du site. Il précise : « Ici, nous venons donc de semer un couvert hivernal. Mais cela aurait très bien pu être une culture de céréale. » Dans une moitié de la bande où le couvert a été stoppé par une application de glyphosate, la place est suffisamment nette pour envisager un bon démarrage de la culture. De l’autre côté, où le traitement n’a pas été appliqué, le constat est inverse. Les plantules devront se frayer un chemin au milieu d’agrostis stolonifère (graminée vivace) ou de vivaces dicotylédones, entre autres.
Mise en application des techniques en situation réelle
« Nos stations sont des outils de la recherche appliquée. Elles testent des techniques qui permettront de répondre aux problématiques et aux grands enjeux pour demain », explique Olivier Manceau en qualité de directeur production et innovation de la chambre régionale d’agriculture. Il précise que l’évaluation des techniques s’inscrit dans un contexte « réaliste pour les agriculteurs ». Yvon Lambert complète : « Ici, nous avons trois systèmes de production. Nous cherchons à apporter des réponses aux agriculteurs qui s’inspirent de chacune de ces stratégies. » Sur ses 80 ha de SAU, la ferme morbihannaise, 100 % productions végétales, conduit un îlot (de 12 ha aujourd’hui) en agriculture biologique. En plus de la conduite conventionnelle, elle cultive aussi en ACS, donc.
Des alternatives existent dans la plupart des cas
Les travaux expérimentaux et les pratiques agricoles des dernières années mettent au jour que dans bien des cas, de vraies alternatives au glyphosate existent. Yannick Le Bars (élu de la chambre d’agriculture et président d’Ecophyto dans la région) précise d’ailleurs que l’emploi de la molécule se restreint déjà à quelques cas sur le terrain. En dehors de la lutte réglementée contre l’ambroisie ou la berce du Caucase, « on peut l’utiliser en système sans labour pour détruire une prairie ou des cultures dérobées ». Les essais sur la station expérimentale bretonne révèlent néanmoins quelques situations où l’équation est insoluble.
Le climat océanique favorise la pression
Olivier Manceau résume : « Supprimer totalement le glyphosate en ACS, on ne sait pas faire. » Particulièrement en Bretagne, selon lui. En effet, le climat océanique est un allié puissant de la flore, qu’elle soit cultivée mais aussi adventice. « La douceur des températures et la pluviométrie sont relativement régulières. Ce contexte permet des levées toute l’année. Ainsi, le désherbage est une problématique très forte pour les cultures dans la région. » L’expert appuie avec une comparaison : si l’on implante un essai dans une parcelle en Bretagne, on peut avoir dix fois plus de mauvaises herbes au départ que dans une parcelle équivalente qui se situerait en Beauce.
Par ailleurs moins fréquemment exposés au gel, les champs bretons ne bénéficieraient pas non plus d’autant de facilités de gestion de la couverture végétale. De sa culture de colza aux abords du rivage de la baie de Saint-Brieuc, Yannick Le Bars apporte une illustration. « La féverole en plante compagne favorise la couverture rapide au démarrage de la culture de colza et réduit le besoin de désherbage. » Puis, du fait de son caractère gélif, laisse la place naturellement au colza après l’hiver. Sauf que les années sans gel sont fréquentes et dans ces cas-là, reste à l’agriculteur la carte du produit chimique pour pallier l’inaction climatique.
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