Dans les cuma la féminisation est timide. Leur nombre, particulièrement dans les postes à responsabilités, ne représente pas la place qu’elles occupent dans l’agriculture. Bientôt 10 ans que Séverine Brun est installée à Champdieu dans la Loire. Fille d’exploitants et originaire du Rhône, elle s’installe d’abord avec son beau-père en 2014 puis en gaec avec son conjoint en 2020. « Pour nous travailler avec une cuma, ça a toujours été une évidence. Nos parents respectifs étaient déjà en cuma. Nous connaissions les avantages mais pas forcément le fonctionnement, le côté administratif, réglementaire ou encore l’organisation.
« On a pensé à toi pour le poste de trésorier »
Avec un gaec gros utilisateur de la cuma de Champdieu, « je n’avais pourtant jamais participé à une réunion » avoue Séverine Brun. Mais en 2019, le président frappe à la porte et la sollicite pour prendre la succession du trésorier qui partait à la retraite. « C’est vrai que la place de trésorier de cuma, rares sont ceux qui courent après. Personne ne la voulait. Les hommes doivent penser que c’est un travail plus féminin. Même dans le gaec, les rôles sont répartis. Mon conjoint s’occupe plus de la partie mécanisation et moi je gère les comptes. »
Trouver sa place
Dans le conseil d’administration de la cuma, « je suis la seule femme. Mais le CA m’a bien épaulé. Il y a eu un tuilage avec l’ancien trésorier. Si on n’était pas venu me chercher, jamais je n’y serais allée. C’est difficile quand il n’y a que des hommes. » Pourtant ce poste de trésorière de la cuma, Séverine se l’ai bien accaparé. « En tant que trésorière, je dis ce que je pense par rapport aux chiffres. Pour les investissements, les hommes regardent plus la technique et moi mon rôle c’est le côté financier. Pas toujours évident de faire coïncider les deux.
Quand les hommes commencent à élever le ton lors de discussions d’investissement, j’aimerais être une souris pour pouvoir me cacher. Je ne rentre pas dans les débats musclés. Ce n’est pas pour moi. J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur mon président. C’est lui qui va au combat. » Une responsabilité qui prend du temps « et pas forcément drôle quand il fait beau dehors. » Chaque année, c’est une centaine d’heures de bureau pour la partie compta de la cuma « et je ne compte pas les remises de chèques à la banque ou les réunions. » Mais un travail pris en compte. « Une indemnisation est en place pour ceux qui prennent des responsabilités. C’est en quelque sorte une reconnaissance du travail réalisé qui vient en plus de celui d’exploitante à plein temps. »
Plus difficile de s’imposer, malgré une féminisation des cuma
« Je ne me suis jamais posé la question si, moi en tant que femme, je serai reconnue comme agricultrice. Ma mère était déjà associée dans un gaec et pour moi ce métier a toujours été une évidence. Je me suis imposée par le travail, comme un homme. Mais c’est vrai qu’on en demande plus à une femme. On est plus regardée car moins nombreuses. Je me suis installée avant mon conjoint. J’ai géré l’exploitation, pris des décisions d’investissement, conduit le troupeau.
Mon exploitation tournait bien au niveau financier. Mais il faut avoir du caractère pour s’imposer comme cheffe d’entreprise. Avoir du caractère en plus de la passion et savoir aussi dire non. » Mais des a priori restent tenaces. « Ce qui m’énerve le plus ? C’est quand quelqu’un arrive sur l’exploitation et qu’il me regarde en me demandant où est le patron. C’est encore loin d’être évident pour tout le monde qu’une femme puisse être agricultrice au même titre qu’un homme. »
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